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« Assurer la pérennité des caisses : une urgence absolue »
Entretien avec... Mahmoud Ben Romdhane, économiste et ancien ministre des Affaires sociales
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 03 - 2018

La conjoncture est certes difficile mais nous pensons qu'il faudra malgré tout positiver, savoir rester lucide. Aussi avons-nous cherché et voulu que cet entretien soit placé sous le signe : «Ni dramatisation, ni sous-estimation des difficultés». Cependant, l'économiste et ancien ministre Mahmoud Ben Romdhane réitère, sans en démordre, ce qu'il a soutenu samedi dernier à Beït El Hikma devant un parterre de responsables politiques de premier plan, d'anciens ministres, de juristes et d'économistes de renom. Entretien.
Vous avez donné une conférence samedi 3 mars à Beït El Hikma que vous avez intitulée «L'arrivée aux limites». Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par ce titre ?
Ce que je veux dire, c'est que la crise économique s'est aggravée au point où la solvabilité de l'Etat a atteint ses limites.
Pouvez-vous illustrer votre propos ?
L'Etat arrive aux limites de la solvabilité lorsqu'il ne parvient pas à honorer ses créances. L'Etat est défini comme étant l'Etat central avec ses démembrements : les collectivités locales, les entreprises publiques, les caisses de sécurité sociale. Aujourd'hui, les caisses de sécurité sociale sont parvenues à une situation d'insolvabilité ; quant à l'Etat central, il ne parvient à régler les salaires de ses fonctionnaires qu'au prix de nouveaux emprunts. Il n'a plus la prévisibilité qui lui donne l'assurance de pouvoir régler sa facture salariale au-delà d'un mois ou deux.
Avez-vous des arguments chiffrés ?
Bien sûr. Commençons par le système de protection sociale. Il a littéralement explosé. Depuis le premier semestre 2016, toutes les caisses — Cnrps, Cnss et Cnam — ont épuisé leurs réserves. La Cnrps et la Cnss étaient parvenues à un état de réserves négatives bien avant. Elles ne parvenaient plus à payer les pensions de leurs retraités et pensionnés qu'en ponctionnant sur les cotisations que leurs assurés sociaux leur versaient au titre de l'assurance maladie et accidents du travail pour être reversées à la Cnam. La Cnam avait des réserves, en particulier des provisions, pour assurer les rentes de ses accidentés du travail victimes d'incapacité permanente.
Mais, privée d'une partie croissante des cotisations de ses assurés sociaux, prélevées par la Cnss et la Cnrps, elle a été contrainte de puiser dans ses réserves puis même dans les provisions qu'elle avait constituées pour garantir les rentes perpétuelles de ses assurés sociaux victimes d'accidents du travail et d'incapacité permanente.
En juin 2016, à son tour, la Cnam n'avait plus ni réserves, ni provisions. Tout le système est tombé. Une aide d'urgence a été accordée par le budget de l'Etat, mais il fallait que la Cnrps et la Cnss engagent d'urgence la réforme pour assurer un niveau de cotisations compatible avec leurs dépenses. Les partenaires sociaux — Utica et Ugtt — n'y ont pas encore souscrit à ce jour : la Cnss et la Cnrps ont poursuivi leur déficit abyssal, mais elles le reportent sur la Cnam. Et la Cnam, à son tour, le reporte sur le système de santé. Aujourd'hui, c'est tout le système de santé — Pharmacie centrale, hôpitaux publics, cliniques publiques et privées, médecins, pharmaciens, prestataires de services... — qui souffrent.
En un mot, l'insolvabilité des caisses est reportée sur le système de santé.
Vous voulez dire que la Cnss et la Cnrps sont en situation d'insolvabilité mais qu'elles le font supporter à la Cnam et celle-ci sur le système de santé ?
Tout à fait ! C'est le droit fondamental à la santé qui est ainsi bafoué. On préfère le silence des malades qui souffrent et meurent à la révolte des retraités ; voilà où nous en sommes. Les hôpitaux publics n'ont plus les consommables les plus élémentaires ; des services ferment ; des opérations ne peuvent plus être réalisées. Les patients ne comprennent pas un tel état de dégradation ; ils sont révoltés et agressent le personnel de santé qu'ils jugent responsable. Le découragement avance. Les hôpitaux, à leur tour, sont en cessation de paiement : ils ne paient plus leurs fournisseurs. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus faire d'achats : aucun soumissionnaire ne répond plus à leurs appels d'offres parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas payés, ou qu'ils seront payés dans des délais extrêmement longs, insoutenables. Quant aux prestataires de services, leurs factures subissent des attentes de plus en plus longues. Ils sont en grande difficulté de trésorerie.
Vous voyez ainsi comment on est entré en état de cessation de paiement, mais qui est non déclarée. La cessation de paiement de l'Etat n'est pas un acte brutal : c'est un enlisement, il est reporté sur d'autres agents. C'est un processus à travers lequel l'Etat procède à une sélection des victimes : depuis les plus inoffensives, aux moyennement offensives et, quand il n'y a plus d'alternative, le dernier bastion : les salariés et les retraités.
Avez-vous des chiffres ?
Oui. Fin 2017, les créances impayées, c'est-à-dire les prélèvements effectués par la Cnss et la Cnrps sur les cotisations dues à la Cnam, leurs dettes, s'élèvent à 3.000 millions de dinars, moitié Cnss, moitié Cnrps. En ce qui concerne la Cnam, sa dette auprès du secteur de la santé s'élève à 1.500 millions de dinars et les rentes de ses accidentés du travail non provisionnées s'élèvent à 1 000 millions de dinars.
Avez-vous une idée de la situation fin 2018 ?
Les budgets prévisionnels pour 2018 montrent que le besoin de financement de la Cnrps sera compris entre 1 170 et 1 570 millions de dinars (selon que l'augmentation de la cotisation de 3 points de pourcentage entre ou non en application à partir du 1er janvier 2018); quant au déficit de la Cnss, il devrait se situer à 900 – 1000 millions de dinars.
Pourquoi êtes-vous l'un des rares à dire cela ?
Non, je ne suis pas l'un des rares à le dire. Seulement, les citoyens n'entendent que ce qu'ils veulent entendre. Le secrétaire général adjoint de l'Ugtt en charge de la protection sociale a déclaré à la radio que les pensions n'allaient pas être payées au mois de novembre dernier, et il a dit la même chose au mois de décembre.
Revenons à la question de l'arrivée aux limites. C'est donc des caisses de sécurité sociale qu'il s'agit ?
Non. Les caisses n'en sont qu'une partie. Le secteur des phosphates est dans un état aux limites aussi. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et le Groupe chimique tunisien (GCT) ont également épuisé leurs réserves : leurs pertes cumulées des dernières années approchent les 600 millions de dinars. Le Groupe chimique ne parvient plus à honorer ses dettes contractées auprès d'institutions financières internationales et l'Etat qui a garanti ces dettes ne vient pas à son secours. Selon les informations qui me parviennent, les salaires du mois prochain et du mois suivant ne pourront plus être versés qu'en prélevant les fonds dus aux fournisseurs.
Avez-vous d'autres arguments pour soutenir votre propos de l'arrivée aux limites ?
Oui : le budget de l'Etat lui-même. Tout d'abord, les déficits et les besoins de financement des caisses. Le budget de 2018 a bien provisionné une augmentation de la cotisation patronale de l'Administration de deux points de pourcentage. Mais il n'a pas provisionné le besoin de financement de la Cnrps qui s'élève, dans ce cas, à 1.171 millions de dinars.
Par ailleurs, le budget de l'Etat a été construit sur la base d'une hypothèse du prix du baril à 54 dollars. Or le prix de celui-ci gravite depuis le début de l'année entre 62 et 70 dollars. Chaque variation d'un dollar a une répercussion de 121 millions de dinars sur le budget de l'Etat. Sur la base des données actualisées, on peut estimer que le budget a sous-estimé les dépenses d'hydrocarbures de 1.000 à 1.500 millions de dinars.
Ensuite, un budget «dépenses imprévues» a bien été réservé. Mais les mesures prises en ce début d'année pour éteindre le feu des mouvements sociaux du mois de janvier l'ont pratiquement épuisé : qu'il s'agisse du soutien aux familles nécessiteuses, dont le coût est de 70 millions de dinars, de la mise en place d'un plancher de 150 dinars par mois pour toute retraite du secteur privé, dont le coût est de 100 millions de dinars, de la gratuité des soins pour les chômeurs dont le coût devrait avoisiner les 150 millions de dinars. Il y aura d'autres imprévus pour les dix mois qui restent, ils ne trouvent pas place dans le budget.
Enfin, il reste, la question de la Banque franco-tunisienne dont les indemnités de dédommagements ont été déclarées à 1 000 millions de dinars. Et l'entreprise tuniso-indienne de phosphates Tifert, qui revendique un dédommagement de 1 000 millions de dinars si ses clients ne sont pas approvisionnés dans les délais requis.
Tout cela ne trouve pas sa place dans le budget de 2018. Au moment où nos ressources financières sont extrêmement tendues.
Quelle est, selon vous, la solution ?
De toute urgence, qu'un accord intervienne avec les partenaires sociaux pour assurer la pérennité des caisses de sécurité sociale : à commencer par l'augmentation des cotisations patronales de 2 points et salariales d'1 point ; ensuite par l'augmentation de l'âge au travail d'au moins deux ans à partir de 2019. Cela ne suffira pas pour éviter l'insolvabilité : il leur faudra envisager d'autres moyens pour éviter l'insolvabilité.
De toute urgence, la reprise de la production de phosphate.
Et puis, que le gouvernement fasse la pleine lumière sur les finances publiques. Qu'il dise la vérité aux citoyens. Et enfin qu'il impose son autorité aux partenaires sociaux pour sauver le système de protection sociale et le système de santé.
Le Conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie a décidé ce lundi de relever le taux du marché monétaire (TMM) de 0,75 %. Est-ce, selon vous, une bonne décision ?
C'est une décision dommageable à l'économie parce qu'elle va renchérir le coût du crédit aussi bien aux ménages qu'aux investisseurs. Cela va être douloureux. Mais je ne vois pas d'autre solution. Le taux d'inflation a atteint 6,9 % au mois de janvier et 7,2 % au mois de février et l'épargne est à un très bas niveau (à peine 10 % du revenu) ; le TMM ne doit pas être inférieur au taux d'inflation. Il le restera puisqu'il s'établit à 5,75 % désormais. Mais je pense que la décision est sage parce qu'elle ne veut pas créer un choc trop brutal en maintenant l'augmentation en dessous de 1 point et elle veut aussi délivrer le message qu'elle anticipe une réduction de l'inflation. Au total, je trouve que c'est une décision pondérée, sage. C'est celle qui sied à une banque centrale.


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