Par Jalel MESTIRI Le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la bagarre. Il ne se passe pas un match, ou encore un choc sans qu'il ne soit entaché par le comportement irresponsable et irréfléchi de certains supporters. Ce qui s'est passé hier au stade de Radès n'a pas dérogé à la règle. Il est clair que les enjeux dans le football tunisien ont pris aujourd'hui une dimension qui a dépassé toutes les limites. Une dimension jamais atteinte jusque-là. Plus que jamais, notre football aurait besoin de renouveler l'image de ses différents acteurs. Joueurs, entraîneurs, responsables, mais aussi supporters. De préciser les prérogatives de chaque partie prenante et même de s'ouvrir, pourquoi pas, à un public différent... Comme dans d'autres domaines de la vie sociale, le football est de nature à se porter sans relâche à la conquête d'entourage et de valeurs dans lesquels on est censé retrouver des vertus jamais perdues. Dans certains domaines, comme plus largement dans le football, l'histoire du public a son propre rythme, sa propre temporalité. Il n'en demeure pas moins que plusieurs processus permettent de comprendre la position des supporters et d'en définir la portée. Les débordements des supporters ne sont-ils pas parfois aussi la conséquence de problèmes sociaux, économiques et politiques? De chômage, de manque de moyens de loisirs et d'évasion? Le stade n'est-il pas devenu de ce fait la seule place où les jeunes peuvent s'exprimer et extérioriser leur désarroi? Quand le supporter a une vision ambiguë du sport, la violence devient une vision assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance de l'amour du club, de la définition du sport. La nécessité d'un dialogue constructif avec les supporters est par conséquent la pierre angulaire pour faire face aux «pseudo-supporters» qui polluent notre football. La mise en place d'un système d'avertissements graduels et de sanctions éducatives, d'un cadre clair et légal pour la liberté d'expression dans les gradins et l'implication des supporters dans la préparation des matches n'est plus aujourd'hui seulement souhaitée, mais tout particulièrement exigée. Le supporter a-t-il de ce fait un profil spécial ? Une marge, une sphère dans lesquelles il peut s'exprimer, voire exceller? A-t-il des finalités et des attributions ? Quelles sont les normes et les valeurs sous-jacentes à la gestion du public et au mouvement de foule? Enfin, ces normes et ces valeurs se différencient d'un stade à l'autre, d'un public à l'autre? En dépit de certaines tentatives répétées pour éradiquer la violence, le dialogue avec les supporters n'est toujours pas amorcé. Le fait est cependant là : on assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté sur la contestation. Beaucoup de jeunes supporters associent avec imprécision le football à la violence et s'en font un prétexte, voire des fois une raison, pour se battre. Le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la violence. Le triptyque «identification-interpellation-sanction» pas suffisamment utilisé jusque là serait-il la solution adoptée pour éradiquer la violence dans nos stades? Dans un contexte particulier, les mesures et les décisions exceptionnelles sont désormais exigées aussi bien que les dispositions de la bonne organisation des matches et la gestion du mouvement de la foule. Il est grand temps d'adopter une loi qui interdit tous les actes de violence tout en appliquant des peines sévères. Aussi déterminant que cela, ce qu'on peut notamment appeler comme le livre vert des supporters, ainsi que tout ce qui peut servir à travailler dans le sens de la formation, de l'éducation et de l'information du public, des joueurs, des encadreurs et des dirigeants sportifs.