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Fête du Travail : «Le mai le joli mai...»
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 05 - 2018


Par Hatem KOTRANE
1. « Le mai le joli mai ... ». Le poème est de Guillaume Apollinaire, sans doute un des plus beaux de toute l'histoire de la poésie. Il nous rappelle le temps qui passe et confirme que le moi de mai, plus que tous les autres mois de l'année, est un sujet poétique. Mais ce mois est plus souvent associé à la célébration, chaque 1er mai, en Tunisie comme dans le reste du monde, de la fête du Travail. Une fête qui est née dans le pays de la libre entreprise, les USA, lorsque, ce jour de l'an 1886, une grève généralisée, suivie par 400.000 salariés, paralyse un nombre important d'usines, réclamant la journée de 8 heures de travail. Le mouvement s'internationalise et l'Internationale socialiste, réunie dans la capitale française en 1889, adopte le 1er mai comme la journée internationale des travailleurs.
2. Il faut attendre en réalité l'avènement, en 1919, de l'Organisation internationale du travail (OIT) rassemblant gouvernements, employeurs et travailleurs dans le cadre d'une institution tripartite, en vue d'une action commune, pour promouvoir les droits au travail, encourager la création d'emplois décents, développer la protection sociale et renforcer le dialogue social dans le domaine du travail.
3. En Tunisie, les premières lois sociales apparaissent dès 1910. Mais il faut attendre, en réalité, l'indépendance pour assister à une plus grande implantation des lois sociales. C'est ainsi que l'Etat indépendant va intégrer, petit à petit, les normes internationales du travail en procédant, notamment, à la promulgation, le 30 avril 1966, du Code du travail et en accentuant, depuis lors, le processus d'adhésion de la Tunisie à nombre de conventions internationales du travail de l'OIT, dans un souci constant d'harmonisation de la législation interne avec les tendances majeures du droit international en ce domaine. Soixante et une (61) conventions internationales du travail sont, à ce jour, ratifiées par la Tunisie, comprenant notamment les huit (8) conventions se rapportant aux principes et droits fondamentaux de l'homme au travail, y compris la Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la Convention (n°98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, étant précisé que les trois dernières ratifications ont concerné, successivement, la Convention n° 144 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, la Convention n° 151 sur les relations de travail dans la fonction publique et la Convention n° 154 sur la négociation collective, marquant tout autant le souci de l'Etat de promouvoir la négociation collective et d'asseoir durablement les droits et garanties en faveur des acteurs du dialogue social.
4. Tout cela est aujourd'hui bien connu. Quel impact les changements et les difficultés survenus ces dernières années peuvent-ils néanmoins entraîner au plan de la politique sociale? Comment occulter que le travail rémunéré soit devenu, en Tunisie comme dans le reste du monde – à des degrés certes différents –, une denrée rare. L'Institut national de la statistique (INS) a indiqué que, lors du troisième trimestre de 2017, le taux de chômage a atteint les 15,3%. Le nombre de chômeurs est de 628,6 mille (dont 270,6 mille diplômés chômeurs), contre 626,1 mille chômeurs durant le deuxième trimestre. Toujours selon les chiffres de l'INS, le taux de chômage est plus important chez les femmes que chez les hommes (22,8% contre 12,3%).
5. Ces quelques données montrent à quel point l'Etat, les partenaires sociaux et la société dans son ensemble sont invités, plus que jamais, à redonner un sens réel au travail, à remettre en place une politique volontariste en ce domaine, tant il est vrai qu'on ne peut rester indifférent à l'égard des inconvénients qu'engendrent, inéluctablement, les situations de chômage et de sous-emploi. Et quels que soient les mérites de l'économie de marché et le regain d'intérêt dont elle semble bénéficier de nouveau aujourd'hui, le marché du travail ne peut être totalement confié à l'autorégulation, ni être traité comme le marché libre d'une marchandise quelconque.
6. Le dialogue social, mené par des partenaires ayant – au-delà de la défense des intérêts catégoriels — un haut sens de l'intérêt national, est la seule voie permettant de trouver les solutions durables, celles-là mêmes permettant de mettre en œuvre un des 17 Objectifs de développement durable (ODD), qui doivent être atteints par tous les Etats membres de l'ONU d'ici à 2030, à savoir l'Objectif n°8, appelant à «promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous ». L'objectif est louable et sera plus ou moins atteint selon les Etats et les stratégies qui les animent dont, au premier chef, leur capacité à asseoir durablement les conditions du dialogue social.
7. Un constat alors s'impose : celui de l'aggravation, toutes ces dernières années, des tensions sociales et de l'incapacité des acteurs sociaux et des mécanismes juridiques à endiguer les conflits sociaux et à infléchir le comportement des acteurs et l'usage qu'ils font des moyens de lutte et de pression utilisés sur le terrain. La Constitution du 27 janvier 2014 viendra aggraver cet état des choses, en élevant le droit de grève au rang d'un droit constitutionnel absolu en proclamant, aux termes de son article 36, que «le droit syndical est garanti, y compris le droit de grève ...». Il n'est pas d'usage, convient-il de le rappeler, qu'une constitution consacre une conception aussi absolutiste du droit de grève, ainsi élevé par la Constitution tunisienne au rang d'un droit quasiment inviolable et sacré, bénéficiant d'une vénération quasi-religieuse ! Certes, l'article 49 prend le soin de prévoir, relativement aux différents droits et libertés énoncés et garantis dans le Chapitre II de la Constitution (articles 21 à 49), que la loi peut y apporter des restrictions. Mais il est tout de suite précisé que ces restrictions ne sauraient porter atteinte à leur essence.
8. Mais au-delà des difficultés suscitées par Constitution, c'est à une prise de conscience collective qu'il convient d'aboutir en vue d'introduire une réforme en matière d'endiguement des relations collectives du travail et du dialogue social. Le nouveau contrat social, signé entre le gouvernement, l'Utica et l'Ugtt, y fait directement référence en comportant, parmi ses cinq principaux axes, un axe intitulé «l'institutionnalisation du dialogue social tripartite». L'institution d'un Conseil national du dialogue social est, à coup sûr, une étape importante dans ce processus.
Notre opinion est, toutefois, que le Conseil national du dialogue social devrait en toute hypothèse rester un haut lieu de concertation, d'analyse et de propositions regroupant le gouvernement et les principales organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, en l'occurrence, l'Ugtt et l'Utica, mais également les autres organisations dotées d'une représentation suffisante dans des conditions à définir, de façon à conforter le pluralisme syndical, ainsi que l'a rappelé le Tribunal administratif dans sa décision du 26 juin 2015 à propos du système de collecte des cotisations syndicales, ainsi que par divers organes de l'Organisation internationale du travail, dont la Commission de vérification des accréditations, dans son Deuxième rapport adopté lors de la Conférence internationale du travail, tenue à Genève en juin 2017 et dans lequel ladite Commission, saisie d'une protestation présentée conjointement par la Confédération générale tunisienne du travail (Cgtt) et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), concernant l'exclusion de représentants de ces deux organisations parmi les délégués, respectivement, des travailleurs et des employeurs, pour la septième année consécutive, a rappelé les recommandations de longue date adressées par le Comité de la liberté syndicale au gouvernement tendant à ce que celui-ci instaure, en concertation avec les partenaires sociaux, des critères de représentation clairs et préétablis tout en appelant à ce que le gouvernement privilégie sur la question de la détermination des critères de la représentativité syndicale un dialogue social inclusif en s'efforçant d'élargir son champ de consultation à toutes les organisations concernées du paysage syndical et patronal tunisien afin de prendre en considération les divers points de vue. La commission prie, en conséquence, instamment le gouvernement d'instaurer des critères objectifs et vérifiables, qui donneront une vision exacte de la situation des organisations syndicales du pays, sur la base de chiffres vérifiables, de manière à pouvoir lever toute équivoque quant à la représentativité des délégués des travailleurs et des délégués des employeurs de Tunisie.
9. Plus généralement, une relance du dialogue social est plus que jamais nécessaire et ce, moyennant une révision substantielle du Code du travail en vue de définir, avec précision, les acteurs du dialogue social aux différents niveaux, les différentes étapes de la négociation, les devoirs des parties tout au long du processus de négociation, en établissant un devoir de négociation de bonne foi pendant toutes ses étapes.
10. Il conviendrait, en même temps, de procéder à la création, dans les principales concentrations économiques, de tribunaux qui, en parallèle avec les conseils de prud'hommes, seraient spécialisés dans les relations collectives du travail et veilleraient, à la demande de l'une ou l'autre des deux parties, à lever les difficultés entravant le cours normal des négociations et les conflits qui les accompagnent. Ce serait là, à coup sûr, un instrument idéal d'apaisement des tensions sociales permettant de les dégager de l'emprise directe du politique en les confiant à leur juge naturel.
11. Mais la priorité consiste à redéfinir le droit de grève en engageant un débat responsable, au terme duquel les partenaires s'engagent à instaurer, dans le contexte des difficultés actuelles que traverse le pays et de la nécessité de relever les défis du développement, un devoir de paix sociale englobant l'obligation express d'épuiser toutes les possibilités de négociation avant de recourir à la grève. Il en va de la pérennité de tout le pays et des institutions nouvellement mises en place. C'est à ce prix que les Tunisiens, notamment les plus jeunes d'entre eux, pourront inscrire éternellement la Tunisie dans leur confiance et accueillir chaque 1er mai, la fête du Travail, en scandant «Le mai le joli mai...»!
* Professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis


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