Lors de la présentation de son livre, il a pointé du doigt les défaillances de la décentralisation au niveau de la gouvernance locale. Les réformes qui tardent à venir, la non-application des lois et a prôné un modèle de développement plus social, plus solidaire, plus inclusif, plus ouvert sur le reste du monde. Municipalités, les difficultés guettent Il a salué l'arrivée des jeunes et des femmes à l'occasion des dernières élections municipales. Avec 84% de femmes élues, le paysage politique est pour une fois de plus en plus connecté à la réalité du pays .Les résultats reflètent l'espoir de l'émergence d'une nouvelle classe politique pour la gestion des affaires locales qui coupe court au bavardage et se rapproche de la réalité. Mais l'exercice sera difficile, alerte-t-il, parce qu'on est en droit de se poser la question suivante: est-ce que ceci peut-il être considéré comme un pas vers une décentralisation assumée et efficace? «Depuis 2011, on a tout fait à l'envers, on a commencé par l'inclusion politique». La Constitution a attribué des droits multiples au citoyen et c'est très bien, mais avant de pouvoir exercer ces droits, le citoyen a besoin d'abord d'inclusion financière, économique et sociale qui ne veut pas dire la charité, avant d'accéder à l'inclusion citoyenne et l'inclusion politique . Pour revenir à la décentralisation, il faut dire que ce n'est pas un choix mais une obligation politique. Toutefois, ce n'est pas un exercice technique, il ne s'agit pas d'organiser des élections municipales et dire que nous allons vers la décentralisation. Nous avons communalisé l'ensemble du territoire national. Un choix qui place la barre très haut. Le Code des collectivités locales qui vient d'être adopté est beaucoup trop généreux par rapport à la capacité de nos municipalités. Au total 350 municipalités dont 100 ont été créées l'année dernière. Où sont les hommes et les femmes qui vont gérer au niveau technique, où sont les moyens financiers? En 2018 le montant prévu dans la loi de finances transféré aux collectivités locales est de l'ordre de 320MD, c'est-à-dire 1% du budget de l'Etat. La deuxième question soulevée se rapporte aux nouveaux élus. Sont-ils conscients de leurs prérogatives et sont-ils bien préparés et organisés pour l'exercice de leurs fonctions ? Radhi Meddeb enchaîne en déclarant que la Constitution aussi a été généreuse en districts et régions, et on ne voit rien venir pour le moment, ce qui fait penser aux éventuelles difficultés qui vont surgir en matière d'établissement de ses districts et ses régions. Une région ne se dessine pas au crayon sur les cartes géographiques. Elle doit correspondre à une homogénéité humaine et économique et sociologique Aujourd'hui, on a un millefeuille administratif composé de six ou sept couches alors que dans toutes les démocraties il ne doit pas dépasser les trois couches, sinon il devient coûteux ou contreproductif, ajoute-t-il. Recul de l'idéologie islamiste? A son tour, l'expert en économie Hachemi Alaya s'interroge sur le bien-fondé des élections municipales et de la décentralisation. On a l'impression qu'on est actuellement face à une situation où on est dans l'incapacité d'apporter des solutions aux véritables problèmes qui se posent, à savoir la crise économique. On n'a fait que de la surenchère démocratique. Evoquant les municipalités, il déclare qu'on vient de créer l'organe en attendant de le faire fonctionner. Les résultats des dernières élections municipales ont démontré que le Tunisien a retiré sa confiance aux partis politiques et qu'il demande «le renouvellement de l'offre politique, les dégagistes sont actuellement en instance d'être dégagés», fait-il savoir. Les résultats de ces élections sont porteurs d'un très grand risque pour la Tunisie. Pour ce qui est de la montée des indépendants, il faut rappeler que l'indépendance n'est pour plusieurs observateurs qu'un cache-sexe destiné à détruire la démocratie. Face à la déchéance qui frappe les partis politiques, le risque est gros de voir surgir l'année prochaine l'appel à l'homme fort à l'homme providentiel, selon ses dires. Hachemi Alaya évoque toutefois que les résultats des élections ont été marqués par le recul de l'idéologie islamiste. Quand on passe de 1million 500 mille électeurs à 5000 électeurs en un laps de temps aussi court , c'est qu'il y a un phénomène de rejet de l'islamisme mais pas du fascisme. Apres la révolution on a fait un choix, celui de la liberté mais on s'est contenté du discours et on a gardé intacte la structure étatique de notre économie bâtie sur le secteur public qui contrôle tout depuis les années cinquante par un Etat autocrate qui n'a rien cédé au secteur privé et qui est congénitalement contre les libertés individuelles et la liberté d'entreprendre, conclut-il. Le surplace des réformes Radhi Meddeb déclare qu'on n'a pas avancé en matière de réforme et l'exercice devient plus compliqué qu'il ne l'a été la veille. En 2011, on pouvait identifier les réformes prioritaires. Aujourd'hui, on est devant un immense chantier. Tout le monde est d'accord sur le principe mais le consensus fait défaut parce que les réformes sont éminemment politiques et génèrent systématiquement des opposants. La réforme suppose dans sa pédagogie un diagnostic honnêtement partagé où toutes les parties pendantes sont associées dans le cadre d'une franche discussion. La première des réformes est plutôt un axe transversal qui doit porter l'ensemble des réformes. C'est la recherche de l'inclusion, on doit lancer tous azimuts des messages forts. Personne ne doit être laissé au bord de la route. La réforme de l'administration n'est pas la réécriture du statut de la fonction publique. On a tendance en Tunisie à croire qu'on est en train de réformer en promulguant des lois .Il n'y a rien de plus facile que d'adopter une loi, le plus difficile c'est de la mettre en œuvre .La plus grande des réformes aujourd'hui c'est d'appliquer la loi. Quant au modèle de développement qu'il doit être plus social, plus solidaire, plus inclusif, plus ouvert sur le reste du monde, plus performant et plus durable. Les secteurs de demain sont l'éducation, la santé, la technologie de l'information et de la communication et les industries agroalimentaires .L'éducation est une industrie à haute valeur ajoutée sur laquelle il faut pouvoir compter, explique Radhi Meddeb. Pour conclure, il rappelle à l'auditoire l'entretien qu'il avait accordé au journal La Presse le 30 mars 2018 à l'occasion de la fête de l'indépendance: «Tôt ou tard l'anachronisme tunisien devra cesser. En Europe, l'âge médian est de 41 ans, nous voyons arriver au pouvoir de plus en plus de dirigeants autour de cet âge et même plus jeunes encore, dans certains cas. En Tunisie, l'âge médian n'est que de 31 ans. Ce serait dans l'ordre des choses qu'un jeune trentenaire ou quadragénaire, homme ou femme, s'impose et conduise le pays vers un meilleur destin».