Par Mohamed ABDELLAOUI Le scrutin local d'hier n'a pas démenti les pronostics les plus « pessimistes ». Même ceux émanant d'observateurs et analystes qui « jouaient les Cassandre » auraient leur raison d'être, compte tenu des chiffres Avec un taux de participation générale de 20,4 % (dimanche à 15 heures, selon l'Isie), des bureaux désertés dans certaines régions frontalières et une quasi-absence des jeunes, il convient de parler le langage de vérité. Car les phrases toutes faites et les promesses infondées se sont avérées, à bien des égards, contre-productives. De Bizerte à Ben Guerdane , le constat est presque le même : les Tunisiens n'ont pas été très chauds et les jeunes parmi eux, surtout, ont boycotté les urnes. D'ailleurs, interrogés par divers médias nationaux et internationaux à la veille du scrutin et le jour J, plusieurs jeunes gens des grandes villes et du fin fond du pays ont laissé entendre que « cette opération électorale ne changera rien à la réalité de la Tunisie post-révolutionnaire ». « Ils nous ont, à maintes reprises, trahis ces faiseurs de rêves », ont égréné les uns, « tous les politiques se valent, ils ne savent qu'exceller dans les fausses promesses », se sont désolés les autres. Le témoignage de ce jeune issu du Nord-Ouest du pays serait encore plus édifiant : « De quel bilan peut-on parler sept ans après la révolution de la dignité, si ce n'est d'un taux de chômage de plus de 15%, de près de 2 millions de Tunisiens souffrant de pauvreté extrême, de grandes et petites villes sales et qui se salissent encore de jour en jour, d'un taux d'inflation de plus de 7%, d'éducation et de santé publiques qui n'ont jamais été autant défaillantes, d'un pays pris en otage par des faussaires de tout acabit ? » Ce Tunisien infortuné (toujours au chômage bien que disposant du minimum requis pour avoir un emploi décent) n'aurait pas tort. Il a, plutôt, tout dit,- et il aurait dit vrai-, en peu de mots. Cela étant, les gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays depuis la révolution de 2010-2011 n'ont pas pu définir et planifier les actions à entreprendre. Ils n'ont pas non plus compris que les principaux problèmes du pays doivent être considérés comme un tout. Et que l'on ne peut trouver de solutions à tous les maux qui accablent cette Tunisie nouvelle. Ces gouvernants n'ont, de surcroît, pas su fixer les rangs de priorité, notamment l'économique et le social. Ô combien ces secteurs vitaux sont déterminants dans la stabilisation des aires et âmes agitées ! En lançant des promesses à tire-larigot, des promesses difficiles à tenir, lors de la Présidentielle, des législatives et de la campagne électorale précédant les Municipales, ces « professionnels du verbe » se sont discrédités, offrant à l'électeur donc au citoyen, de quoi nourrir sa méfiance et sa dissuasion. Une chose est sûre aujourd'hui : les fulgurances fourguées ici et là par des politicards qui s'égosillaient devant les caméras se sont avérées loin d'être le baume des angoisses de millions de Tunisiens. Elles le sont encore moins pour ces jeunes qui se sentent depuis, bientôt près d'une décade, livrés à eux-mêmes. Morale de l'histoire : espérer gouverner par l'ignorance une nation « arc-en-ciel », infantiliser le Tunisien dans l'acception la plus large du terme, ne pas réaliser que « gouverner c'est choisir » si difficiles que soient les choix, céder à un brouillage voulu des frontières politiques, ne fait que susciter la méfiance et le désintérêt d'une grande partie des citoyens. S'il y a, au demeurant, lieu de dénoncer comme « complotiste » toute lecture de l'élection municipale comme « synarchie financière et médiatique », il serait encore plus pertinent d'extrapoler que « vouloir tout traiter en cachette des citoyens et, vouloir qu'à partir de là, ils ne portent pas de jugements faux et n'interprètent pas de travers, c'est le comble de la stupidité », de l'avis d'un grand philosophe politique.