Par Jalel Mestiri La question s'impose d'elle-même : le vainqueur de la coupe du monde est-il un beau champion?... Il est champion et il sera, comme l'a dit Didier Deschamps, sur le toit du monde pendant quatre ans. On ne sait pas vraiment si la France a été une belle équipe, mais elle a marqué des buts, connu des scénarios rocambolesques, elle a été très forte sur le plan athlétique et disciplinée dans le jeu et dans l'intensité. La vidéo a été encore une fois au secours des Français. L'arbitre argentin Nestor Pinata s'en était lui aussi remis pour décider, après avoir inspecté l'action litigieuse sous tous les angles, de siffler un penalty, transformé par le pied ferme de Griezmann. Une finale, ça ne se joue pas. Elle se gagne. La France n'a pas fait un grand match, mais encore une fois sa victoire est méritée. On l'a constaté depuis le début du Mondial, les Bleus n'aiment pas faire le jeu. Ils préfèrent laisser la possession à leur adversaire pour placer des lancées qui font mal. La Belgique en sait quelque chose. Face à l'étouffante pression croate qui faisait craindre le pire tout au long de la première mi-temps, l'équipe de France n'a pas dépassé la ligne médiane. «Maltraitée», battue dans les duels par de rudes guerriers, elle a refait le coup de l'Argentine, déclenchant des contres fulgurants, notamment dans les moments clés du match. Dopée à la culture de la gagne, assurément sous l'influence de son entraîneur, elle s'est montrée irrésistible, surtout lorsqu'elle réussit à mettre sur orbite ses individualités. Sait-on vraiment ce que c'est d'être champions du monde ? Au-delà du résultat, du mérite et de l'accomplissement des uns et des autres, cette finale de Russie fut un feu d'artifice spectaculaire, prolifique et crispant de bout en bout pour tout le public et non pas seulement pour les supporters des deux camps. Une finale imprévisible, avec des moments forts, mais surtout des leçons à retenir. La plus grande force de la France est une adaptation générale aux circonstances, même dominée, même privée du ballon, elle est capable de faire le dos rond et, par la suite, exploiter les défauts des adversaires. Les Bleus sont restés fidèles à ce qu'ils avaient laissé entrevoir dès le début de la coupe du monde. Ils connaissent leurs propres limites. Ils s'accommodent du contexte et parviennent, quasiment toujours, à faire la différence. Les résultats et les victoires obtenus, par essence, ont permis de conférer une grande confiance aux joueurs. Dans les rangs français, il n'y a pas de Ronaldo ni de Messi, mais l'équipe existe bel et bien. Si elle est championne du monde, c'est qu'elle a fait les choses mieux que les autres. Dans une compétition où la maîtrise ne suffisait pas, elle avait fait preuve de qualités mentales et psychologiques déterminantes. Deschamps atteint le record de Franz Beckenbauer et Mario Zagallo, seuls sélectionneurs à avoir gagné la Coupe du monde comme joueurs et comme entraîneurs... Mais au-delà d'une pareille consécration, on lui reconnaît surtout ses convictions qui font du management et des discussions une grande partie du métier d'entraîneur et de sélectionneur. Comment amener les joueurs vers un esprit collectif. Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite. Les choix les plus importants d'un sélectionneur sont ceux de la liste et tout particulièrement les vingt-trois en prévision d'une épreuve comme la coupe du monde. Ce sont des choix d'hommes pour construire un groupe censé y aller le plus loin possible. Evidemment les joueurs ont donné raison à Deschamps, mais les équilibres humains restent toujours fragiles... Le football de nos jours, c'est comme la guerre nucléaire, il n'y a pas de vainqueur, juste des survivants...