Sons et animations transforment la visite du capitole d'Uthina et reflètent un point de vue sur un volet de notre histoire qui est remis au premier plan et au goût du jour. A 30 kilomètres de Tunis, en plein site archéologique d'Oudhna, rendez-vous jusqu'au 17 décembre avec Ulysse, Neptune, Venus, Orphée et les autres. Ceci n'est pas une légende, mais une histoire vraie, inaugurée le 26 novembre et précédée par deux mois de travail pour donner vie à l'exposition « Street art Museum : Uthina, mythes et légendes ». Derrière ce projet, l'association Museum Lab, soutenue par le programme NET-MED Youth (financé par l'Union européenne et lancé par l'Unesco), avec Ahlem Boussaâda, comme commissaire d'exposition, et les partenaires : l'Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle, l'Institut national du patrimoine, la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, et Design LAB. Museum Lab se définit comme «l'initiative d'un collectif d'artistes, d'enseignants universitaires et d'historiens de l'art pour faire émerger de nouvelles idées et engager des changements dans les musées et les sites archéologiques». On lui doit des projets comme «Mapping Sculpture In Carthago», où les sculptures du musée de Carthage ont été habillées en mapping vidéo. A Oudhna, l'expérience est plus poussée, basée sur deux volets : la valorisation du site archéologique grâce aux arts numériques et la formation de jeunes issus de cursus artistiques et archéologiques. Transformer un lieu historique en un espace immersif Cinq artistes ont été invités à revisiter des fresques dont quatre sont originaires d'Oudhna et une du site de Dougga. Les mosaïques sont exposées au musée du Bardo. Elles ont désormais des répliques au goût du Street Art, créées par des étudiants et diplômés en histoire, archéologie, beaux-arts, architecture et différentes disciplines en rapport avec le thème de l'exposition. «Un appel à candidature a été lancé pour ces ateliers. Nous avons sélectionné 30 participants en favorisant les jeunes de la région de Ben Arous à laquelle appartient le site», nous expliquent Houssem Boukef, responsable artistique de Museum Lab, et Moussa Himer, coordinateur et régisseur du projet, qui nous guident à travers les couloirs du capitole d'Uthina, où sont placées les œuvres. Skander Beldi, Selima Angler, Va Jo, Doua Borji et Selim Tlili ont redonné d'autres couleurs et une autre vie aux mosaïques romaines, chacun selon sa sensibilité et sa technique. Ainsi, «Dionysos et Don de la vigne à Ikarios» et «Ulysse et les sirènes» ont été réinventés en acrylique sur bois, «Le triomphe de Neptune-Poséidon» en aérosol sur toile, «La toilette de Vénus», en acrylique et feutre noir et «Orphée charmant les animaux» en acrylique et aérosol sur bois. D'atelier en atelier, les jeunes participants ont d'abord découvert l'histoire des fresques originales avec Hatem Drissi, responsable scientifique de l'exposition, et Nizar Ben Slimen, conservateur du site d'Oudhna, puis mis la main à la pâte avec les artistes avant de passer par une initiation aux techniques du mapping vidéo avec le collectif Design Lab et une initiation au sound design avec les musiciens Hayej, Wissem Ziadi, Krux et Trappa. «La fresque reste le fil conducteur», décrit Moussa Himer. Chacune s'est habillée d'un univers où sons et animations transforment la visite du capitole d'Uthina en véritable expérience immersive et reflètent un point de vue sur un volet de notre histoire qui est, le temps de cette exposition, remis au premier plan et au goût du jour. «Cela s'inscrit dans les objectifs de l'association. Nous œuvrons pour le renouvellement de la médiation culturelle dans les sites archéologiques à travers les nouvelles technologies, et pour enrichir l'expérience de visite du public de ces lieux», ajoute Houssem Boukef. L'expérience fut marquante pour le public comme pour les participants et les initiateurs du projet. «J'ai acquis beaucoup de connaissances techniques et je veux poursuivre mon expérience dans ce domaine», affirme Molka Gaddes, qui a réalisé son PFE sur la restitution 3D d'une maison du site d'Oudhna et est aujourd'hui en mastère à l'université de La Manouba. Pour Nesrine Jabnoun, étudiante en histoire à 9-Avril, l'intérêt de ce projet est dans la manière innovante dont il vulgarise l'information scientifique à travers l'audiovisuel. «Grâce à ces techniques, les fresques ne sont plus "muettes" et les gens et surtout les enfants s'y intéressent plus», témoigne-t-elle. Toutes deux tiennent la boutique de l'exposition, qui aurait pu selon elles être plus étoffée et variée. Du début à la fin, les challenges étaient au rendez-vous. «L'espace impose sa loi et ses particularités et c'est à nous de nous adapter», raconte Moussa Himer. C'est le cas de le dire puisque l'équipe a travaillé à l'aide d'un générateur électrique vu que le site archéologique n'est pas encore raccordé à l'eau et à l'électricité. Une difficulté qui fait partie du quotidien de son conservateur, Nizar Ben Slimen, avec lequel nous reviendrons prochainement sur l'état et le projet du site archéologique d'Oudhna.