Le week-end de Kerkennah n'a pas été ordinaire. Sur la principale île de l'archipel se déroule, en effet, la première édition du festival international de photographie et d'arts visuels «Kerkennah 01» (22-27 juin). Sur place, aux quatre coins de l'île, ont pris vie les œuvres annoncées dans le programme, autour de «Trace, île, mobilité, futur, labeur». La pièce maîtresse a occupé le chantier naval à El Attaya et le centre d'El Remla. Cinq commissaires d'exposition et dix-huit artistes internationaux ont transformé ce lieu en une énorme galerie où l'on explore à travers la photo et la vidéo les limites, la géographie et l'histoire de l'archipel ou d'autres lieux avec qui il se met en correspondance. Les visiteurs y sont guidés par des étudiants en médiation culturelle de Tunisie et de France. A Ouled Kacem, le festival a investi l'école primaire et la zaouia de Sidi Hafi. Dans la première, une exposition off de la Franco-Algérienne Maya Ines Touman autour des voiles en Algérie. Dans la deuxième, les cimaises lisses et blanches de Ghaya Gallery se transforment en des murs centenaires qui mettent en valeur autrement les photographies de l'exposition «Lieux de nulle part». Après Kerkennah 01, celle-ci sera visible à la galerie à Sidi Bou Said du 1er au 30 juillet. Le public a également eu rendez-vous avec des workshops, des projections et un programme de découverte de l'île. Les nuits des festivaliers ont été faites de musique. Vendredi soir, la troupe d'afrobeat internationale Monkuti, suivie de DJ Tabu (New York) et samedi, Badiaa Bouhrizi, le duo Dhamma et le DJ Aff Andy (Tunisie). Même le match Tunisie-Belgique a été de la partie. L'île aura été questionnée dans toutes ses identités et ses contradictions de lieu hostile et «touristique», originel et pollué, peuplé et désert, calme et chargé d'histoires... Où est Kerkennah ? Comme dans toute première édition, on est dans la découverte, l'exploration. Organisateurs et visiteurs se trouvent un peu à la même place. Dès cette première édition, les premiers se sont fixé pour objectif de placer la barre très haut dans les propositions artistiques que le festival donne à voir. Un pari gagné avec une diversité d'œuvres et de sensibilités, qui ont établi un intéressant dialogue avec les thématiques proposées, faisant de Kerkennah un réceptacle de fertilité artistique. Le rapport à Kerkennah est, dans ce sens, resté théorique. Les visiteurs qui ont vécu deux jours ou plus le festival sont rentrés avec des impressions, des images, des sensations. L'une d'elles est malheureusement d'avoir été en marge de la vie de l'île et de ses habitants. Malgré les bonnes intentions et les tentatives du programme, on a l'impression d'avoir fait partie d'un ovni, d'une soucoupe qui s'est posée pendant quelques jours à Kerkennah et qui s'apprête à repartir. Une soucoupe qui aurait d'ailleurs pu se poser n'importe où ailleurs, car sa valeur ajoutée est intrinsèque et son influence ne s'est pas forcement vue sur l'île. Ce sera sans doute le challenge dès la prochaine édition car ce festival doit rester, se développer et trouver le moyen d'être plus kerkennien, plus local tout simplement. Le festival a questionné l'île, et au tour de Kerkennah de le questionner.