Le scrutin du 6 mai constitue un test grandeur nature pour les principales formations politiques, notamment Nida Tounès et Ennahdha, afin de jauger leur implantation sur le territoire national et leur poids réel auprès des électeurs. Une sorte de tour de chauffe avant les législatives et la présidentielle de 2019. Reportées quatre fois, les élections municipales, à moins d'un cas de force majeure, auront finalement lieu le 6 mai prochain. Il s'agit d'un événement national de grande importance qui clôturera le cycle électoral engagé en octobre 2014 avec les élections législatives, suivies de peu par l'élection présidentielle. Elles permettront de mettre en place les premières institutions du pouvoir local, énoncé dans le chapitre VII de la Constitution du 27 janvier 2014, et qui « est fondé sur la décentralisation », laquelle « est concrétisée par des collectivités locales comprenant des communes, des régions et des districts ». Ces municipales sont la première étape dans la concrétisation de la démocratie participative. Elles mettront fin à la gestion provisoire des communes, adoptée juste après le 14 janvier 2011, à la suite de la dissolution des conseils municipaux issus des élections de mai 2010, et marqueront une rupture avec la gestion adoptée dans la loi de 1975, hautement contrôlée par le pouvoir central. Le nouveau Code des collectivités locales, en cours d'examen à l'Assemblée des représentants du peuple, une fois adopté, va conférer la gestion des communes et régions aux collectivités territoriales. Il consacrera l'autonomie de ces collectivités qui vont, alors, jouer un rôle clé dans le développement économique et social du pays. Plus de 7.000 sièges en jeu Les préparatifs vont bon train et l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) dispose, désormais, des listes définitives des candidatures aux municipales, après le verdict des chambres de la Cour d'appel du Tribunal administratif (TA) concernant les 25 jugements, et les candidats partisans, de coalition ou indépendants savent, maintenant, à quoi s'en tenir. Place, alors, à partir du 14 avril, à la campagne électorale qui s'étalera sur trois semaines et sera clôturée, le 4 mai prochain, soit deux jours seulement avant la date du scrutin, dimanche 6 mai. Les militaires et les sécuritaires sont appelés aux urnes une semaine avant, le 29 avril. Les résultats préliminaires seront annoncés le lendemain du scrutin, soit le lundi 7 mai. Le nombre d'électeurs inscrits et qui seront autorisés à voter est estimé à 5.370.000, dont 36.000 militaires et sécuritaires, sur un total d'environ 8.500.000 citoyens en âge de voter. Plus de 50.000 candidats vont se disputer 7280 sièges, dans les 350 municipalités. Le nombre de conseillers varie entre 12 et 60, selon la taille de la commune. C'est ainsi que la municipalité de Tunis garde la première place avec 60 conseillers pour 637.568 habitants recensés. Viennent ensuite celles de Sfax et de Sousse avec 42 conseillers chacune pour, respectivement, 280.566 et 221.715 habitants. La plus petite municipalité se trouve dans le gouvernorat du Kef. Il s'agit de Menzel Salem, qui compte seulement 1.824 habitants, dont moins de la moitié vont élire 12 conseillers. Les véritables enjeux Les véritables enjeux, au-delà des résultats, demeurent dans l'engagement des citoyens à prendre part à ce scrutin et, par la suite, dans la capacité des nouveaux conseils municipaux à gérer les municipalités. Ces élections, qui sont censées ancrer le processus démocratique à l'échelle locale, ne semblent mobiliser outre mesure les citoyens, de plus en plus indifférents à cette échéance, pourtant très importante, parce qu'elle pourrait permettre d'améliorer leur quotidien dont la dégradation les irrite et les révolte. Elles ne se limitent pas à de simples enjeux locaux, comme le ramassage des ordures ou encore la taxe municipale. Il s'agit d'instaurer un nouveau pouvoir : le pouvoir local. Mais avec quels conseillers municipaux ? Surtout si l'on sait que le choix des candidats n'a pas toujours obéi aux critères de la compétence. Et puis comment les nouveaux édiles vont-ils pouvoir s'adapter aux nouveaux règlements régis par le Code des collectivités locales ? Et comment vont-ils faire pour se doter des moyens financiers et humains, nécessaires au fonctionnement des communes et à leur gestion, quand on sait que les budgets qui leur sont alloués sont en deçà des attentes, et que la plupart des nouvelles communes n'ont encore ni siège, ni logistique ? Une mission impossible, sans moyens. En plus de cela, les urnes pourraient nous sortir des conseillers municipaux alliant incurie et incompétence, ce qui impacterait la démocratie locale. Des élus sans envie d'agir pour leur commune, parce que dépourvus d'un sens du devoir et d'une réelle volonté de servir les citoyens. Avec une mosaïque appartenant à divers horizons, les dissensions feraient jour dès l'installation des nouveaux conseils. Le scrutin du 6 mai constitue un test grandeur nature pour les principales formations politiques, notamment Nidaa Tounes et Ennahdha, pour jauger leur implantation sur le territoire national et leur poids réel auprès des électeurs. Une sorte de tour de chauffe avant les législatives et la présidentielle de 2019. C'est aussi une nouvelle occasion pour vérifier si le consensus, ce fameux « Tawafok » entre les deux premiers partis, tient encore, et si les listes indépendantes s'avèrent vraiment indépendantes, au moment de l'élection des maires et du partage des responsabilités. Car le doute persiste quant à leur indépendance et si elles ne constitueraient pas une sorte de « chevaux de Troie » des deux mouvements Ennahdha et Nidaa Tounes, pour s'emparer des nouveaux conseils. Certains observateurs pensent que la partie est déjà jouée et que les deux partis se partageront l'ensemble des municipalités. A moins d'une forte mobilisation des électeurs qui pourrait, alors, renverser toute la donne.