Zied Lakhdhar : «Il y a des ministres et des députés amis d'Israël» Dès 10h00 du matin hier à la salle numéro un de l'ARP, plusieurs députés étaient présents. Pour la plupart, ils sont membres de la Commission des droits et libertés. Pourtant, sur les écrans qui affichent habituellement l'ensemble des réunions prévues, aucune mention n'est faite à propos de la commission des droits et libertés. A 10h44, le président de la commission, Naoufel Jemmali (groupe Ennahdha), ouvre la réunion et prend la parole. «Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la criminalisation de la normalisation avec Israël, nous avions décidé d'auditionner aujourd'hui les représentants de la présidence de la République. Le bureau de la commission a transmis la lettre d'invitation à la présidence de l'Assemblée, qui devait à son tour la transmettre à la présidence de la République, conformément au règlement intérieur, affirme Jemmali. J'ignore, à l'heure actuelle, si cela a été fait, néanmoins, je constate, que notre réunion n'a pas été annoncée sur le site du parlement, que les sms n'ont pas été envoyés aux membres de la commission pour les convier à la réunion et je constate aussi que, manifestement, les représentants de la présidence de la République ne sont pas là». Selon toute vraisemblance, le président du Parlement, Mohamed Ennaceur, a «omis» d'envoyer la lettre d'invitation à Carthage. Le président de la commission a estimé que ce comportement porte atteinte à l'image de l'Assemblée, à l'image de la commission et l'affecte personnellement. «Je refuse que dans cette affaire, nous jouions le rôle de pare-choc, je vais d'ailleurs avoir une explication personnelle avec le président de l'Assemblée, ce sont là des agissements aux couleurs mauves», a-t-il déclaré. Dans la foulée, il lit une correspondance qui lui aurait été remise le matin même, et dans laquelle le président du groupe Nida Tounès appelle au report de l'examen du texte, vu que deux projets de loi similaires avaient été déposés. En effet, en plus du projet de loi déposé depuis deux ans par le Front populaire, un autre projet de loi, signé par une dizaine de députés (du bloc démocrate essentiellement), avait été déposé, il y a seulement quelques jours. L'argument fait sourire Salem Labyedh (bloc démocrate) qui admet que les élus signataires du deuxième projet n'ont fait que signer une proposition de loi faite par une organisation de la société civile. «Cette erreur d'appréciation sera corrigée, et ce second projet de loi sera retiré». De son côté Samir Dilou (groupe Ennahdha) a fait savoir que le président de l'Assemblée n'était pas au-dessus des lois. «Il n'est au fond que le président d'une administration, qui doit respecter les procédures et respecter le règlement intérieur». Chez l'opposition, c'est du pain bénit, et Imed Daimi (Bloc démocrate) s'insurge contre cette «violation du règlement intérieur» et considère ce «précédent», comme une «tentative méthodique de bloquer le projet de loi». Le député a par ailleurs suggéré de suspendre l'ensemble des travaux de la commission jusqu'à ce que la présidence de la République soit auditionnée. En fait, Daimi et plusieurs autres élus soupçonnent Carthage d'avoir fait pression sur Mohamed Ennaceur pour que ce dernier s'abstienne de lui envoyer l'invitation. C'est en tout cas l'intime conviction de Zied Lakhdhar (Bloc du Front populaire) pour qui, il est évident «qu'Israël est puissant en Tunisie». «Dire que nous sommes tous contre la normalisation, n'est pas exact, déclare-t-il. Il y a des ministres et des députés amis d'Israël». Son collègue, Ahmed Seddik, du même bloc parlementaire renchérit : «Nous attendions des pressions extérieures pour l'abandon de ce projet de loi, mais c'est de l'intérieur qu'elles sont venues». La députée Lamia Mlayah (bloc Nida Tounès) prend d'abord la défense de la présidence de la République, et exclut une quelconque volonté de soustraire de sa responsabilité. En outre, lorsque nous l'interrogeons sur la question de la criminalisation de la normalisation, en tant que principe, la députée affirme qu'elle y est favorable. Quelques secondes après, elle se rétracte : «Ne mentionnez pas cela je vous prie, je dois consulter mon bloc parlementaire».