Bien évidemment, les dirigeants d'Ennahdha, qui donnent l'impression de vouloir temporiser pour le moment, préparent déjà leur riposte. À analyser leurs déclarations et discours, ils sont en train de mijoter en quelque sorte la réponse du berger à la bergère. Ils sembleraient même décidés à s'en prendre au gouvernement dit d'union nationale, ce qui préfigure une crise gouvernementale majeure sous peu. La scène politique se tortille, la scène politique frétille. Elle étale son inconsistance, ses failles, l'interminable lot de ses incompétences. Sur les plateaux radio et télé, cela devient désolant et frise le grotesque. Soyons clairs. On a beau avoir décrété les élections municipales pour le 6 mai 2018, ce n'est guère gagné d'avance. Parce que, pour assurer les candidatures dans trois cent cinquante municipalités, moyennant plus de huit mille candidats et suppléants, il faut des listes, des partis et de grosses machines électorales. Or, cela fait précisément défaut sous nos cieux. Les trois ou quatre partis moyennement structurés, sur les deux cent dix-neuf partis que compte la place, ne sont pas encore prêts. Ils s'empêtrent tous, éprouvent à leurs dépens la désertion de la politique par le commun des citoyens. Et les préventions et méfiances non déguisées du citoyen moyen à l'endroit des gens de la politique en général, sans distinction partisane ou de chapelle. Le meilleur de ces trois ou quatre partis pourrait prétendre aligner quelques dizaines de listes tout au plus. Sinon, c'est la mêlée, la curée pour les indépendants. Tous leur font les yeux doux, redoublent de subterfuges pour les amadouer et, au besoin, les soudoyer. Parce que nos politiques sont passés maîtres dans l'art des promesses mirobolantes et du maniement des miroirs aux alouettes. Mais, malgré tout, le ver semble déjà dans le fruit. On redoute à juste titre des taux d'abstentionnisme records lors des prochaines élections, municipales en 2018, législatives et présidentielle en 2019. On en a eu un avant-goût lors des législatives partielles du week-end dernier en Allemagne. Seulement 5,02% des Tunisiens inscrits sur les listes électorales avaient pris part au scrutin. À la déconfiture inouïe des politiques correspond la désaffection citoyenne de la politique. Et la déconfiture des politiques est un fait patent. Cela prend par moments l'allure de véritables psychodrames. Témoin, le parti Afek Tounès depuis le week-end dernier. Il est carrément au bord de l'implosion en raison de sa décision majoritaire de quitter le gouvernement dit d'union nationale et du refus de ses ministres de quitter le gouvernement. Leur parti leur ayant intimé l'ordre de quitter le gouvernement, les quatre ministres et secrétaires d'Etat ont tout bonnement pris congé de leur parti, sous forme de rupture ou de gel de l'adhésion. Et le chef du gouvernement a refusé leur démission. Du coup, le parti se retrouve dans les tourbillons d'une tempête qu'il a provoquée. Il faut dire que c'était depuis peu dans l'air. En revanche, les partis Nida Tounès, Ennahdha et UPL avaient formé depuis quelques semaines une Troïka destinée à chapeauter le gouvernement dit d'union nationale. Ils l'ont déclaré solennellement et avaient posé devant les caméras dans une posture pour le moins ostentatoire. Leurs réunions étaient exhibées en grande cérémonie et à fleur d'écrans. Mais ça a fini par tourner très tôt casaque. Les résultats des législatives partielles d'Allemagne semblent avoir convaincu les dirigeants de Nida de rompre les amarres avec Ennahdha. Ils tiennent conseil ce week-end en vue d'arrêter leur décision définitive. Toutefois, ils semblent décidés à davantage souligner les clivages qui les séparent d'Ennahdha que les dénominateurs communs qui les unissaient. Pourtant, depuis les élections législatives et présidentielle de 2014, Nida et Ennahdha sont passés maîtres dans l'art de justifier le consensus à tout prix. Au point que Nida Tounès en a subi plusieurs scissions et dissidences consécutives, comme autant de bombes à fragmentation. Bien évidemment, les dirigeants d'Ennahdha, qui donnent l'impression de vouloir temporiser pour le moment, préparent déjà leur riposte. À analyser leurs déclarations et discours, ils sont en train de mijoter en quelque sorte la réponse du berger à la bergère. Ils sembleraient même décidés à s'en prendre au gouvernement dit d'union nationale, ce qui préfigure une crise gouvernementale majeure sous peu. Et puis janvier, mois réputé pour être socialement et politiquement chaud en Tunisie, c'est dans une semaine. De là à ce que certains s'avisent de lâcher leurs troupes en vue de faire une démonstration de force, remuer la baraque et mettre des bâtons dans les roues, il n'y a qu'une tentation. La nuit du 21 au 22 décembre est la nuit la plus longue de l'année. Mais d'autres nuits enténébrées se profilent déjà. L'hiver sera long, glacial mais en quelque sorte, paradoxalement, chaud.