La «Délivrance» selon Haykel Rahali, c'est transgresser les tabous sociaux sur la scène d'El Teatro pendant 3 jours d'affilée. «Tanfissa» ou «Délivrance» redonne un souffle nouveau à un spectateur avide d'exprimer tout haut ce que la société vit tout bas. La 2e création de la 32e saison artistique à El Teatro a été présentée pour la première fois dans la nuit du 18 janvier 2018 devant un public de curieux venu découvrir l'une des dernières créations théâtrales de Haykel Rahali au titre révélateur. Un intitulé qui rime, à première vue, avec liberté, tabous, échappatoire… Une thématique assez récurrente qui alimente cette effervescence artistique tunisienne certes, mais dont le traitement diffère d'une œuvre à une autre. Pendant 60 minutes, les spectateurs assistent à divers tableaux scéniques, avec, comme fond sonore, une musique variée, tantôt contemporaine, tantôt théâtrale. Une troupe de protagonistes surgissent sur scène comme troublés, confus, hagards, aux prises avec des questionnements ou tentant de se situer dans un espace-temps qui leur est méconnu, étranger. Des personnages qui peuvent paraître aussi comme suspendus dans le temps, en attente, essayant de s'accrocher à des repères. Mouvements corporels et silences expressifs, qui précèdent un discours, qu'on peut ne pas saisir aisément au départ, mais grâce à sa tournure verbale — qui constitue le texte — l'auditoire se retrouve rapidement emporté par les répliques acerbes mais audacieuses, échangées au fur et à mesure. Le texte est en grande partie dérisoire : amplement maîtrisé par ses acteurs, il réussit à exprimer tout haut et explicitement leurs tourments : sentimentaux, sexuels, relationnels, sociaux parfois, existentiels. Leur existence menée d'une main de fer dans une société qui peut être libertine dans les coulisses mais qui demeure conservatrice en apparence. Une masse qui s'adonne à tout, mais qui ne parle et ne montre rien. La «Délivrance», selon son créateur, c'est de s'affranchir autant que possible du tabou dans une époque où même faire semblant de vivre librement peut être perçu comme un acte de résistance. Cette production El Teatro Studio & Association : Ahl el Fen, conçue en 2018 rassemble une nouvelle vague de jeunes acteurs comme Amine Ferah, Helmi Ben Ali, Ihsen Timoumi, Inès Ben Moussa, Molka Draoui, Sadok Bousnina et Wafa Memmi. La reprise de cette création théâtrale est prévue pour mai 2019. Entre-temps, Haykel Rahali, son metteur en scène présentera avec Naoufal Azara une création inédite intitulée «Le livre de facebook» du 21 au 24 novembre 2018, toujours sur la scène d'El Teatro.