« Nous n'avons pas travaillé assez pour pouvoir exporter. Nous n'avons pas travaillé assez pour mobiliser les ressources fiscales qui nous permettraient de ne plus nous endetter. Nous n'avons pas engagé de réformes depuis plusieurs années. Cela n'est pas seulement le cumul de sept années mais d'au moins vingt années. C'est pour cela que nous n'avons plus le choix que d'engager ces réformes», selon Ridha Chalghoum, ministre des Finances Le débat sur la loi de finances 2018 continue de peser sur l'opinion publique. Cette loi provoque, même après son approbation à la majorité par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), des réactions des mêmes personnes qui l'ont votée, dénotant un manque de vision face à son impact sur le consommateur tunisien et l'entreprise économique. Les préoccupations des investisseurs sont au top, mais Ridha Chalghoum, ministre des Finances, a estimé, lors d'un débat organisé hier par le Conseil des chambres mixtes que cette loi est nécessaire pour pallier les déséquilibres financiers de l'économie tunisienne. Une nécessité qui découle, selon lui, d'un déficit courant et d'un déficit commercial qui se creusent davantage, amenant à un endettement massif ces sept dernières années. "Nous n'avons pas travaillé assez pour pouvoir exporter. Nous n'avons pas travaillé assez pour mobiliser les ressources fiscales qui nous permettraient de ne plus nous endetter. Nous n'avons pas engagé des réformes depuis plusieurs années. Cela n'est pas seulement le cumul de sept années mais d'au moins vingt années. C'est pour cela que nous n'avons plus le choix que d'engager ces réformes", lance le ministre des Finances. Il a indiqué que l'augmentation moyenne du budget de l'Etat a été de 9,8%, durant les dernières années. En appliquant ce taux sur l'année 2018, le besoin en financement serait de 14 milliards de dinars. Une partie (7 milliards de dinars) pourra être financée par les partenaires financiers de la Tunisie sous réserve de leur consentement et le reste devra être mobilisé sur le marché local. Or, M. Chalghoum souligne que moins de 2 milliards de dinars ont pu être collectés cette année et pour atteindre le chiffre de 6 à 7 milliards de dinars, le taux d'inflation serait à deux chiffres et il y aura l'apparition du phénomène d'éviction. "Chercher des ressources fiscales n'est pas seulement nécessaire pour le budget de l'Etat mais aussi pour garder un financement sain de l'entreprise. Il est aussi nécessaire pour maîtriser l'inflation, sinon nous allons tomber dans la planche à billets et la super-inflation. Ces mesures pour limiter les dépenses sont nécessaires", précise-t-il. Le ministre a affirmé que le gouvernement d'union nationale a présenté une vision pour la période 2017-2020 qui a été débattue par les différents partis et par les partenaires sociaux, visant un déficit de 3%, une croissance de 5% et un retour à l'équilibre des finances publiques. Il a indiqué qu'une petite relance a été réalisée en 2017 et le taux de croisssance prévue est de 2,2%, avec des prévisions de 3% pour l'année 2018. Des objectifs que les nouveaux dispositifs de la loi de finances 2018 pourraient accompagner, selon M. Chalghoum, estimant qu'il ne s'agit pas seulement de mesures fiscales mais aussi de mesures pour relancer l'activité des entreprises. Le Fonds de restructuration pour les PME (400 MDT) permettrait ainsi aux entreprises qui n'arrivent plus à emprunter à disposer des fonds nécessaires pour redémarrer à travers la restructuration de la dette, la mise à disposition d'un fonds de garantie et la possibilité de financer le fonds de roulement. Consolider l'environnement des affaires En ce qui concerne l'investissement, le ministre a indiqué que des avantages fiscaux ont été mis à disposition des investisseurs dans la loi de finances en plus de ceux prévus par la loi sur l'investissement. Il a insisté, à ce niveau, sur l'importance de la stabilité du cadre fiscale et de la réglementation de l'investissement. «C'est pour cela que nous avons jugé qu'il est très tôt de revoir certaines mesures de la loi de finances», rétorque-t-il. En ce qui concerne les droits de douane, le ministre affirme que la loi de finances n'apporte aucun élément qui affecte l'activité de l'entreprise, expliquant que l'augmentation de certains droits n'implique pas les intrants et les produits semi-finis, qui continuent à être exonérés, de même pour les biens d'équipement qui entrent dans l'investissement. D'ailleurs, il a affirmé que les droits de douane ne concernent pas les importations des pays avec lesquels la Tunisie a des accords de libre-échange et qu'ils concernent seulement 8% des importations de produits destinés en majorité à la consommation. M. Chalghoum a affirmé que l'élément le plus important à consolider est l'environnement des affaires, indiquant qu'il existe un engagement pour travailler sur les procédures. «Les semaines à venir vont vous apporter de bonnes nouvelles. Aujourd'hui, la majorité des autorisations est jugée bloquante. Je considère que l'allégement des autorisations est meilleure que toute prime d'investissement ou autre soutien», précise-t-il à l'audience. Il a ajouté qu'un plan de modernisation de la douane est également en cours, à travers l'amélioration de l'environnement au niveau du port et des différentes opérations de commerce extérieur, contribuant ainsi à la réduction des délais de dédouanement. Il a indiqué que la réalisation des investissements au niveau des quais 8 et 9 au port de Radès va permettre de gagner de l'argent au niveau des surestaries qui sont supportées par les entreprises et par l'économie nationale, et d'améliorer la rentabilité des entreprises et la compétitivité de la Tunisie. Finances publiques D'un autre côté, M. Chalghoum a indiqué qu'un montant plus important que l'année dernière a été réservé à la Caisse de compensation, avec un engagement de la part du gouvernement de ne pas augmenter les prix des produtis de base qui sont subventionnés à hauteur de 1.570 MDT, précisant que le carburant est subventionné à hauteur de 1.500 MDT. "Nous ne pouvons pas donner plus. Si nous nous comparons avec d'autres pays de la région du Maghreb, nous sommes très loin. Nous sommes en train de subventionner avec des montants qui auraient dû être utilisés dans l'infrastructure, pour améliorer l'environnement des affaires et autres", signale-t-il. Concernant l'investissement public, le ministre a indiqué que le plan de relance prévoit des actions en partenariat public-privé (PPP), de limiter les dépenses et les recrutements dans la fonction publique. Il a ajouté que certes le taux de chômage reste élevé; mais le gouvernement table sur l'investissement privé dont on prévoit une augmentation de 13%, d'après le budget économique pour l'année 2018. Il estime que cela permettrait de booster la croissance et d'allèger les charges de l'Etat. Pour la problématique des entreprises publiques, M. Chalghoum a souligné qu'il n'existe pas de tabou et que le ministère des Finances traite au cas pas cas pour des programmes d'assainissement ou de privatisation. Pour le secteur bancaire, trois banques seront concernées par la vente des participations de l'Etat à savoir la banque Ezzitouna (confisquée), la Banque tuniso-émiratie (50% de participation) et la Tunisian Foreign Bank (49% de participation) ainsi que les banques où la participation de l'Etat n'est pas majoritaire. Concernant les banques publiques, un programme de restructuration est en cours et est suivi par le ministère des Finances et l'ARP.