Enterrés dans le silence, des cas de harcèlement sexuel visant notamment de jeunes étudiantes tunisiennes ne verront jamais le jour, briser ce mutisme demeure ainsi un devoir pour dévoiler l'atrocité d'un tel fléau. «Je ne saurai jamais me défendre ou porter plainte, j'ai même peur de me rappeler de cette situation si douloureuse», c'est ainsi que commence le témoignage d'une jeune étudiante de 21 ans ayant subi un harcèlement sexuel répétitif de la part de son enseignant dans l'une des universités du Grand-Tunis. Cette jeune a été contrainte d'interrompre ses études à cause des comportements offensants de cet enseignant, qui selon ses dires, « a une mauvaise réputation dans son université car ses faits ont également porté sur au moins deux autres étudiantes ». Tout a commencé par de simples mots de bienveillance, mais les intentions étaient tout autres, attouchements sexuels, chantages et menaces, la jeune fille vivait dans un cauchemar pendant des mois, sans dénoncer son agresseur, par peur d'un scandale qui « déshonorerait » sa famille. Le cas de cette étudiante n'est certainement pas isolé, mais il témoigne d'un fléau qui, à chaque année universitaire, prend de nouvelles dimensions, surtout avec la prolifération des réseaux sociaux. Ces réseaux, dont les usages sont devenus virales ces dernières années, ont enfoncé le clou en ce qui concerne la multiplication des cas de harcèlement à caractère sexuel. Remarques scabreuses, regards, messages gênants, propos et plaisanteries sexistes, étalage de contenus pornographiques, contacts physiques déplaisants ou non désirés, invitations importunes, tentations... Ces jeunes étudiantes sont exposées à de nouvelles formes de harcèlement sur ces réseaux, dits sociaux. En effet, des cercles d'amitié qui naissent sur ces plateformes entre des enseignants et leurs étudiantes virent parfois à l'agression morale et au harcèlement à caractère sexuel. Selon une définition juridique conventionnelle, le harcèlement sexuel n'est autre que le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité physique ou morale en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Mais en Tunisie le phénomène est enterré dans le silence et le tabou, en l'absence de toute forme de dénonciation. En tout cas, la législation tunisienne relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes condamne le harcèlement sexuel à deux ans d'emprisonnement et cinq mille dinars d'amende. Entre peur et tabou Bien qu'il n'existe pas de statistiques ou de données précises sur les cas de harcèlement sexuel dans le milieu universitaire tunisien, des témoignages surgissent parfois pour nous rappeler que ce phénomène existe bel et bien dans nos universités. Une autre étudiante témoigne également de son calvaire avec son enseignant qui a usé de son silence et sa faiblesse, comme elle confirme, pour tirer profit sexuellement d'elle. « Au début il me demandait de rester tout près de lui pendant les cours, c'est-à-dire dans les premiers rangs de l'amphi, à la fin de la séance il tenait à me parler en privé de tous les sujets. Ensuite il m'a fait des avances à connotation sexuelle, il a fini par me demander de lui envoyer mes photos toute nue ! », témoigne-t-elle. Et pour cette jeune étudiante en première année, dont l'âge ne dépasse pas les 20 ans, dénoncer cet enseignant reste hors de question. Même cause : la peur et la crainte de la réaction de son entourage, sa famille, ses collègues et son université. D'après une étude du Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Credif), 97% des Tunisiennes ne porteraient pas plainte après une violence sexuelle dans l'espace public et 66% des victimes ne réagissent pas, ce taux est certainement revu à la hausse dans le milieu universitaire. Mais il faut noter que ce harcèlement ne provient pas seulement des enseignants, ce sont parfois des étudiantes et des étudiants qui harcèlent sexuellement leurs profs! Ça pourrait être choquant, mais en vérité, certaines étudiantes et étudiants essayent d'exploiter tous les moyens, y compris leurs corps, pour parvenir à certains objectifs, notamment de meilleures notes, comme en témoigne également une enseignante. En 2017, la Tunisie a été saluée pour l'amélioration de ses lois visant à protéger les femmes, premières victimes du harcèlement dans l'espace public, mais un long chemin reste à parcourir face à ce silence assourdissant des victimes.