Les temps ont changé et les générations d'hier et d'aujourd'hui ne jouent plus aux mêmes jeux. Toute la vie n'est que perpétuel changement. Chaque époque a ses caractéristiques, ses exigences et ses nouveautés. En outre, avec les progrès scientifiques et l'expansion des nouvelles technologies, beaucoup de pratiques ont changé en quelques décennies. On citerait, à titre d'exemple, les jeux qui remplissent les moments dont disposent les enfants pour s'adonner à des activités physiques et mentales de divertissement procurant beaucoup de délassement, de détente, de joie et de plaisir. Il va sans dire qu'à travers les générations, les hobbies ont changé et varient selon le statut social entre jeux gratuits et simples et jeux qui exigent beaucoup d'argent. Et si dans les quartiers populaires, on constate aujourd'hui que les jeux pratiqués sont accessibles à tous, tels que les billes, les ballons ou les toupies, il n'en est pas de même dans les quartiers résidentiels où les enfants sont cloîtrés dans leurs chambres en train de s'adonner aux jeux vidéo pendant de longues heures. Témoignages Pour avoir une idée plus précise sur ce sujet, nous avons recueilli les témoignages de citoyens appartenant à différentes générations. M. Moncef Ben Mohamed, 73 ans, retraité du ministère de l'Agriculture, trouve que les jeux dans les années 50 et 60 étaient plutôt physiques et se passaient la plupart du temps dans la rue. Ainsi, il nous cite comme exemple le jeu du saute-mouton qu'on appelle dans le dialecte arabe «Bhaïem Badis» qui consiste à sauter par-dessus 4 ou 5 joueurs qui se tiennent courbés : «Il ne fallait surtout pas trébucher ou tomber en sautant... Comme c'était agréable et quel immense plaisir cela nous procurait! Et parmi les autres jeux qu'on pratiquait à cette époque-là, figure le jeu des osselets qui sont les petits os provenant du carpe des moutons «Adhaïem Sari». Ainsi, tout un groupe de jeunes adolescents sortaient la nuit et cherchaient un vaste espace obscur afin d'y lancer ces osselets de couleur blanchâtre. Et celui qui les trouvait le premier était récompensé. En fait, c'était une gymnastique visuelle que réussissait celui qui avait une excellente vue. Par ailleurs, pendant les mois de mai et de juin, on ramassait les noyaux d'abricot qu'on frottait sur une surface dure telle que le ciment jusqu'à ce qu'ils soient troués. Alors, on les utilisait comme sifflets. D'autre part, on ramassait les boîtes de sardine vides qu'on rattachait l'une à l'autre à l'aide de fils de fer. Puis on mettait les bouchons de bouteilles d'eau gazeuse sous ces boîtes, formant ainsi des roues. Ensuite, on les remplissait de sable, de graviers, de charbons ou de cailloux pour les acheminer vers d'autres quartiers. C'était en quelque sorte notre train ! Comme la vie était facile! Comme on était crédule !». Les époques et les jeux se sont modernisés Mme Kaouther Skik, femme d'affaires, 37 ans, se souvient de son enfance et des jeux auxquels elle s'adonnait avec sa sœur et ses amies: «A part les jeux d'esprit, (devinettes, charades, etc.), le jeu des métiers, le jeu des cartes, des dominos et des dés, on aimait bien jouer au cerceau, un cercle en plastique coloré qu'on faisait tourner autour de la taille par simple rotation du bassin. En outre, on aimait fabriquer des poupées à l'aide de morceaux de tissu ou de laine. On pratiquait également le jeu des mains qui consistait à échanger des coups légers par plaisanterie. Ensuite, on cachait derrière le dos les deux mains dont une contenait des bonbons ou des fruits secs, et c'est aux autres de dire dans quelle main se trouvent ces douceurs. En cas de réponse correcte, on leur offrait ce qui était caché! Enfin, je me souviens qu'on aimait bien sauter à une corde munie de poignées que l'on fait tourner au-dessus de la tête puis près du sol, en sautant à chacun de ses passages, quelle différence avec les jeux pratiqués par nos enfants aujourd'hui. Je vois par exemple mon fils aîné Skander, 8 ans, qui aime bien jouer sur sa tablette «Candy crash» ou «Subway surfers». Il apprécie également les jeux de cartes Pokemon ou les hand spinners...». Halima Atallah, 16 ans, élève, aime bien les jeux vidéo surtout sur sa playstation : «Ainsi, il m'arrive de m'isoler pendant de longues heures dans ma chambre afin de jouer Fifa 18, GTA V, blur ou Pro 18. Ces jeux m'ont appris la patience, et m'ont aidée à développer mon intelligence et à savoir prendre les bonnes décisions. Et puis cela me procure beaucoup de suspense et de satisfaction. Néanmoins, pendant les vacances quand je rencontre mes cousines, je change un peu de rythme et je joue avec elles à "Djeja Amya", qui consiste à cacher à l'aide d'un foulard les yeux de l'une d'entre nous et on lui demande de nous chercher en tâtonnant et en faisant attention à ne pas heurter les meubles. Dès qu'elles touche l'une d'entre nous, cette dernière prend sa place...». Son frère Samir, 12 ans, renchérit : «A part les jeux vidéo, j'aime bien jouer au ballon, aux billes, aux petites boules en verre ou à la toupie formée d'une masse conique, munie d'une pointe à laquelle elle peut se maintenir en équilibre en tournant. Et pendant les soirées ramadanesques, c'est autour des pétards de nous faire la fête ainsi que les jeux de "1 2 3 aroussa samba" ou bien le jeu du trou, qui consiste à creuser un trou et à y lancer de loin de petites pièces de monnaie. Le plus habile d'entre nous arrive le premier et récupère toutes les pièces...». Le dilemme des parents Pour M. Badreddine Ben Saïd, professeur et chercheur en sociologie, les jeux sont un moyen de divertissement et de loisirs, mais également un moyen d'affirmer sa personnalité et de s'épanouir au sein d'un groupe social par l'intermédiaire de la participation et de la concurrence : «C'est aussi une expression de plaisir qui a pour objectifs de relever son identification à un groupe, son appartenance à un quartier aisé ou populaire ou à une classe sociale et à une génération. Par ailleurs, nous constatons que chaque saison a des jeux spécifiques, par exemple, en hiver on choisit la toupie et au printemps on opte pour les billes et le ballon. En outre, les jeux ont évolué, certains ont disparu, d'autres continuent de séduire les enfants, surtout dans les quartiers défavorisés où on cherche l'échange, la proximité et l'émulation. Par contre, dans beaucoup de familles aisées, les parents veulent protéger leurs enfants du danger de la rue et de ses risques et les encouragent à rester à la maison où les jeux vidéo sont accessibles avec le risque d'isolement, de solitude, d'addiction et de manque de communication et d'échange avec les autres. De ce fait, les parents sont face à un dilemme : les protéger, les couver et les pousser à vivre dans le virtuel, ou bien leur donner la liberté et les laisser découvrir la vie au contact de la rue et de son environnement...»