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Pour le développement du cinéma documentaire de création en Tunisie (1)
On nous écrit
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 11 - 2018


Par Fethi Saidi(*)
Dans le contexte des changements politiques et culturels de la Tunisie d'aujourd'hui, la question du film documentaire doit intégrer le débat sur le rôle de la défense du pluralisme culturel et artistique. Elle représente un enjeu esthétique, social et politique majeur dans notre société.
Le documentaire n'a jamais été aussi exposé en Tunisie que lors de ces dernière années. ll a donné les signes d'un certain dynamisme et a commencé à trouver son public. De nombreux films documentaires ont été produits mais cet élan de création masque la grande précarité de leur fabrication. La multiplication des réalisations documentaires et l'engouement pour le genre n'autorisent pas à penser que le film documentaire tunisien a trouvé sa place sur le grand écran et dans le paysage médiatique. La réalité de la production demeure difficile et complexe. Les réalisateurs, les techniciens et les producteurs qui travaillent dans ces œuvres le font presque toujours dans des conditions matérielles très rudes. Malgré la multiplication du nombre de festivals et des chaînes de télévision, le film documentaire souffre à la fois de la pauvreté de ses conditions de production et de son exclusion des salles comme du petit écran. ll n'a toujours pas accédé à une place à part entière dans les trois disciplines essentielles qui conditionnent son développement : le financement, la diffusion et la formation. Dans le contexte des changements politiques et culturels de la Tunisie d'aujourd'hui, la question du film documentaire doit intégrer le débat sur le rôle de la défense du pluralisme culturel et artistique. Elle représente un enjeu esthétique, social et politique majeur dans notre société.
Les constats et suggestions qui suivent se veulent une contribution à la réflexion sur la situation actuelle et le devenir du documentaire de création en Tunisie. Nous essayerons de partir des connaissances, des expériences et des pratiques propres au contexte culturel tunisien pour tenter de contribuer à la réflexion sur les conditions juridiques, administratives et économiques de la production des œuvres documentaires. ll s'agit d'un appel adressé aux décideurs pour une prise de conscience de la situation de la création documentaire afin d'ouvrir un chantier d'études pour la mise en place d'une véritable aide publique pour développer ce cinéma. C'est aux institutions de tutelle, aux pouvoirs publics, aux auteurs, producteurs et diffuseurs de s'en saisir et de trouver des pistes pour donner au documentaire les chances de se développer et de lui permettre de trouver sa juste place dans l'univers audiovisuel tunisien.
C'est le film documentaire de création que nous essayons de mettre en exergue, en tant qu'œuvre patrimoniale. Parmi ses critères de définition, nous retenons essentiellement le regard singulier sur la vie et sur le monde qu'il développe et sa contribution à la construction de récits qui permettent d'appréhender, au-delà de l'actualité, les mouvements qui traversent et agitent la société. Le documentaire est le lieu d'expression de nouvelles formes narratives et visuelles, toujours aux prises avec le monde. ll fait appel à l'intelligence et à la sensibilité du spectateur et l'invite à prendre le temps de penser. Le film documentaire est une aventure pour son auteur, pour les personnes filmées comme pour celui qui le regarde. ll existe par la rencontre avec le téléspectateur et trouve son sens dans la volonté de dire quelque chose sur un monde de plus en plus complexe, de faire connaître, de partager et de faire évoluer les esprits. Pour ces raisons, il est souhaitable qu'une mention « documentaire de création» soit créée, spécifiant son caractère de cinéma d'auteur et définissant sa conception et son écriture en tant qu'œuvre traduisant le patrimoine culturel et artistique de la Tunisie
Quel financement pour le film documentaire de création ?
En Tunisie, nous sommes toujours face à des projets mal financés et des films mal ou pas diffusés. Beaucoup de documentaires n'ont pu voir le jour que grâce à des formes de débrouillardise, à la volonté d'un auteur dont l'énergie a pu aboutir généralement sans ou avec une très faible aide publique. Les quelques films documentaires créés sont rejetés hors du champ professionnel, dans les limites de I'autoproduction et des pratiques d'amateurs. Partout dans le monde où la production du cinéma documentaire est prospère, son économie provient presque essentiellement de l'argent public. ll nous paraît important de souligner le caractère déterminant de la participation financière d'institutions et de partenaires nationaux au développement du film documentaire. La recherche à tout prix pour conquérir des marchés étrangers pour garantir la rentabilité des productions ne semble pas avoir porté ses fruits en termes de quantité et de diversité de la création. Ce qui est posé comme enjeu, c'est la possibilité d'envisager une dynamique de production nationale en faveur du cinéma documentaire. Les éventualités d'ouverture au marché étranger émergeront par la suite, comme effet d'entraînement, suite à la résurgence d'une cinématographie innovatrice avec des potentialités tunisiennes multiples. Notons que, en plus de ces défaillances des aides publiques, nous manquons de producteurs indépendants courageux qui, par leurs participations aux créations de projets porteurs de valeurs culturelles, pourraient contribuer au développement du secteur.
Le mode actuel des aides à la production du documentaire ne bénéficie pas à la même hauteur que pour les films de fiction. ll devient urgent de bâtir une politique en faveur de ce cinéma et c'est au ministère de la Culture et au Centre national du cinéma et de l'image que revient la mission de mettre en place une nouvelle politique en faveur de I'encouragement de la production d'œuvres documentaires de création. Une réforme administrative est nécessaire pour construire une nouvelle réglementation qui spécifie les modes de financement public et privé du cinéma documentaire d'auteur tenant compte de la nature particulière de l'économie du genre. ll importe de réfléchir à un cadre juridique de développement du documentaire afin d'aider les projets en fonction de leur réalité spécifique et non de critères purement administratifs. Le mode de financement du cinéma actuel ne prend pas en compte la réalité des pratiques du documentaire. Il est nécessaire de mettre en place une structure autonome afin de soutenir le film documentaire de création, indépendamment du cinéma de fiction. Le processus d'écriture documentaire de création est fondé sur la rencontre, le repérage et de longs temps de préparation, de réalisation et de postproduction. Le soutien public devrait être adapté à cette réalité et prendre en compte les différentes phases nécessaires à la fabrication d'un film à travers des aides à l'écriture et au développement, à la production, et à la réalisation. ll conviendrait de créer un fonds d'aide à l'innovation et au développement du documentaire pour donner aux projets ambitieux la possibilité d'exister. Nous suggérons que le documentaire bénéficie d'une commission spécialisée composée de professionnels, dont la vocation consiste à se prononcer sur l'aide apportée aux projets et de vérifier leur appartenance au genre documentaire de création.
Des auteurs de films documentaires devraient systématiquement être représentés dans toutes les commissions d'aides sélectives. Des informations publiques doivent être apportées pour permettre une utilisation efficace et souple des mécanismes d'aide avec l'exigence d'une transparence dans la gestion des budgets et l'octroi des aides. Les futurs programmes d'aménagement administratif du territoire, prévus par la Constitution tunisienne, permettront très certainement de donner un espoir pour la naissance de nouvelles formes d'aides des autorités régionales en faveur du documentaire. C'est dans le cadre de la gestion des futures régions que la création de nouveaux dispositifs de soutien va pouvoir œuvrer à la «décentralisation» du documentaire, du cinéma comme des autres activités artistiques et culturelles en général, avec des retombées non négligeables en termes de qualité et de quantité.
Quelle place pour le film documentaire à la télévision ?
En parallèle à cette commission d'aide à la production, une structure de soutien à l'intégration du film documentaire dans les programmes de la télévision devra être instituée. Sa mission visera le développement de la production de films documentaires nationaux par des sociétés de production tunisiennes, destinés à être diffusés sur les chaînes de télévision tunisiennes. Elle permettra la mise en place de quotas d'œuvres d'expression originale tunisienne produites par la télévision. Dans le nouveau contexte de transformation du paysage audiovisuel tunisien d'aujourd'hui et avec la multiplication du nombre de chaînes, il est permis de se poser la question de la place accordée au film documentaire à la Télévision nationale. Celui-ci demeure exclu de la diffusion et de toute visibilité parce que nous sommes encore dépourvus d'une politique culturelle audacieuse capable de le rendre accessible à tous sur le petit écran et de permettre ainsi l'émergence d'un marché professionnel. Pourtant, nous savons que, grâce à la télévision, le documentaire peut passer d'un genre cinématographique minoritaire à un produit audiovisuel grand public en révélant des œuvres et des artistes. C'est aux chaînes du service public que revient une grande part de la mission d'encourager le développement d'une « culture documentaire»» et de défendre la production patrimoniale nationale. ll est impératif aujourd'hui de reconnaître le documentaire en tant qu'œuvre audiovisuelle et de I‘inscrire dans une loi obligeant les chaînes à la mise en place, dans leurs cahiers des charges, d'une case spécifique donnant accès au public à des créations originales. La télévision publique doit être le promoteur d'un service public en s'adressant au maximum de téléspectateurs en garantissant la présence permanente du documentaire dans les grilles des programmes. Les chaînes de télévision, dont la vocation est de satisfaire la demande du public, doivent participer incontestablement au financement de la production des films documentaires. Les financements provenant des chaînes de télévision pourront devenir le pilier de la production documentaire. Une réelle volonté politique en faveur de I ‘accès du grand public à la culture à travers la découverte des œuvres documentaires doit inciter les chaînes publiques à acheter les films ambitieux artistiquement. En achetant les films méritants, elles pourront garantir un cadre de financement stable et contribuer à l'essor du genre. La participation au financement peut se faire également par l'acquisition de films déjà produits ou en préachetant d'autres en cours de finition.
Un cahier des charges doit exiger des chaînes de participer à la coproduction de films documentaires en leur permettant de remplir cette mission de service public. Dans cette perspective, il est possible de concevoir un soutien de l'Etat aux chaînes nationales qui ont participé à la production de films documentaires de création et cela par le biais de conventions exigeant la fiabilité des projets et la qualité des œuvres. Cependant, la création de mécanismes de soutien de la télévision au profit du documentaire ne se fera pas sans déterminer la définition du «genre» documentaire visé. ll est important d'attirer I‘attention sur les risques de formatage lié à la recherche de I'audimat. Pour garantir la diversité documentaire dans l'espace public il est important d'affirmer la primauté du cinéma d'auteur et des œuvres singulières dans toutes démarches de partenariat de production.
Le film documentaire et les salles
En Tunisie, le documentaire souffre aussi bien de la pauvreté de ses conditions de production que de son exclusion des salles. En dehors des festivals et des manifestations consacrés au genre, les sorties en salles sont rares sinon totalement absentes. ll est difficile pour ces films de trouver un distributeur et très peu de documentaires ont une réelle vie en salles. De plus, le pays souffre de l'absence d'une communauté documentaire capable de mettre en valeur les œuvres de création et de créer des dynamiques au sein des réseaux de distribution.
Des aides à la distribution de films documentaires de création doivent êtres instaurées en collaboration avec des partenaires du réseau associatif pour soutenir le travail d'accompagnement à la diffusion. Des dispositifs doivent être mis en place afin d'inciter les salles de cinéma et les distributeurs à adopter des stratégies spécifiques d'exploitation susceptibles d'attirer les publics. lls cibleront des lieux de projection et accompagneront les rencontres avec les auteurs tout en misant sur la longue durée d'exposition des films.Les projections peuvent se dérouler dans les salles traditionnelles mais également dans les maisons de la culture, les maisons des jeunes et les bibliothèques. Ces structures pourraient disposer d'un budget propre consacré aux projections et à l'animation des débats. ll est indispensable d'inciter les distributeurs à programmer les films documentaires sur la durée afin de permettre aux plus innovants d'être vus par le plus grand nombre. Une programmation hebdomadaire ou mensuelle pourrait mettre en place des séances régulières reconnues des spectateurs. L'organisation des événements pourrait se faire en collaboration avec des réseaux associatifs mais également par l'intermédiaire d'une plateforme en ligne, favorisant les rencontres entre professionnels et amateurs.
Une salle pour le documentaire
ll devient souhaitable de réfléchir à la création d'une salle spécialisée dans le cinéma documentaire ayant comme mission de proposer un espace de diffusion des œuvres, de favoriser les rencontres d'auteurs avec le public et de pérenniser les savoirs, la réflexion et les pratiques en faveur de la mise en valeur des œuvres documentaires. Cet espace dédié au documentaire aura un large champ d'action et pourrait conquérir un public mixte et jeune pour être un lieu de liberté intellectuelle et d'innovation cinématographique. Dans ce cadre, il est nécessaire de mettre en place une collaboration avec les groupes associatifs du milieu du cinéma et les festivals à l'échelle nationale et internationale, et d'établir des partenariats pour l'animation des débats, la découverte d'œuvres singulières ou les reprises de films. Un projet de salle dédiée au cinéma documentaire doit également œuvrer en faveur de la mise en valeur du cinéma documentaire auprès des publics scolaires et l'intégrer dans des dispositifs et des programmes nationaux visant l'éducation à l'image. Dans le même espace, un dispositif pour le développement de la création, de la recherche et de l'expérimentation documentaire pourrait voir le jour. Peuvent s'ajouter à cette salle dédiée au documentaire, des lieux de rencontres, de réunions et des ateliers de réalisation dans un partenariat avec des acteurs du monde associatif et professionnel. ll est important de créer des liens entre les auteurs réalisateurs, l'équipe de programmation des films et les spectateurs. lnternet et les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle important dans l'établissement des liens entre le cinéma et les publics. Outre le fait qu'un film documentaire doit bénéficier d'une campagne d'affichage annonçant sa sortie nationale, la communication autour des films passera par la création de médias propres à la salle. Un site Internet permettra la publication d'articles sur les œuvres, d'héberger des contenus documentaires gratuits et des liens vers d'autres plateformes partenaires.
(A suivre)
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(*) Fondateur et Président de l'Association Cinéma Documentaire Tunisien
Directeur du Festival DocuMed Regards documentaires Méditerranéens
Directeur du Festival Premier Film documentaire Méditerranéen


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