Par Diego Zorrilla (*) Le monde célèbre aujourd'hui la Journée internationale des droits de l'Homme, anniversaire de l'adoption, le 10 décembre 1948, de la Déclaration universelle des droits de l'Homme par l'Assemblée générale des Nations unies. En Tunisie, je crois que cette commémoration doit être placée sous le signe de l'optimisme. Il est incontestable que la situation des droits de l'Homme s'est considérablement améliorée depuis la révolution en 2011. Cette date marque un tournant, faisant que l'adhésion de la Tunisie à la Déclaration universelle soit passée du formel et symbolique au réel et effectif. Malgré les défis sécuritaires et les difficultés économiques des dernières années, la Tunisie a maintenu le cap du progrès vers plus de respect des droits humains. Ces réussites sont le socle sur lequel se construisent les ambitions de demain. Depuis 2011, la Tunisie a réussi trois élections démocratiques, conduites par une instance jeune mais capable et crédible. Cette expérience a montré la volonté et la capacité de la jeune démocratie tunisienne de respecter les règles du jeu et de transmettre pacifiquement le pouvoir. En 2014, la Tunisie a adopté une Constitution démocratique et progressiste à travers une Assemblée constituante élue par le peuple, et avec une grande ouverture à la société civile. Cette constitution, tout en obéissant aux règles du large compromis, est un modèle pour la région arabe et pour le monde. Depuis 2011, la Tunisie est dans la démarche d'adapter ses lois pour garantir plus de droits et de libertés. Le dispositif légal tunisien en matière de droits repose sur le socle d'acquis que l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution a légués. Le Parlement a depuis lors repris ce colossal chantier d'adaptation des lois. Le respect de la Constitution et l'harmonisation avec les standards internationaux guident dorénavant cette entreprise, vitale pour l'état de droit. La transition démocratique exige également de rétablir la justice, de combattre l'impunité et de garantir la non-répétition des violations des droits de l'Homme. La Tunisie a engagé depuis 2013 le chantier de la justice transitionnelle de manière courageuse et déterminée, pour tourner la page des injustices et de l'impunité. Son succès sera un signal fort pour le peuple tunisien et pour le monde. Trois ans après l'adoption de la Constitution, des institutions-clés prévues par ce texte fondamental n'ont pas encore vu le jour. La cour constitutionnelle, fondamentale dans le nouvel ordre juridictionnel car garante du respect de la Constitution et recours ultime des Tunisiens pour le respect de leurs droits, n'est pas encore installée. L'Instance nationale des droits de l'Homme n'a pas encore vu sa loi approuvée par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). D'autres instances, même si de création très récente, sont effectives et opérationnelles. Néanmoins, elles se confrontent parfois au défi de leur pleine acceptation et ont besoin de soutien. Ces instances sont des pièces importantes pour la garantie des droits de l'Homme et pour l'équilibre institutionnel voulu par les Tunisiens en adoptant leur Constitution. Le renforcement d'un pouvoir juridictionnel indépendant et doté des moyens nécessaires est un autre défi sur le chemin de la transition tunisienne. Le Conseil supérieur de la magistrature est un acquis majeur de la nouvelle Tunisie. Il a vocation de rassembler ses membres dans leur diversité autour du principe d'indépendance des juges et de la collaboration avec l'ARP et le gouvernement pour garantir les droits de défense et de procès équitable à tout citoyen. Parmi les droits célébrés le 10 décembre, les droits économiques, sociaux et culturels occupent une place fondamentale dans une Tunisie qui voit de légitimes revendications sociales se multiplier. Si l'action en faveur des droits «civils et politiques» est urgente, celle en faveur des droits qui assurent le bien-être social et économique des Tunisiens l'est tout autant. Le droit à l'éducation de qualité pour tous, à la santé, au logement décent, à une sécurité sociale, entre beaucoup d'autres, sont autant de droits fondamentaux que les Tunisiens aspirent à réaliser. Je crois que l'émergence d'une société civile active et indépendante est l'un des ingrédients qui explique le succès tunisien. Depuis 2011, des centaines d'associations ont été créées chaque année et travaillent, à leur niveau et dans leurs zones d'activité, pour promouvoir et défendre les droits des Tunisiens. Dans cette journée de célébration on leur exprime nos remerciements. Le chemin parcouru par la Tunisie en matière de droits de l'Homme en si peu de temps est considérable. Ce qui a été réalisé précisément génère l'espoir qui porte de nouvelles revendications, crée la perspective de davantage de progrès. Le chemin qui reste à parcourir est encore long. Les prochaines étapes exigeront de la patience et de la constance. Les Nations unies continueront à accompagner la Tunisie dans cette démarche. D.Z. *Coordonnateur résident du Système des Nations unies en Tunisie