Acteur, réalisateur et producteur, Nassereddine Sehili vient de mettre les dernières touches à son long métrage documentaire «Lakcha med dénia» (Un fragment de ce monde). A l'occasion, il nous a accordé cet entretien dans lequel il parle, aussi, du nouveau projet sur le statut des artistes et du projet de l'université populaire. Où en est votre nouveau documentaire «Un fragment de ce monde» ? Je suis sur le point de terminer ce long-métrage documentaire «Un fragment de ce monde» (le titre en français n'est que provisoire). Une avant-première est prévue à la fin du mois de février. Je suis également sur un nouveau projet documentaire sur des artistes jadis connus par le grand public et qui sont aujourd'hui tombés dans l'oubli suite à certains événements par lesquels est passée la Tunisie, et sur d'autres, qui pour une raison ou une autre, ont choisi une autre voie. Je parie qu'il y a même des noms qui vont étonner les spectateurs dans ce film. Concernant ce nouveau documentaire, je dirais qu'il s'agit d'un film qui décrit un visage de la société que le pouvoir refuse de voir. C'est un visage que la plupart de nos hommes de culture refusent également de regarder en face. On parle souvent des problèmes des ouvriers et de leurs droits mais il y a des gens dont personne ne parle. Ce sont des gens qui ne sont ni diplômés chômeurs ni syndicalistes, ce sont des gens qui n'ont ni diplômes, ni soutien et qui vivent dans un monde «souterrain». Il s'agit de gens qu'on ne voit même pas. En tant qu'artiste, que pensez-vous du nouveau projet de loi concernant le statut des artistes ? C'est une manière détournée pour piéger le seul acquis de l'après-janvier 2011, à savoir la liberté d'expression. Par bêtise, certains de nos artistes croient que ce projet de loi se limite à une carte professionnelle c'est l'arbre qui cache la forêt, un prétexte pour faire passer autre chose. Ce projet de loi est en lien direct avec ce dont souffrent actuellement les journalistes ou les blogueurs qui ont poussé un cri d'alarme pour préserver leurs libertés. C'est une corde qu'on verra très bientôt s'enrouler autour du cou des cinéastes et des hommes de théâtre et des plasticiens. Ce projet du statut de l'artiste est la nouvelle porte qui se ferme derrière la parole libre. Et même si c'est un peu caricatural, je pense que bientôt on verra naître une police culturelle. Il faudrait que les artistes, les journalistes et les blogueurs prennent conscience qu'ils se battent pour la même cause. C'est un projet qui définit également les conditions d'appartenance à ce corps de métier... Mais on ne peut pas interdire aux gens de pratiquer une activité artistique à moins qu'ils aient un diplôme de telle ou telle institution et d'obéir aux critères stricts du ministère. C'est une vision catastrophique... Je pense qu'il y a d'autres solutions pour protéger les gens qui travaillent dans ce milieu. Sur un autre plan, je me demande pourquoi ce projet s'est fait sans consultation préalable des intéressés eux-mêmes avant de le présenter à l'ARP. Pourquoi ne pas avoir consulté les associations et les professionnels ? Ce projet semble pourtant avoir été conçu par les cadres du ministère des Affaires culturelles et quelques professionnels... Je ne pense pas que ce soit le cas. J'avance l'hypothèse qu'il y a des partis politiques influents qui ont leur prolongement au ministère et qui se trouvent très embarassés par cette liberté «exagérés» des artistes. C'est aussi une stratégie pour nous ramener vers la période d'avant 2010. Et les syndicats dans tout ça ? Je pense que la pression actuelle nécessite une vraie mobilisation. Mais les artistes n'ont pas la tradition de l'action syndicaliste comme les autres corps de métier. Il y a le syndicat des arts dramatiques par exemple qui n'existe presque plus. Vous me direz que c'est aussi le rôle de l'Ugtt et je vous réponds par l'affirmative. Je pense qu'aujourd'hui aussi bien l'Ugtt que la Ligue des droits de l'homme et celle des avocats sont appelées à soutenir les journalistes et les artistes dans cette crise qui devient de plus en plus dangereuse. Où en est votre projet de l'université populaire ? Il existe encore mais il est en statu quo pour plusieurs raisons. La première c'est que notre siège à fait l'objet d'un vol pendant lequel les malfrats ont pris tout l'équipement nécessaire qui va nous permettre de travailler. Et contrairement à nos débuts, il n'y a pas eu les appuis qu'il faut pour ce projet. Ce projet et sa survie nécessitent également beaucoup de moyens même s'il se déroule dans des quartiers populaires. C'est un projet qui ne peut pas compter sur le bénévolat uniquement. Je suis certain que ce projet (qui n'est pas encore mort) va être relancé.