L'absence d'un cadre réglementaire unique qui répond aux normes de qualité internationales dans le domaine de la petite enfance a engendré une iniquité des chances pour les jeunes enfants. La Tunisie caracole, toujours, en tête des pays de la région Mena, en matière de droits de l'enfant. Ce n'est point un hasard, puisque ce positionnement est le fruit des efforts déployés, à l'aube de l'indépendance, pour ancrer la culture des droits de l'enfant, notamment à l'éducation et à la santé. En termes de législation, la Tunisie est classée 9e à l'échelle mondiale, selon le rapport «The Kids Rights Index 2017». Pourtant, le tableau n'est pas aussi reluisant. Les moult affaires de violences à l'égard des enfants, qui ont fait écho dans les médias, ces dernières années, ont mis à nu les défaillances du système actuel de la protection de l'enfance. Le ministère de la Santé vient d'annoncer que le taux des femmes qui allaitent exclusivement au sein, leurs nourrissons, durant les 6 premiers mois, ne dépasse pas 9%. Un chiffre très inquiétant, étant donné que l'allaitement du nouveau-né au sein exclusif, durant les 6 premiers mois, est crucial pour la santé et la croissance du bébé. Mme Asma Matoussi, responsable du département des établissements préscolaires, relevant du ministère de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Personnes âgées, a affirmé, à ce propos, que «le ministère de la Femme a effectué en 2016 une étude qui dresse l'état des lieux de la petite enfance en Tunisie. Les résultats révélés soulignent la persistance des problèmes d'anémie ainsi que l'apparition du phénomène de l'obésité chez les petits enfants. Cela est dû à plusieurs facteurs. Mais l'absence de normes et de standards de qualité, harmonisés et décrétés dans les établissements préscolaires et les crèches, notamment en matière de nutrition, en est la principale raison. Aussi, il faut dire qu'une grande partie des jeunes parents ne sont pas initiés aux bonnes pratiques d'une alimentation saine pour les bébés et les petits enfants». Une nouvelle stratégie nationale de développement de la petite enfance Une enquête sur la petite enfance, réalisée par l'Unicef en 2016, dévoile certains clignotants qui inquiètent les spécialistes et les autorités concernées. Le taux de retard de croissance chez les jeunes enfants tunisiens a atteint 10% en 2015, alors que le taux des enfants atteints de surpoids modéré et grave s'élève à 14%. Le taux des nouveaux-nés initiés précocement à l'allaitement ne dépasse pas les 40%. Ces chiffres ont mis à jour les faiblesses du système de protection et de soutien de la petite enfance, qui n'a pas été, jusque-là, consolidé pour s'aligner aux nouvelles normes et standards internationaux. «Les institutions de la petite enfance, notamment les jardins d'enfants et les crèches, sont régies par des cahiers de charge. Toutefois, chaque établissement établit sa propre réglementation. L'absence d'un cadre réglementaire unique qui répond aux normes de qualité internationales dans le domaine de la petite enfance a engendré une iniquité des chances pour les jeunes enfants. Le non-alignement avec les standards internationaux et le manque du suivi et du contrôle de la nutrition dans ces établissements sont les principales causes des dépassements enregistrés. En août dernier, un conseil ministériel restreint a validé une nouvelle stratégie, multidisciplinaire, de développement de la petite enfance, élaborée par le ministère de la Femme. Son objectif est la mise en œuvre de nouveaux mécanismes qui renforcent le système de protection de la petite enfance, notamment sur le plan sanitaire et nutritif», affirme Mme Matoussi.