Une pièce pétrie de clairvoyance, d'humour, d'intelligence et de courage. Un manifeste contre la censure, les tabous et les idées noires ! A quoi peut-on penser en faisant sa séance de jogging? Hanane Hajj Ali ramène la réponse à l'art et à la scène. En s'inspirant de cet exercice quotidien qu'elle pratique assidûment «pour prévenir l'ostéoporose, l'obésité et la dépression», elle livre une œuvre théâtrale marquante, teintée d'humour, d'amertume, de réalisme, de fantaisie et de toutes les contradictions qui balancent les sentiments d'un pôle à l'autre. «Les effets de cette routine quotidienne sont contradictoires. En effet, deux hormones sont libérées dans son corps pendant l'exercice, la dopamine et l'adrénaline, qui sont à tour de rôle destructives puis constructives, à l'image de cette ville qui détruit pour reconstruire, et construit pour détruire», explique-t-elle dans le résumé de la pièce. Celle-ci est une expérience à vivre, et chanceux ont été ceux qui ont pu y assister mercredi dernier au théâtre El Hamra, dans le cadre de la section parallèle des Journées théâtrales de Carthage. Accords parfaits et bon dosage entre le texte et les mouvements sur scène tiennent tout de suite le spectateur en haleine. Hanane Hajj Ali s'accapare la scène et se livre dès les premières phrases en évoquant, justement, ses contradictions de femme, épouse et mère et comment son espace intérieur interagit avec l'espace extérieur de la ville et des autres... Car il s'agit souvent de limites et de frontières interpersonnelles dans Jogging qui ne mâche pas ses pensées, toujours au fil des opposés qui rythment le monologue, passant de la «Merde d'artiste» aux vieux dictons de la grand-mère et ainsi de suite. Un va-et-vient entre le for intérieur de cette femme témoin et actrice et un quotidien force majeure avec lequel il est difficile de composer sans passer par la case aliénation. L'aliénation, en voilà une que les femmes connaissent bien. Hanane Hajj Ali en prend Médée comme symbole. Son mythe fascine la comédienne qui ne comprenait pas comment on peut en arriver à tuer ses propres enfants. Jusqu'au jour où, prise de désespoir et de douleur, elle se surprend à rêver d'achever son fils de 7 ans, à ce moment-là souffrant d'une terrible maladie. Un choc pour elle et un élément déclencheur pour cette pièce qui l'a menée à vouloir déterrer les histoires d'autres Médées libanaises dont personne ne parle, dans un Liban-Médée qui bouffe ses enfants. Elle en choisit trois à travers lesquelles elle boucle la boucle de Jogging, une pièce pétrie de clairvoyance, d'humour, d'intelligence et de courage. Un manifeste contre la censure, les tabous et les idées noires ! Jogging Concept, texte et performance : Hanane Hajj Ali Direction artistique et scénographie : Eric Deniaud Dramaturgie : Abdallah AlKafri