Biennale relancée en 2014, après la crise politico-militaire, le Masa a fêté jusqu'au 17 mars sa 10e édition avec un millier d'artistes venus de plus de 50 pays et des dizaines de milliers de spectateurs. Danse, musique, théâtre, conte... tous les arts ou presque sont représentés dans ce festival qui a lieu tous les deux ans. Un festival ouvert au public, mais aussi un marché où les créateurs présentent leurs œuvres en espérant croiser le chemin de programmateurs. Malheureusement, si une centaine de troupes ou artistes sont programmés on ne peut pas dire que les programmateurs se bousculent au portillon... Le metteur en scène béninois Tola Kokoui, qui fut à l'origine du Masa, avait présenté sa pièce Kondo le Requin. Entretien. Regrettez-vous que l'art africain vivant ne soit pas mieux mis en valeur ? Oui, symboliquement, idéologiquement et artistiquement, c'est vraiment un rendez-vous très important. C'est un festival et en même temps un marché. Malgré l'ampleur de la programmation, on a malheureusement l'impression que ce marché reste encore restreint dans le sens où il n'y a pas beaucoup d'acheteurs de spectacles qui viennent au Masa. Bien évidemment, et cela devient de plus en plus difficile. Depuis sa création, je n'ai pas croisé beaucoup d'acheteurs ou de tourneurs. Et dans mon domaine, le théâtre, je n'ai pas entendu [parler] de pièces de théâtre qui ont été achetées ici et ont tourné ailleurs, en Afrique ou en Europe. Mon rêve, c'est de voir un acheteur ou un tourneur s'intéresser à cela, mais plus ça va, plus cela va devenir difficile, parce que tout coûte cher en ce moment. On prend l'exemple de mon spectacle Kondo le Requin. Ça m'étonnerait qu'il y ait un producteur fou qui aurait envie de mettre ses sous dedans, surtout pour une tournée africaine. Mais, je reste convaincu que s'il y a un producteur fou qui met de l'argent dedans, en France, en Europe, c'est un spectacle qui peut marcher... Et pourtant, en ce moment, à travers le monde, le continent africain et la culture africaine ont le vent en poupe. Mais on a l'impression que cet engouement pour l'art africain reste très cosmétique et superficiel. C'est peut-être cosmétique, mais il est beaucoup plus facile de vendre ce qui existe et déjà de le déterrer de là où il est. Nos plasticiens, de plus en plus, leurs œuvres sont achetées à l'extérieur. La musique est aussi à part et se vend à l'extérieur, parce qu'elle est attractive. Mais, l'art vivant, tout ce qui est de la danse, du théâtre, cela voyage moins. A l'occasion du Masa, on aurait pu avoir des occasions de vendre et de sortir. Mais, cela ne se fait pas, parce que cela coûte de plus en plus cher. Et je ne vois pas de producteurs ou de tourneurs africains capables de prendre en charge la tournée d'une pièce de théâtre. Ça, c'est un réel problème. Et je crois que les organisateurs n'ont pas encore mesuré à sa juste valeur là où il faut mettre le curseur pour qu'il y ait une possibilité. Et si cela n'était juste dans une édition du Masa qu'il y ait une pièce de théâtre dont on dira : ah, cette pièce a été achetée et elle fait une tournée mondiale. Je crois que le curseur doit se mettre ailleurs. Il y a une autre façon de voir ce marché.