L'affaire Khaled Gaddour aurait eu «le mérite» de pousser au retour du consensus entre Nida Tounès et Ennahdha. Youssef Chahed serait devenu un danger et pour les nahdhaouis et pour les nidaïstes Ceux qui affirmaient, jour et nuit, que le consensus Nida Tounès-Ennahdha a vécu ne savaient pas que Youssef Chahed, chef du gouvernement, allait donner, en déclarant la guerre à l'Ugtt via le limogeage de Khaled Gaddour, ministre de l'Energie et des Mines, la dernière chance à «Ettawafok» pour renaître de ses cendres. Et quand Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, parle à l'issue de son entretien, lundi 3 septembre, avec le président de la République de la nouvelle chance à saisir pour assurer la relance du consensus en activant les 63 points contenus dans le Document de Carthage II, il savait de quoi il parlait. Il ne pouvait affirmer clairement qu'Ennahdha a décidé de retirer purement et simplement son soutien à Youssef Chahed. Pour être plus clair et lire entre les lignes dans la déclaration de Rached Ghannouchi, l'on est en mesure d'avancer qu'Ennahdha a compris que la guerre de Youssef Chahed contre la corruption qu'elle soit sérieuse, sélective ou ciblant ses adversaires politiques, notamment les nidaïstes, pourrait aussi toucher les responsables nahdhaouis. Et du côté de Montplaisir, on développe désormais la thèse suivante: «Si Youssef Chahed a franchi le pas et a osé s'attaquer ouvertement à l'Ugtt en jetant l'opprobre sur l'un des ministres que les syndicalistes considèrent comme l'un des fils valeureux de la maison et si le chef du gouvernement n'a pas reculé devant la possibilité d'envoyer un message clair au Palais de Carthage selon lequel il dispose de dossiers compromettants à l'encontre de personnalités très proches de la présidence de la République, qui peut garantir à Ennahdha qu'il ne révélera pas un dossier compromettant à l'encontre d'un ministre nahdhaoui ?». Et les nahdhaouis qui craignent «un coup tordu» de la part de Youssef Chahed, «l'allié de circonstance qu'on croyait docile à souhait», mais qui s'est «révélé homme à dossiers dormants pour être extraits au moment opportun» sont, semble-t-il, convaincus que s'il existe une opportunité d'éviter de tomber dans le piège, c'est bien de relancer le consensus avec Nida Tounès, donc de revenir à la possibilité de se débarrasser de Youssef Chahed en recourant à la solution constitutionnelle, c'est-à-dire la motion de censure qui sera soumise par les députés nidaïstes soutenus par leurs collègues nahdhaouis et qui sera avalisée par une majorité déjà acquise. Et ce retour au consensus ou cette réactivation attendue de l'alliance Nida-Ennahdha au Palais du Bardo, le seul espace où Youssef Chahed peut être révoqué constitutionnellement de son poste de chef du gouvernement, est déjà l'objet d'une promotion médiatique de la part des dirigeants nidaïstes qui développent, désormais, un nouveau discours basé sur une idée générale : «Le comportement de Youssef Chahed et les fausses affaires de corruption qu'il est en train de dévoiler publiquement risquent de menacer sérieusement l'image de la Tunisie et d'altérer sa réputation. Sa fuite en avant pour cacher ses échecs pourrait le pousser à prendre des mesures qui menacent le processus démocratique. Il est donc urgent de mettre un terme à de tels agissements menaçant sérieusement les intérêts supérieurs du pays». Et quand Ridha Belhaj, le dirigeant nidaïste revenant au parti justifie le retour du consensus Nida Tounès-Ennahdha par la préservation de l'intérêt supérieur du pays, on comprend que les jours de Youssef Chahed au Palais de La Kasbah sont désormais comptés et que le consensus va renaître dans le but d'empêcher que Youssef Chahed fasse tomber, à tort ou à raison, d'autres figures importantes nidaïstes ou nahdhaouies. Hier, le président de la République a reçu le secrétaire général de l'Ugtt, Noureddine Taboubi. Une rencontre qui s'inscrit dans le cadre du suivi de la crise politique actuelle opposant Youssef Chahed à Nida Tounès et à l'Ugtt qui sont attachés à son départ immédiat de la présidence du gouvernement. Et la nouveauté est que cette fois, l'Ugtt laisse entendre qu'elle profitera de la nouvelle position d'Ennahdha pour accentuer la pression sur Youssef Chahed.