«La nuit de l'amour soufi et des derviches mawlawis» du Cheikh syrien, Hamed Dawood, et sa troupe a été présenté mardi dernier au Théâtre des régions de la Cité de la culture dans le cadre du cycle musical ramadanesque «Layali Chadouliya», organisé par le Pôle Musique et Opéra. C'est un peu le mystère de l'Islam dans sa profonde spiritualité et son mysticisme qui s'est invité mardi dernier sur la scène de la magnifique salle du Théâtre des régions de la Cité de la culture. Aimer Dieu, Le louer, Le glorifier et L'invoquer en s'émerveillant sur ses qualités et sur les dons qu'Il a consentis à Ses serviteurs, tout en renonçant au «matérialisme» qui pèse sur l'âme et la foi, voilà ce qui va avec l'esprit de ce mois saint et ce que recherchent certains spectateurs. Ils ont découvert le sheikh syrien Hamed Dawood et sa troupe de musiciens et de derviches Mawlawis, des spécialistes du genre, qui ont embarqué le public présent, ce soir-là, dans un voyage initiatique, visuel et musical exceptionnel. Cheikh Hamed Dawood a commencé dès son jeune âge l'apprentissage du chant spirituel en accompagnant son père dans ses pérégrinations spirituelles, ce qui lui a permis de capitaliser une grande expérience dans ce domaine. Après le décès de son père, il a fondé sa propre troupe qui porte son nom — Hamed S. Dawood Group —, qui très vite devient célèbre à travers le monde par ses derviches tourneurs. Imam de la Mosquée des Omeyyades de Damas, le Cheikh Hamed Dawood a débuté le programme de la soirée en lançant un appel à la prière, ainsi que la récitation de la Fatiha (prière) pour les âmes des prophètes, des fidèles serviteurs et des croyants, suivis de «Tahlil» et de «Tasbih» donnant ainsi le ton, plongeant le public dans une atmosphère de spiritualité et l'invitant au recueillement. Avec une voix captivante, soutenue par les notes enivrantes des instruments, le Cheikh Hamed Dawood donne naissance à des œuvres riches et lumineuses. Il enchaîne ses plus beaux chants et Inchad en arabe littéraire tels que ; «Mawlay», «Malaktom fouadi», «Ramadan tajalla», «Ya Allah arridha», «Mawlay salli wa sallam» et «Talaâ Al badr Alyana» ainsi que d'autres encore qui ont émerveillé l'assistance et l'ont entraînée dans un univers sonore apaisant et plein de mystères où naissent rythmes, couleurs et images. Au fond de la scène, défilent un grand ensemble d'images, des calligraphies, des écritures arabesques glorifiant les Noms d'Allah et des «Ayat» du texte sacré ainsi que des illustrations autour des derviches tourneurs sur une trame de lumière tamisée . Le chant profond et céleste, soutenu par le nay, la cithare, l'oud et les autres instruments, semble se matérialiser par la présence presque métaphysique des derviches tourneurs. Au-delà de l'aspect spirituel de la performance, ce spectacle nous transporte au cœur d'une culture millénaire et traditionnelle. Les derviches mawlawis nous plongent dans l'univers Soufi de Jalel Eddine Erroumi, où l'on cherche le dépassement de soi, l'expansion de l'être et le développement des capacités créatrices pour atteindre l'unisson suprême avec Dieu. Dans ce mouvement qui privilégie l'intériorisation et la contemplation, la recherche de Dieu se fait souvent à travers la danse et la musique. Les trois derviches mawlawis nous ont interprété cette danse de l'au-delà. Une danse extatique qui permet au derviche d'accéder à un état de conscience et de perception particulière pour entrer en communion avec Dieu. Une sorte de cérémonial où chaque détail est empreint d'un symbolisme à la fois religieux et philosophique. Impressionnants dans leur quête du divin Dans ce tournoiement rituel infini au cours duquel la terre et l'air semblent fusionner, c'est bien le mouvement universel et cosmogonique du monde qui s'esquisse. Le manteau sombre dont les danseurs se dépouillent avant d'entrer en mouvement représente l'enveloppe matérielle à laquelle l'homme renonce avant de s'unir à Dieu au moment de sa mort, les larges robes blanches qu'ils portent représentent le suaire et les toques coniques le sépulcre. Les danseurs tournent d'abord lentement puis très rapidement, jusqu'à ce qu'ils atteignent une forme de transe, durant laquelle ils déploient les bras, la paume de la main droite dirigée vers le ciel dans le but de recueillir la grâce du divin, celle de la main gauche dirigée vers la terre pour l'y répandre. Tournant toujours au rythme des sonorités du nay, de la cithare, du luth et du chant profond de Cheikh Dawood qui semblent se matérialiser par la présence presque métaphysique des mawlawis tourneurs. L'état d'extase atteint par les derviches est alors transmis au public, comme un appel au partage de la connaissance de soi, un apaisement et un bien-être exquis...