Chaque année, les communautés musulmanes à travers le monde et les pays islamiques célèbrent, avec ferveur, une grande fête‑: le Mouled. Le premier, parmi tant d'écrivains et de penseurs qui se sont intéressés aux choses de l'Islam, Hachemi Sebaï, a su mettre en lumière les origines véritables de cette solennité et, surtout, sa haute portée cosmique, humaine, spirituelle… Selon la tradition historique musulmane, écrivait-il dans les Mémoires d'Aber Sabil, l'année de la naissance du Prophète a été marquée par un événement dont l'importance est soulignée dans le Coran-même et qui proclame la toute-puissance de Dieu et sa redoutable volonté de protéger ses œuvres. L'Année de l'Eléphant Un gouverneur abyssin du Yémen, qui avait construit à Sanaâ un temple qu'il voulait substituer à la Kaâba, avait conduit à la Mecque une armée de soixante mille hommes pour détruire «la vieille maison de Dieu». Dans le dessein d'effrayer les éventuels défenseurs de la Kaâba, il avait monté un gros éléphant. Arrivé en vue du temple d'Abraham, sans rencontrer la moindre résistance, il a été défait avec ses troupes par une nuée d'hirondelles qui leur jetèrent, du haut des airs, des cailloux empoisonnés. L'histoire garda le souvenir de cette terrible intervention divine en appelant cette année «l'Année de l'Eléphant» et l'apologétique musulmane y vit le signe d'une renaissance de la Kaâba souillée par la présence des idoles et que le Prophète devait rendre au culte d'Allah. Le 20 juillet 571-12 Rabii Ier Ce fut le 20 juillet 571, qui correspond au 12 Rabii Ier, de l'Année de l'Eléphant que Mohamed vit le jour à la Mecque. Si ce jour est fêté dans de pieuses et parfois grandioses solennités, il n'en fut pas toujours ainsi dans le passé. Après ces renseignements de première valeur, Hachemi Sebaï conclut par cette précision historique‑: «Les premières cérémonies officielles à l'occasion de l'anniversaire de Mohammed ont été organisées en Egypte par les Fatimides, cette dynastie arabe de Tunisie, qui, de Mahdia, étendit son pouvoir sur l'antique royaume des Pharaons. La tradition acquit ensuite droit de cité dans les autres pays musulmans et les fêtes du Mouled connurent, par moments, notamment dans le Maghreb au neuvième siècle, un éclat tel que n'en connurent jamais de pareil les autres fêtes religieuses». Les origines tunisiennes d'une fête grandiose Et puis, ajouterons-nous, ce fut la décadence, le Mouled perd, peu à peu, son allure officielle et son faste d'antan. Mais son caractère familial, intime, secret persista contre vents et marées. Bien plus, c'est à partir de la famille musulmane vivant en exil, ou bien auprès de communautés non musulmanes et surtout dans les pays islamiques en butte à l'adversité, à l'exploitation colonialiste que le Mouled monta à la reconquête de la vie publique. Sans porter préjudice aux autres fêtes musulmanes rattachées comme celle de la rupture du jeûne et celle du sacrifice à des évènements liturgiques, le Mouled fait ainsi figure d'une sorte de fête nationale communautaire. «A cause de ce caractère, à cause aussi de sa valeur populaire spontanée et en raison de la manière dont cette fête dépasse ou dénature sa propre occasion originelle, elle semblerait vouloir être ‘‘un 14-Juillet musulman''», remarque le professeur Rondot. Le premier Mouled de l'Indépendance Dans les pays qui luttaient pour leur émancipation, la tonalité nationale du Mouled pouvait à ce titre frapper les observateurs. A ce propos, il n'est pas près d'être oublié le souvenir du Mouled 1376-1956 qui fut le Mouled de l'Indépendance. Il fut célébré avec un éclat exceptionnel, une ferveur inouïe.