Mine de rien, le feuilleton TV «Ali Chwerrib» du bouquet ramadanesque de cette année a fait un tabac. Bien évidemment, le décortiquer relève de la compétence des pros de la critique culturelle, mais ce qui importe ici, c'est l'évocation de l'impact extraordinaire qu'il a provoqué auprès de la population, d'une façon générale, et auprès des jeunes, d'une façon particulière. Extraordinaire : le qualificatif est loin d'être exagéré ou déplacé. Et les illustrations ne manquent pas. Choisissons-en les plus saillantes : - Primo : ce feuilleton a volé la vedette au reste des feuilletons, comme en attestent les impressions que nous avons recueillies chez nos pantouflards, dont la majorité le trouve le plus intéressant, le plus captivant. «A part quelques imperfections, il nous a beaucoup marqués», affirme un père de famille. «Il nous a enfin sauvés des cochonneries et autres bassesses dégradantes balancées à satiété par une chaîne TV qui se reconnaîtra», lance un autre qui n'a pas manqué, toutefois, d'émettre le vœu de ne pas voir le héros Ali Chewerrib faire école. Secundo : nos jeunes en ont été remarquablement impressionnés. Si les plus «sages» d'entre eux ont aimé en ce «héros» son courage, ses exploits et l'amour fou qu'il voue à sa mère, d'autres, par contre, ont été proprement emballés par ses qualités de bandit, en appréciant ses démêlés avec les gangs ennemis, sa frappe redoutable et son penchant de «va-t-en guerre» qui a toujours maille à partir avec la police et la justice. Et, malheureusement, c'est bien là que le bât blesse. Alias Chwerrib En effet, depuis que ce feuilleton a fait fureur, la délinquance juvénile est subitement montée d'un cran. Aujourd'hui, des énergumènes en herbe, en quête de «gloire», exigent carrément qu'on les surnomme «Chwerrib». Des repris de justice parmi les bandits qui montent ne se lassent pas de faire l'éloge de ce «démolisseur qui ne pardonne pas», en espérant sans doute, au tréfonds de leur âme, qu'ils deviendront un jour aussi célèbres que lui! Pour eux, «Chwerrib» reste un modèle, un symbole et une histoire qui résisteront aux épreuves du temps. Et cette «mode version Ramadan 2018» est désormais la plus suivie et en pleine ébullition dans les quartiers populaires, traditionnellement connus pour être le berceau du banditisme et le cœur battant de l'insécurité. Là où on ne jure plus que par «Chwerrib»! Et ce n'est pas un hasard si la police a arrêté récemment, du côté de Mellassine, un jeune voyou pour violences et braquages. Se présentant sans papiers aux interrogatoires, il déclina ainsi son identité : je m'appelle Nizar Ben Salah, alias «Ali Chwerrib»! L'enquêteur n'en revenait pas. En réalité, et à bien y voir, il n'y a pas lieu de s'en étonner outre mesure, puisque dans l'histoire du banditisme en Tunisie, les noms les plus connus avaient toujours, hélas, fait école. Et cela de Ali Chwerrib, en passant par Salah Guezadri, Kalaya, Msirina, Mehrez Platine, Oueld Sbaniouria, Hédi Chennoufi, Noureddine Béhija, Ali Rebaï, Ouled Mzoughui, Errouj, Pakiss, Mongi Honda, Amor Ayari, Petit, Mehrez Lefri et autres champions de l'insécurité des années 1980-2000 qui faisaient souffrir nos policiers, au point d'en devenir leurs bêtes noires. Non, en matière de banditisme, la relève est toujours assurée, même sans TV. Et ayons «l'audace» de prévoir que le fameux feuilleton «Ali Chwerrib», par son foudroyant impact sur la délinquance juvénile, ne dérogera pas à la règle. Bonne lecture et bonne matière à réflexion.