L'intégration économique maghrébine reste encore une ambition bien qu'elle recèle d'importantes opportunités de croissance pour la région. Les services bancaires constituent un de ses piliers L'évolution des transactions commerciales ne dépasse pas 5% et les flux financiers entre les pays maghrébins se rapprochent de zéro La Tunisie a accueilli, hier, les participants au 16e Sommet bancaire maghrébin et à la 14e assemblée générale de l'Union des banques maghrébines, en présence de 180 banques et de cinq sociétés monétiques de la région. S'étalant sur deux jours, cette manifestation débattra des défis et perspectives pour les banques maghrébines, à la lumière des évolutions que connaît le secteur bancaire avec l'intégration des nouvelles technologies et leur rôle dans la création d'opportunités économiques entre les pays maghrébins. Pour Marouane Abbassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), l'intégration maghrébine reste très faible, coûtant 1 à 2 points de croissance à chaque pays maghrébin. D'ailleurs, l'évolution des transactions commerciales ne dépassent pas les 5%, alors que les flux financiers entre les pays maghrébins se rapprochent de zéro. Plusieurs défis se posent, selon M. Abbassi, à ces pays, surtout dans le contexte actuel de crise économique. Il a cité la mondialisation et les mutations économiques profondes au niveau mondial, le changement climatique, l'évolution des technologies nouvelles comme la FinTech et la Block Chain, qui exigent de nouveaux investissements et de nouvelles adaptations au marché. L'intégration ou plutôt la complémentarité économique pourrait être, d'après lui, une solution de sortie de crise. Opportunités aux jeunes Pour mieux appréhender cette complémentarité, le gouverneur de la BCT a affirmé qu'il est impératif de s'adapter aux nouvelles technologies et de donner plus d'opportunités aux jeunes, indiquant que le Startup Act, adopté cette année en Tunisie, sera un bon départ pour mieux saisir le potentiel d'une telle démarche. D'ailleurs, il a annoncé que la BCT publiera prochainement une circulaire permettant aux jeunes Tunisiens de créer leur startup, de faciliter le transfert des devises et de nouer des partenariats avec des jeunes Maghrébins. De même, il a précisé qu'il est primordial de réactiver le partenariat entre les banques maghrébines, à travers la Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur (Bmce). Une démarche qui se base sur le développement de quatre axes principaux, à savoir la FinTech, la finance islamique, la lutte contre le blanchiment et le terrorisme et l'inclusion financière. M. Abbassi a affirmé également que le développement de l'économie informelle est un phénomène répandu dans la région à cause du contexte économique difficile dans les pays de la zone. Ce qui requiert un effort supplémentaire des différents pays concernés pour créer des opportunités d'intégration de cette économie au circuit organisé. Front contre le marché parallèle Pour Abdelfatteh Sghaier Ghafar, président du conseil d'administration de l'Union des banques maghrébines, le constat est le même au sujet de la faible intégration maghrébine par rapport au potentiel existant. Il a affirmé que l'important est de développer les transactions commerciales, d'améliorer le cadre réglementaire et de renforcer les analyses stratégiques pour mesurer les opportunités existantes et réaliser la complémentarité économique souhaitée. En outre, il a souligné que le secteur des services bancaires connaît une évolution rapide, ce qui exige de mettre en place les bonnes stratégies pour mieux répondre aux besoins des clients. Il a indiqué que certaines nouvelles technologies comme la Block Chain ont révolutionné les bases du système économique et constituent des formes alternatives pour les transactions économiques. D'où la nécessaire adaptation des institutions financières pour rattraper les développements technologiques. M. Ghafar a ajouté qu'il est possible de pallier les faiblesses dans la complémentarité économique maghrébine à travers l'utilisation des technologies numériques, tout en respectant les normes internationales dans le domaine, surtout en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment et contre le terrorisme. Zone de libre-échange De son côté, l'expert Moncef Bouzzanouga Zammouri a précisé qu'il est impératif d'ouvrir les marchés maghrébins et d'offrir plus d'opportunités aux jeunes. Cela passe par la suppression des obstacles qui sont essentiellement législatifs. Il a évoqué la loi de change qui doit être modifiée pour faciliter les transactions monétaires et bancaires entre les pays maghrébins. M. Zammouri a souligné aussi l'importance de l'adaptation des banques aux importants changements survenus dans le monde au niveau technologique et réglementaire. En ce qui concerne le rôle de l'Union du Maghreb arabe (UMA), son secrétaire générale, Taieb Baccouche a estimé qu'il est urgent de coordonner les politiques monétaires, financières et douanières. Une démarche qui serait consacrée par la mise en place de la zone de libre-échange maghrébine et aussi par la modernisation du secteur bancaire. Cela requiert le renforcement des systèmes bancaires, du contrôle, de la compétitivité et de l'infrastructure du secteur. M. Baccouche a souligné l'importance de créer un marché commun qui faciliterait l'intégration maghrébine et aussi africaine. Reconstruction de la Libye : 150 milliards de dollars En termes d'opportunités, Jamel Tayeb Abdelmalek, président du Conseil d'administration de la Banque libyenne du commerce et du développement, a indiqué que le plan de reconstruction de la Libye est d'un intérêt capital pour les pays maghrébins. Cette reconstruction coûtera 150 milliards de dollars. «Les pays maghrébins devraient avoir la priorité pour les investissements à venir en Libye. Cela représente une opportunité certaine à saisir», a-t-il lancé. Une question qui représente un réel défi pour les entreprises maghrébines, selon M. Ghafar, les appelant à se doter des moyens techniques et des compétences nécessaires pour pouvoir saisir cette opportunité. «Nous appelons également les banques à être des partenaires des entreprises dans cette démarche. En tant qu'Union des banques maghrébines, nous allons étudier les possibilités de coordination entre les banques centrales et les banques commerciales pour faciliter cette démarche», a-t-il expliqué. En attendant, l'intégration maghrébine reste un rêve, subissant les aléas des tensions politiques dans les différents pays maghrébins. Un constat qui coûte cher en termes de croissance économique et de création d'opportunités pour les jeunes Maghrébins. Ce qui requiert des décideurs politiques une vision plus réaliste et moins égoïste vers l'avenir de cette zone économique de grande importance, et de saisir les défis présents et futurs auxquels elle est confrontée.