Par Samira DAMI Actuellement se déroule, sous nos cieux, la 19e édition des JTC (Journées théâtrales de Carthage) qui succède, ainsi, aux JCC (Journées cinématographiques de Carthage) qui, dans leur 28e édition, se sont tenues du 4 au 11 novembre. Suivront, dans quelques mois, les JMC (Journées musicales de Carthage) qui seront talonnées par les festivals d'été, tous acabits, entre locaux, régionaux et internationaux, etc. Voilà qui est réjouissant pour certains, tant les festivals représentent une occasion propice pour fêter un art en particulier ou plusieurs arts à la fois (polyculturel). Ces manifestations se caractérisent en général par leur aspect festif et convivial drainant, ainsi, le plus grand nombre de festivaliers. Mieux, ces festivals, de tous genres artistiques, permettent la circulation des œuvres et des créations, constituant, ainsi, une sorte de vitrine qui leur offre plus de visibilité. Ils représentent, également, des lieux de découverte et de rencontres à même de susciter le débat et la réflexion. Ainsi, ces manifestations culturelles jouent un rôle moteur en stimulant la création et la production et en encourageant la créativité des jeunes et moins jeunes, notamment. Outre qu'elles exhortent à la pratique culturelle et à la démocratisation de la culture à travers la diffusion des productions. Enfin, n'oublions pas que les festivals sont, également, des générateurs de développement et d'emplois, ayant, donc bel et bien un rôle économique. Cependant, de nombreux acteurs culturels, entre producteurs, créateurs, artistes, animateurs et distributeurs, se demandent, sceptiques, à quoi peut bien servir cette pléthore de festivals dont plusieurs sont sans identité, sans objectifs clairs et sans ressources financières importantes. Car, à leurs yeux, la culture n'a pas encore et toujours la considération et la place qu'elle mérite auprès notamment des décideurs. Et il suffit, pour s'en rendre compte, de se focaliser sur le maigre budget qui lui a été consacré cette année, soit 0,74% du budget total de l'Etat. Ainsi, pour que la culture atteigne le taux de 1% tant rêvé par les artistes et les acteurs culturels, il faudra repasser. C'est pourquoi, dans leur grande majorité, les professionnels du secteur estiment que ces manifestations culturelles, par dizaines, ne sont que de la poudre aux yeux. Car peut-on se réjouir, selon eux, d'autant de festivals, alors qu'on manque tragiquement d'argent et de ressources financières pour stimuler la création, diffuser les productions et consolider l'infrastructure culturelle existante ? Laquelle infrastructure, se détériore au fil des ans, notamment dans les régions (fermeture de salles de cinéma, absence de bibliothèques, de maisons de la culture, de musées, de galeries d'art et d'espaces culturels privés). Autres interrogations pessimistes : à quoi servent, donc, les festivals si la majorité d'entre eux ne sont pas dotés de statuts et voient leur budget fluctuer et leur direction changer quasiment tous les ans. Pis, à quoi peuvent bien servir ces manifestations si les artistes eux-mêmes vivent sans statut, dans la précarité et l'inquiétude. Considération et hommage ne leur seront rendus, en fait, qu'après leur mort. Ce qui nous renvoie aux célèbres paroles de Ali Douagi «Ach yetmana fi anba... «décrivant, ainsi, le triste et douloureux sort et statut de l'artiste dans les années 1930. Pourtant, nous sommes bien au XXIe siècle et en 2017 et rien ne semble avoir changé. Certes, un projet de loi sur «le statut des artistes et des métiers d'art» a bien été adopté par le gouvernement, le 6 décembre dernier, mais on attend toujours qu'il soit voté par l'ARP. La culture, un besoin comme le pain A quoi servent, enfin, les festivals si les décideurs ne développent ni ne stimulent la pratique culturelle à travers l'éducation et la formation, afin de faciliter et d'encourager l'accès du public aux créations ? Il est clair, par conséquent, que pour les artistes et les créateurs, les producteurs, distributeurs ainsi que pour les animateurs d'espaces publics et privés, il est inutile de multiplier ces manifestations artistiques publiques si la culture n'est pas considérée, comme un besoin humain essentiel, tel le pain, donc une nécessité, voire un musk, pour l'ensemble des citoyens. Et on ne peut qu'y souscrire tant les arts et la culture sont un vecteur de connaissance, d'éducation, de prise de conscience, d'engagement, de liberté, d'émancipation, mais aussi d'identité, de spiritualité, de rêve et de bonheur. Or, pour que cette vision percevant la culture, comme une source nourricière favorisant la pensée, le sens et l'émotion, une stratégie et une politique culturelle efficace reposant sur des fondements solides doivent être mises en place. Ce n'est qu'à cette condition que les festivals, qui sont normalement la consécration et le fruit d'une politique culturelle percutante et profitable, prendront tout leur sens aux yeux aussi bien des acteurs culturels que du public.