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Quel suivi psychologique?
Inondations au Cap Bon — Entretien avec Dr Riadh Bouzid, chef du service psychiatrique à l'hôpital Tahar-Maamouri de Nabeul et coordinateur de la Cel
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 10 - 2018

Si tous les feux des projecteurs ont été braqués sur les actions de secours et de récolte de dons et de fonds pour aider les sinistrés du Cap Bon, le suivi psychologique est passé presque inaperçu dans les médias tunisiens. Dr Riadh Bouzid, coordinateur de la Cellule d'écoute relevant de la Cellule d'assistance psychologique (CAP)-«Shocroom», nous explique l'importance d'une telle démarche après ce genre de catastrophes naturelles.
Ça fait plus de trois semaines que la région du Cap Bon a été frappée de plein fouet par des pluies torrentielles. Pouvez-vous nous dresser le tableau de l'état psychique des traumatisés après les inondations du 22 septembre 2018 ?
Actuellement, nous n'avons pas une idée précise, voire approximative de l'état psychique, mais nous avons quelques expériences de personnes qui ont été impactées négativement. Les récentes inondations ont causé à une grande partie de la population un traumatisme sévère, vécu comme potentiellement mortel, développant dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent un trouble anxieux sévère, un trouble de stress aigu ou un trouble de stress post-traumatique, ainsi que des troubles dépressifs aggravés par les pertes humaines et matérielles. Ces troubles engendrent une souffrance et une altération sévère du fonctionnement avec une incapacité et des coûts élevés pour l'individu, la communauté et l'Etat. Je prends l'exemple d'une famille qui habite dans la région de Béni Khalled sur les berges d'un oued. Selon les témoignages, ce cours d'eau n'a jamais connu de crue. Le jour du drame, en quelques minutes, le niveau de l'eau a monté brusquement et a envahi la zone. La crue était trop rapide. Les membres de cette famille ont juste le temps pour monter sur le toit de leur demeure. Ils ont perdu tous leurs biens, notamment leurs animaux qui ont été emportés. Ils ont passé toute la nuit sur le toit exposés à la mort.
Quelle est l'importance de la prise en charge psychologique précoce suite à une telle catastrophe naturelle ?
La prise en charge psychologique précoce a pour conséquences de soulager rapidement les symptômes éventuels et même de prévenir leur apparition dans des proportions allant jusqu'à 90%. La particularité des inondations de la région du Cap Bon est que les individus font face au moins à 2 traumatismes sévères. Le premier est celui d'avoir été confronté à la mort. Le deuxième est celui des conséquences néfastes et durables : perte des biens, parfois vitaux ou du moins quasiment impossibles à réparer faute de moyens. Ceci rend d'autant plus obligatoire et plus bénéfique le travail de la CAP et l'importance de la gestion de cette crise même sur le plan de la communication du gouvernement ou des responsables régionaux.
Quels sont les objectifs fixés par votre cellule d'écoute ?
Notre coordination a fixé trois objectifs. Primo, nous devons diagnostiquer les éventuels troubles post-traumatiques chez les victimes des inondations. Deuxièmement, les orienter éventuellement en cas de trouble vers une prise en charge psychologique et/ou psychiatrique. Enfin, il est de notre devoir de prévenir l'apparition de troubles psychologiques et psychiatriques dont le stress aigu et le stress post-traumatique par des techniques narrative et d'écoute permettant la verbalisation des difficultés psychologiques et du vécu des bénéficiaires.
Comment vous vous êtes organisés dans cette cellule d'écoute pour porter assistance aux sinistrés ?
Entre le staff de l'hôpital Tahar-Maamouri et celui de Mohamed-Tlatli, au total trois psychiatres, cinq psychologues, six infirmières et cinq résidents sont impliqués dans cette cellule d'écoute. Le travail de la cellule d'écoute s'est organisé autour de trois axes : écoute et soins, formation et communication. Nous avons ainsi mis en place deux structures. La première est une cellule d'écoute permanente, de 9h00 à 12h00, au niveau d'une salle à l'hôpital Mohamed-Tlatli de Nabeul (centre-ville pour être plus proche des citoyens). Elle a débuté ses activités, le 25 septembre 2018 et se compose d'un Thérapeute et d'un co-thérapeute (deux psychiatres ou psychologues) et d'une infirmière psychiatrique. Les traumatisés sont reçus en individuel ou en groupes. La deuxième structure est une cellule mobile au niveau des districts, qui travaille selon des missions en collaboration avec le délégué, le médecin référent de la région et les directeurs des hôpitaux. Par exemple : le vendredi 28 septembre 2018, quatre équipes se sont déplacées (avec la présence du médecin de première ligne et d'un infirmier de la circonscription) sur le terrain : deux équipes à Béni Khalled (Maison des jeunes) de 9h00 à 13h30, une équipe à Bir Mroua (Takelsa) de 9h00 à 12h30 et une équipe à l'hôpital de Soliman de 9h00 à 12h30. Pour la mission du 16 octobre 2018 à Korba, la cellule d'écoute a dépêché deux équipes renforcées par une équipe de Tunis, celle de la Cellule d'Assistance Psychologique (CAP) du ministère de la Santé avec la présence des Dr Anissa Bouasker et Aïda Neffati.
On a l'impression qu'au niveau de la ville de Nabeul et aux alentours, une sorte de psychose générale a dressé son chapiteau à chaque fois que l'Institut national de la météorologie (INM) annonce de fortes averses ou des pluies sur la région. C'était le cas le week-end dernier où les gens ont cru qu'ils allaient revivre le même cauchemar. Peut-on parler d'un syndrome du 22 septembre surtout que la saison des pluies n'est qu'à ses débuts ?
Scientifiquement parlant, une personne, qui a subi un événement grave et potentiellement mortel, ne peut qu'être psychologiquement impactée. La soudaineté de l'événement et son imprévisibilité ainsi que le sentiment d'impuissance, d'effroi et de panique intense devant une telle force de la nature peuvent aboutir à l'ébranlement des fondements vitaux. Un individu ne peut pas vivre dans un milieu sans sécurité. Or dans un événement grave et potentiellement mortel, le sentiment de sécurité est sérieusement ébranlé, parfois pour des décennies ou des années. Ce qui explique cette phobie que peut exprimer une personne si elle n'est pas prise en charge. Dans un autre volet, c'est le sentiment de justice qui entre en jeu. Devant un tel sinistre causé par les inondations, l'individu commence par se poser certaines questions, notamment «Pourquoi moi?» et «Pourquoi je n'étais pas secouru à temps?». Un tel événement peut même ébranler la foi de la victime. Or, objectivement, les secours ne pouvaient pas atteindre la zone. La victime se sent abandonné par ses proches, ses voisins et les agents de la protection civile. Notre travail est non seulement d'écouter ces victimes, mais aussi de leur faire comprendre que la situation était exceptionnelle pour dissiper ce sentiment d'injustice et de doute généralisé. Des pays comme les Etats-Unis (Louisiane, etc.) ou la France (Saint-Martin et Saint-Barthélemy) n'ont pas été épargnés par les ouragans et les cyclones. Prenons l'exemple des récentes inondations de l'Aude en France. On a vu les mêmes scènes de détresse et de désolation qu'au Cap Bon. Devant ce genre de catastrophes, nous sommes tous impliqués. Et notre société doit être convaincue de l'importance de la psychologie dans ce genre d'événements exceptionnels. Nos décideurs doivent investir davantage sur le suivi psychologique et multiplier les cellules d'écoute, dont l'impact positif sur la santé de l'individu n'est plus à prouver. D'ailleurs, depuis le début de cette expérience, nous avons reçu plusieurs retours positifs.
Pour le mot de la fin, que doit-on faire pour agir en amont pour préparer la population contre ce genre d'événements exceptionnels? La sensibilisation via les différents canaux médiatiques peut-elle jouer un rôle pour préparer psychologiquement les gens contre ce genre de catastrophes et leur offrir un bouclier contre les traumatismes sévères?
Tout ce qu'on entreprend est un choix de la société qui nécessite une prise de conscience générale. Au niveau du ministère de la Santé publique, il y a deux an, une Cellule d'assistance psychologique (CAP)-«Shocroom» a vu le jour sous le pilotage du Dr Anissa Bouaskri. Il faut rendre à César ce qui est à César, nous devons la mise en place de cette cellule d'écoute au Dr Bouaskri qui m'a contacté en personne et aux responsables de la direction régionale de la santé pour faire bouger les choses. En ce qui me concerne, je pense que la CAP doit être étoffée pour travailler tout au long de l'année en faisant des simulations. Je ne souhaite pas qu'il y ait une autre catastrophe, mais ça fait partie des aléas de la vie, surtout avec les changements climatiques. Et effectivement, nous devons aussi accorder une grande importance au volet médiatique pour faire un travail de psycho-éducation, voire des campagnes de psycho-sensibilisation au niveau de la population, des professionnels et des responsables impliquant des journalistes, des psychologues, des psychiatriques et des infirmiers. Enfin, il faut consolider et renforcer la culture de l'entraide et de la solidarité en collaboration avec la société civile qui a fait un excellent travail après les inondations du Cap Bon. Il faut aussi former les gens à faire face à ce genre de catastrophes via des simulations à grande échelle. Quand on est dans l'entraide et l'action, on est moins impacté psychologiquement.


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