La «Coalition tunisienne pour l'égalité dans l'héritage», composée de 80 associations et organisations de la société civile, a tenu, samedi, ses Assises dans le but de mettre en place une stratégie commune d'influence et de plaidoyer et en mutualisant ses efforts avec les acteurs de la société civile qui partagent les mêmes valeurs afin de peser de tout leur poids sur le processus législatif et sociétal. Le sujet divise mais la société civile féministe compte mettre toutes les chances de son côté afin de traduire dans la loi l'égalité consacrée par la Constitution de 2014 (article 21). Car une grande coalition pour l'égalité dans l'héritage s'est érigée, mobilisant près de 80 associations et organisations autour de cette revendication. Pour marquer le coup, cette coalition a organisé, le 20 octobre, les premières Assises de la société civile pour l'égalité dans l'héritage avec le but de construire une stratégie commune d'influence et de plaidoyer. Leur cible : les acteurs de la société civile qui partagent les mêmes valeurs. Leur tactique : mutualiser les ressources de tous pour peser de tout leur poids possible sur le processus législatif et sociétal. Un long travail de militantisme «Cette rencontre est un nouveau maillon dans une longue chaîne de militantisme alors que nos chemins se croisent avec beaucoup d'organisations. Nous n'avons pas cessé de placer haut la barre de nos revendications et de nombreuses institutions ont vu le jour. C'est alors que vient le rapport Colibe et beaucoup se sont mobilisés contre, et aujourd'hui nous sommes dans un moment d'attente alors que la loi sur l'égalité de l'héritage va entrer en débat. Notre but dans cela est de mettre tous les arguments devant tout le monde, les faire entrer dans tous les foyers, pour peser sur le processus», atteste Yosra Fraoues, présidente de l'Atfd. «La Colibe a réalisé un travail immense et nous la soutiendrons auprès des députés dans le cadre de notre coalition pour que cette loi passe, malgré la mosaïque des partis et les turbulences politiques actuelles», promet Jamel Mselmi, président de la Ltdh. «Nous sommes ici avec des femmes qui ont longtemps milité pour les droits des femmes et pour leur égalité avec les hommes. Notre réseau les accompagne dans les actions pour l'égalité, non seulement pour de nouveaux droits mais aussi pour traduire dans le concret les droits déjà acquis et dont certains tardent à se cristalliser dans la réalité. Nous devons poursuivre notre militantisme car les dangers ne sont pas finis», appelle Messaoud Romdhani, d'Euromed Droits. «Il est honteux d'entendre encore parler des responsables se féliciter de ce que nos acquis n'ont pas de pareil. Sur le terrain, l'égalité dans l'héritage subit les plus grandes inimités et nous avons milité pour nos droits alors que personne n'a braqué les projecteurs sur la déliquescence de nos droits économiques. En 2018, nous sommes encore à parler d'égalité de l'héritage alors que cela ne concerne essentiellement que les femmes rurales. Elles travaillent toute leur vie et elles n'ont de garant que leur père. A sa disparition, son frère prend tout et elle devient ainsi tributaire de son bon vouloir. Comment parler de droits alors que nous n'avons pas encore d'égalité économique entre les femmes et les hommes», interroge Feriel Charfeddine, présidente de Calam. «Les associations qui s'activent dans les régions intérieures comme l'Afturd sont mobilisées pour l'égalité de l'héritage. Elles sont en contact permanent des classes sociales modestes et savent que les plus grandes victimes du défaut d'égalité réel sont les femmes rurales. Seulement 4% des porteurs de projets agricoles sont des femmes, et dont seules 4% possèdent des titres de propriété de leurs terres !», regrette Salwa Kennou, présidente de l'Afturd. 20 arguments pour l'égalité Avec ses Assises, la Coalition annonce clairement vouloir enclencher une dynamique d'influence qui vise le législateur en premier lieu, mais aussi d'autres parties influentes sur le processus, surtout l'opinion publique dont la tendance pourrait peser sur la volonté politique et législative. Un comité de pilotage a été créé pour coordonner le travail des différents acteurs sur la base des 20 arguments dégagés pour l'égalité dans l'héritage : – Les femmes assument les mêmes rôles et responsabilités au sein des familles – Les familles investissent de même dans l'éducation des filles et des garçons – Les femmes assument la responsabilité familiale et parentale – Les femmes participent au budget de la famille et à son patrimoine – Les femmes s'engagent dans la solidarité intergénérationnelle – Les femmes sont compétentes pour gérer le patrimoine – Contribution du travail visible et invisible des femmes dans l'économie – Le patrimoine des femmes est profitable à la famille et au pays – Les femmes rurales sont majoritaires dans le travail, minoritaires dans la propriété – L'égalité dans l'héritage est positive socialement et économiquement – La transmission des biens par succession est le produit de l'histoire – En islam dans l'héritage, la règle a évolué en mesure de sa structuration – L'histoire nous apprend que la règle n'a pas toujours été sacralisée – Le réformisme musulman a donné une impulsion à l'égalité – L'engagement des intellectuels tunisiens en faveur de l'égalité – L'esprit du CSP a ancré l'égalité dans la société tunisienne – Des réformes ont touché aux règles d'héritage, premier pas vers l'égalité – Les apports de la jurisprudence en faveur de l'égalité – Les principes constitutionnels d'égalité – Des avancées par la ratification des conventions internationales et levée des réserves.