Youssef Chahed ne semble pas baisser les bras. L'action égalant la réaction, il multiplie les initiatives en vue de gagner davantage de sympathie dans l'opinion. Mais il sait pertinemment que les développements économiques et sociaux désastreux le fragilisent. Parce que celui qui a les avantages supporte les risques en premier Nida et l'Ugtt veulent la peau de Youssef Chahed et de son cabinet gouvernemental. Youssef Chahed ne s'y résigne guère. Et entre les deux pôles désormais antagoniques, la Tunisie profonde, la Tunisie souffrante, en sueur et angoissée, regarde De prime abord, les constats amers. Les luttes de clans fragilisent toute la classe politique, le gouvernement dit d'union nationale en prime. La lutte fratricide au sein de Nida Tounès a fini par déborder sur la coalition gouvernementale, les signataires du Document de Carthage campant désormais les hostilités intrinsèques, les institutions sclérosées et le gouvernement proprement dit. Le Conseil des ministres de mercredi dernier a été particulièrement houleux. Des échanges peu amènes y ont eu lieu. Abdelkrim Zbidi, ministre de la Défense, y a dressé un véritable réquisitoire contre le flou gouvernemental dans la gestion de la rumeur sur le coup d'Etat imputé à l'ex-ministre de l'Intérieur Lotfi Brahem, démis de ses fonctions. Et il n'a pas été le seul à exprimer son mécontentement. N'empêche. Tout le monde convient de la gravité de la situation. L'économie est toujours en panne, le chômage massif persiste, le Dinar poursuit sa dégringolade historique et le renchérissement des prix grève la bourse du citoyen lambda. Les investissements stagnent et les exportations fléchissent. Les balances commerciales et de paiement souffrent. En même temps, l'échéancier implacable du traitement de choc du FMI se poursuit. Il avait exigé une augmentation du prix des produits énergétiques draconienne. Le gouvernement a concédé avant-hier vers 23 heures ( ! ) une augmentation du prix du litre d'essence de 75 millimes, alors que le FMI l'exigeait à 100 millimes. Côté politique, la centrale syndicale, l'Ugtt s'est réunie en cours de semaine avec les dirigeants de Nida pour exiger le départ de tout le gouvernement, en bloc. La crise larvée couvant depuis des semaines se poursuit. Ce qui ne facilite guère les choses pour le chef du gouvernement aux prises avec la direction de son propre parti. Mais, Ennahdha, l'autre principal parti de la coalition gouvernementale, temporise toujours, privilégiant la stabilité gouvernementale. Et la présidence de la République adopte un profil neutre. Ce qui donne du répit à l'establishment ayant pignon sur rue à la Kasbah, même si cela s'apparente à marcher sur des œufs. Parce que Ennahdha monnaye nécessairement son soutien à Youssef Chahed. Pour preuve, les nominations à tour de bras et intensifiées depuis quelque temps de ses affidés et sympathisants dans l'administration et les structures gouvernementales et étatiques. Youssef Chahed ne semble pas baisser les bras. L'action égalant la réaction, il multiplie les initiatives en vue de gagner davantage de sympathie dans l'opinion. Mais il sait pertinemment que les développements économiques et sociaux désastreux le fragilisent. Parce que celui qui a les avantages supporte les risques en premier. Et un chef de gouvernement, en temps de crise surtout, est un fusible par excellence. Et puis ce n'est que partie remise. Le plus dur reste à faire. Relancer l'économie, asseoir un cercle vertueux, dissiper les angoisses communes. Autant de défis qu'il ne sera pas facile de relever avec, en sus, les pressions soutenues du FMI et les aléas de la nouvelle loi de finances qu'il faudra concocter dès la rentrée, en septembre. Aux dernières nouvelles, le dernier Conseil des ministres a décidé de redéployer les activités gouvernementales dans les régions intérieures. Quelques annonces récentes abondent déjà dans ce sens. Et il y aurait, dans les jours qui viennent, une relance ostentatoire et appuyée des initiatives gouvernementales en faveur des régions défavorisées. C'est de bonne guerre, comme dirait untel. Même s'il est besoin de s'interroger sur l'opportunité de revenir sans cesse aux régions et de brandir la question in extremis et au summum des crises, comme un vieux serpent de mer qui remonte à la surface. Mais, aux yeux des plus réalistes, mieux vaut tard que jamais. A charge toutefois que la question des régions ne soit pas instrumentalisée à des fins de manœuvres de politique politicienne. Nida et l'Ugtt veulent la peau de Youssef Chahed et de son cabinet gouvernemental. Youssef Chahed ne s'y résigne guère. Et entre les deux pôles désormais antagoniques, la Tunisie profonde, la Tunisie souffrante, en sueur et angoissée, regarde. Et, pour la petite histoire, les deux parties démonisent volontiers ceux qui se réclament de la Tunisie profonde et refusent la fausse logique des deux parties se résumant en la formule tristement célèbre «si tu n'es pas avec moi, tu es contre moi».