La compétition officielle représente normalement la vitrine de tout festival de cinéma. En un mot : son label. C'est pourquoi les sélectionneurs veillent à ce que les films sélectionnés dans cette section soient du meilleur cru. A fortiori quand il s'agit des films tunisiens qui doivent obligatoirement refléter le minimum de qualité requis et le niveau globalement atteint par notre cinéma, du moins sur le plan technique et esthétique. Or, après avoir vu Chronique d'une agonie de Aïda Ben Aleya, le troisième long métrage tunisien en lice (après Fin décembre de Moëz Kamoun et Les Palmiers blessés de Abdellatif Ben Ammar), il est clair que le critère du minimum requis de la qualité esthétique et technique n'a pas du tout été pris en compte par les sélectionneurs. Chronique d'une agonie: mérite-t-il sa place en compétition? Comment expliquer que ce long métrage représente le cinéma tunisien, tant il a laissé le public dépité, déçu et désappointé de voir le thème de la condition féminine, du reste archi-rabâché, traité d'une manière aussi peu cinématographique, façon détritus visuels mal filmés et éclairés pour se focaliser, encore une fois, sur la condition de la femme à travers le dur vécu d'un personnage féminin, Donia. Un personnage central creux, nullement attachant, sans motivation, mais juste bon pour véhiculer toutes sortes de clichés, redondances, propos banals et vulgaires, jeu approximatif, le tout engoncé dans le misérabilisme. Maintenant, la question qui s'impose est la suivante : ce ratage filmique tous azimuts mérite-t-il sa place en compétition officielle de la 23e JCC? Si la réponse tombe sous le sens, l'on reste coi et perplexe de voir pareil film en lice. Plus de vigilance s'impose d'autant qu'il y va du label et de la qualité des JCC. Ah, ces courts métrages! De la belle ouvrage! Cette 23e édition des JCC est aussi marquée par un lot important de courts métrages aussi bien dans les sections de la compétition officielle que nationale, ou celle du panorama du cinéma tunisien. Tous ces films de jeunes d'ici ou d'ailleurs reflètent une dynamique au niveau de la production grâce au recours au numérique qui, espérons-le, au fil des années, tendra vers plus de qualité. De ce florilège de petits films émergent quelques thématiques qui reflètent les préoccupations de ces jeunes cinéastes, dont la plupart sont diplômés des écoles de cinéma. Parmi ces thèmes récurrents dans le jeune cinéma arabo-africain, citons : l'émigration clandestine, l'exploration de la mémoire, le retour du conservatisme et le tiraillement entre la tradition et la modernité, l'environnement, le problème de la désertification, le trafic d'organes, la guerre et ses séquelles, etc. Dans le programme I de la compétition officielle des courts métrages, deux films tunisiens se distinguent par une belle maîtrise technique et esthétique: Vers le Nord de Youssef Chebbi et Linge sale de Malik Amara. Le premier, un drame d'une durée de 15 minutes, nous embarque sur une plage perdue au milieu de nulle part. Tout porte à croire, à travers l'action, qu'il s'agit de passeurs et d'émigration clandestine. Mais il s'agit de tout à fait autre chose… Le film surprend et marque les esprits par sa chute ou son épilogue inattendu et pas du tout prévisible, ainsi que par la qualité technique soit, le cadre, l'éclairage, le jeu. Cela outre qu'il pose un problème aigu et d'actualité : le trafic d'organes. Ainsi, nous dit Youssef Chebbi dans le Vers le Nord, l'embarquement clandestin est semé de risques et d'embûches, mais aussi de pièges. Le film se clôt sur une belle scène : une barque emportant, le corps de Mouja, un jeune passager clandestin vers ce Nord, objet de désir de nombreux jeunes qui veulent l'atteindre à tout prix : morts ou vifs. Le deuxième, Linge sale, nous l'avons déjà dit, est une comédie façon burlesque mais pas trop, centrée sur le personnage d'un mari soumis, maltraité et tout résigné, jusqu'au jour où sa femme, une monstrueuse mégère tombe du 2e étage de l'immeuble, ce qui donnera des idées à son mari. Après avoir traité de la mort dans Imout El Hout (Poisson noyé), Malik Amara poursuit sur la même lancée en déclinant plusieurs manières de se débarrasser, par le meurtre, d'une femme envahissante, exubérante et dominatrice. Cet opus se démarque notamment par sa maîtrise technique. Deux autres opus d'Afrique sub-saharienne ont suscité l'intérêt dans ce Programme I traitant de l'environnement. D'abord Lazare de Zelalem Woldemariam, film éthiopien de 14 minutes mettant en scène un petit garçon sans foyer qui, contre une pièce de monnaie, aide les gens du village à planter des arbres. Construit façon métaphorique, ce film est un constat amer sur la destruction de la nature par l'homme pour l'argent et donc pour des raisons matérielles. Maîtrisé, sensible, attachant et touchant. Pumzi, le film kenyan de Kudzani Moswela, décline la même préoccupation pour l'environnement rêvant une utopie verte. Cet opus s'achève sur une scène utopique, peut-être, celle d'une femme Asha, jeune scientifique faisant corps avec un arbre, mais enchanteresse. Quelques longueurs et redondances cependant. Toutefois le propos en vaut la chandelle et donc tout l'intérêt qu'il suscite.