Malgré toutes les actions mises en œuvre pour diminuer le nombre d'agressions subies par les médecins, l'on constate une hausse du taux de victimes après la révolution, et même en l'absence de statistiques, le phénomène prend de l'ampleur et renseigne sur l'insécurité à laquelle sont exposés les médecins et plus particulièrement les urgentistes dans l'exercice de leurs fonctions Menaces, agressions verbales et physiques sont autant d'incidents dont sont victimes les médecins des deux sexes au cours de l'exercice de leur profession. Les auteurs ? Dans la plupart des cas sont les accompagnateurs des patients et les motifs relevés sont divers. Les urgentistes restent de loin les premiers touchés par ce fléau qui fait tache d'huile dans nombreux de nos établissements hospitaliers. Le phénomène s'est amplifié ces derniers temps et peu importe les motifs, le constat ne laisse pas indifférent face à l'angoisse qui ronge le personnel médical et paramédical exerçant dans ce service. L'hôpital régional de Gafsa, qui connaît une activité dense et ne cesse de rayonner sur un gouvernorat marqué par une explosion démographique impressionnante, est le théâtre de nombreux incidents du genre surtout au niveau de son cœur battant, le service des urgences, devenu le thaâtre d'agressions perpétrées contre les professionnels du métier, tous corps confondus . Le dernier en date a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 mai qui a vu deux femmes médecins de garde et un infirmier subir des supplices suite à une engueulade qui a tourné au vinaigre. Dr C.M., médecin de profession, assurait la garde au service des urgences en compagnie de son confrère Dr Y.M.B. chargée de la salle de déchoquage et d'hospitalisation des consultants, lorsque l'irréparable s'est produit. Abattue, avec des nerfs à fleur de peau et en arrêt de travail, nous l'avions rencontrée pour relater la mésaventure vécue avec son confrère et l'infirmier, lui-même victime de l'agression : «C'est un cauchemar et pourtant rien ne prête ou explique un tel comportement lorsqu'une femme accompagnée de ses deux enfants s'est présentée au service des urgences. J'ai ausculté le patient et lui ai prescrit le traitement. Entre-temps, un infirmier du bloc opératoire s'est présenté, effrayé, après s'être piqué par une aiguille au cours d'un acte opératoire. Une dispute chaude s'est déclenchée entre la mère et l'infirmier, ce qui m'a poussée à intervenir pour calmer les esprits. Mais à ma grande stupéfaction, j'étais contrée par la mère du patient qui s'est adressée à moi avec des propos obscènes, m'assénant en sus une gifle, alors que je voulais écarter l'infirmier victime d'une agression physique et qui craignait d'être contaminé par le virus de l'hépatite. Mon confrère était intervenu mais elle fut crochetée par l'un des accompagnateurs du patient, ce qui lui a causé des contusions aux genoux et une blessure au visage. L'intervention des agents de police jouxtant le service des urgences a tempéré un tant soit peu la situation mais les dégâts sont énormes». Bilan de cette rixe : une plainte déposée à la police et deux médecins en arrêt de travail (respectivement 21 jours et 30 jours), tout comme l'infirmier du bloc opératoire (21 jours), une ambiance de tension règne parmi le corps médical et paramédical de cet établissement hospitalier qui n'est pas au premier incident du genre. D'ailleurs, Dr C.M. enchaîne dans ce sens : «Samedi dernier lors de la garde de nuit, des accompagnateurs d'un patient ont incendié un carton et l'ont jeté sur un médecin dans son bureau qui a réussi à fuir par une porte de secours». De son côté, le directeur régional de la santé publique à Gafsa Dr Salem Nasri, s'exprime sur la situation : «Les scènes d'agression ont été enregistrées par les caméras de surveillance et justice sera faite. On refuse que nos médecins soient malmenés de la sorte et les responsables régionaux sont conscients de la gravité de la situation tout comme les autorités sécuritaires. Des réunions d'urgence se poursuivent avec les parties concernées pour se concerter sur une feuille de route dans le but de protéger le personnel des différents services et autant on exige des médecins une meilleure prise en charge des patients, autant on ne permet à quiconque de faire subir au personnel de telles agressions. La situation impose une prise de conscience de tous les intervenants». Aux dernières nouvelles et en corollaire aux poursuites judiciaires engagées contre les fauteurs de troubles et les efforts déployés par les responsables du secteur pour juguler le phénomène, une initiative verra le jour prochainement. Il s'agit d'un observatoire de la violence subie par les médecins qui sera créé par le Conseil de l'Ordre des médecins section du sud-ouest.