Généralement, il est rare de voir une Tunisienne s'imposer dans le monde des affaires à l'étranger. Y parvenir n'est pas chose aisée, parce que cela exige une forte personnalité, de la compétence et surtout beaucoup d'audace et de patience. Conditions auxquelles répondent tant de représentantes de notre gent féminine qui ont gagné le pari fou de la réussite loin de nos frontières. Mme Hana Guenaoui en est une. Nous l'avons prise pour exemple, eu égard à son combat héroïque parsemé d'embûches et de souffrances, et qui a fait d'elle, au bout du compte, une femme d'affaires bien assise. Récit passionnant et émouvant de la petite blonde devenue... une dame de fer. Via le sport Originaire de la paisible ville de Mégrine (gouvernorat de Ben Arous), elle a tôt fait d'imiter ses voisines, en allant pratiquer le sport. Une courte expérience en athlétisme et la voici changeant de section, en optant pour le handball, sur le conseil d'un entraîneur qui découvrit en elle des prédispositions toutes faites pour embrasser une carrière de handballeuse. Et pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître, Hana ayant pu rapidement brûler les étapes pour finir par s'imposer comme une pièce maîtresse de l'équipe par qui tout le danger venait. Les exploits sportifs qu'elle multipliait lui ont permis, le plus naturellement du monde, de frapper aux portes de la sélection nationale. D'où un joli parcours international qui lui a valu titres, honneurs et gloire. «En parallèle, se remémore-t-elle, je ne négligeais pas mes études où la réussite était, Dieu merci, au rendez-vous, à la grande joie de mes parents». Issue d'une famille pauvre, Hana, battante et batailleuse de nature, tenait à construire un bel avenir, aidée en cela par la sollicitude et l'affection de son père, feu «Am Ali» qui veillait au grain et accédait à ses vœux, si capricieux fussent-ils. D'ailleurs, le jour où elle lui a fait part de son intention d'aller monnayer son talent en France à l'invitation d'une copine, il n'a pas hésité à lui délivrer son feu vert, non sans être, au préalable, rassuré quant aux perspectives prometteuses de l'offre. Adieu Mégrine, bonjour Paris, mais aussi bonjour l'aventure, car l'Hexagone, c'est un autre monde, une autre mentalité. Pour elle, «la France est un cimetière pour ceux qui ne savent pas comment gérer leur vie et qui rechignent à se soumettre aux vertus de la discipline et de la rigueur». Elle, heureusement, n'en fait pas partie, tout simplement parce qu'elle a pu, l'ambition et le sérieux aidant, s'acclimater plus vite que prévu. Mais, au fil des jours, la gamine qu'elle était ne se contentait plus de la traditionnelle trilogie française "métro-boulot-dodo". Bien au contraire, elle voulait aller plus loin. Et parce que la chance ne sourit qu'aux audacieux comme on dit, elle fit, un jour, la connaissance d'un jeune homme d'affaires français. Ça y est, c'est le coup de foudre. Et la romance de se transformer rapidement en mariage. «Un mariage d'amour et de raison», tient-elle à souligner, contredisant ainsi la vieille célèbre chanson française «Un mariage d'amour sans raison c'est mieux qu'un mariage de raison sans amour». Prête à mourir pour la Tunisie Du jour au lendemain, la petite Mégrinoise est devenue le bras droit de son mari à la tête d'une grande entreprise qui a pignon sur rue au pays de Voltaire. Main de fer dans un gant de velours, travailleuse infatigable, avocate tenace de la rigueur, elle donnera le plus escompté à une boîte alors en plein essor économique. Son époux, M. Christian, ne pouvait qu'en être ravi. Lui, le vrai pro qui, dès lors qu'il s'agit de boulot, ne badine pas avec la discipline et la performance, laissant le sentimentalisme à la maison. Et ce n'est pas un hasard si ce couple charmant-gagnant, devenu... millionnaire en euros, a procédé à l'extension des activités de sa firme en France. Entre-temps, Hana résistait tenacement aux retombées de son embourgeoisement, en restant terriblement attachée à ses origines. «Contrairement, dit-elle avec fierté, à ceux, et ils sont légion, qui ont rompu avec la patrie après avoir fait fortune en France et ailleurs, moi je n'ai pas perdu une seule goutte de sang tunisien qui continuait de couler dans mes veines. En ce sens que, outre mes fréquentes navettes entre Paris et Tunis, je ne cessais de songer à la perspective d'investir un jour dans mon pays natal, non seulement pour le grand amour que je voue pour la Tunisie, mais aussi pour ma conviction que celle-ci traverse, depuis la révolution, une phase si difficile de son histoire qu'elle a le plus besoin de ses enfants pour espérer l'aider à s'en sortir». Trois coups de cuillère à pot et Hana de joindre l'acte à la parole. Deux projets verront le jour : un jardin d'enfants et une garderie dernier cri érigés dans sa cité natale de Mégrine et dotés d'équipements sophistiqués mis à la disposition d'un staff éducatif trié sur le volet. Non contente de ces pourtant rentables investissements, nostalgique aussi, elle a eu une pensée pour les filles de son quartier signataires au club sportif de la ville. «C'est pour elles et accédant à leur désir que j'ai accepté la présidence de l'association». Et pour ne pas les décevoir, Hana, toujours généreuse, mettait le paquet, avec des largesses dignes d'un club professionnel : salaires, primes, mises en vert dans des hôtels de renom, paiement des frais des études pour les joueuses, aides sociales. Le tout couronné de résultats probants. «Mon bonheur, affirme-t-elle, est immense quand je vois nos joueuses ayant réussi dans leurs études secondaires et universitaires et d'autres ayant amélioré leurs situations sociales. Et c'est cela qui compte le plus pour moi. Quant aux résultats proprement sportifs, je m'en balance, tout simplement parce qu'au sein de la fédération de handball, il y a des gens si hypocrites, si malhonnêtes que le rayonnement de mon club et la révolution qu'il a faite pour sauver le sport féminin en Tunisie ont paradoxalement dérangés. Et là, c'est une autre histoire».