A mesure qu'approche la fin de la mission de l'Instance, on se demande comment les victimes seront indemnisées financièrement et si les caisses de l'Etat peuvent leur fournir les centaines de milliers de dinars qu'elles attendent L'Instance se prépare à affronter une sérieuse épreuve : donner satisfaction aux 65 mille victimes A moins de trois semaines de la publication par l'Instance vérité et dignité de son rapport définitif marquant la fin de sa missions et dévoilant surtout la liste officielle des victimes qui seront indemnisées matériellement, s'est posée, de nouveau, la question du Fonds de la dignité censé accorder les réparations financières aux ayants droit. Du côté de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), plus précisément au sein de la commission parlementaire des finances, le torchon brûle entre les députés nidaïstes et ceux représentant Ennahdha sur les centaines de millions de dinars que le fonds devrait accorder aux victimes de la répression et de la dictature dont l'IVD a déclaré les dossiers recevables. Les nidaïstes considèrent qu'il est temps de mettre un terme à une bavure commise par les membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) consistant en la création du Fonds de la dignité pour compenser matériellement des victimes des régimes Bourguiba, Ben Ali et aussi ceux s'estimant lésés par le gouvernement de la Troïka (comme les victimes de la chevrotine à Siliana en novembre 2012). Commençant par proposer l'annulation pure et simple du fonds en question, les députés nidaïstes de la commission ont changé de position pour exiger que les crédits (10 millions de dinars) qui seront consacrés au fonds dans le cadre de la loi de finances 2019 soient versés aux familles nécessiteuses, proposition qui est tombée lors du vote des membres de la commission puisque seuls les cinq députés nidaïstes ont voté pour, alors que les nahdhaouis ont rejeté la proposition, et que les députés représentant Machrou Tounès et la Coalition nationale ont préféré s'abstenir. Quant aux députés nahdhaouis membres de la commission des finances, ils ont axé leurs interventions sur la nécessité d'indemniser les victimes de la répression, dénonçant les tentatives menées par certaines parties qui «diabolisent la justice transitionnelle et font tout pour que les victimes soient privées des indemnisations auxquelles elles ont droit», comme l'a souligné le député nahdhaoui Mohamed Ben Salem devant les membres de la commission. Sauf que le bloc parlementaire nidaïste n'a pas accepté que ses deux proposition soient rejetées par la commission et a décidé de porter l'affaire devant le Tribunal administratif en y introduisant un pourvoi demandant l'annulation de la création du fonds appelé Fonds de la dignité et de la réhabilitation des victimes de la tyrannie créé en vertu de la loi de finances 2014 prévoyant l'indemnisation des victimes des violations et de la dictature. 65 mille dossiers avalisés par l'IVD Mais pourquoi est-on retourné à la polémique opposant l'IVD et les partis la soutenant à ceux qui considèrent que «les militants anti-Ben Ali et Bourguiba n'ont pas à monnayer leur action militante» ? La question s'impose à la faveur des décisions que l'Instance vérité et dignité se prépare à publier dans son rapport définitif et à dévoiler le nombre de victimes qui seront indemnisées financièrement. Et certaines sources annoncent que l'Instance a décidé d'accorder des indemnisations financières à quelque 65 mille victimes, ce qui correspond à quelques milliers de millions de dinars que les ressources du Fonds sont incapables de satisfaire. Et même si la majorité des députés, qu'ils appartiennent à la commission des finances ou non, sont favorables à ce que la justice transitionnelle suive son cours normal et que les victimes soient indemnisées équitablement et en tenant compte de la réalité des ressources de l'Etat, il est des révélations qui ne laissent personne indifférent comme celle avancée par Mongi Harbaoui, député nidaïste, qui assure : «90% des personnes qui seront indemnisées par le Fonds de dignité appartiennent au mouvement Ennahdha». Il ajoute : «Les victimes ont été définies sur la base d'un tri politique pour le compte d'une couleur politique particulière et d'un eul parti politique qui est le mouvement Ennahdha». Approche que partage le député du Front populaire Abdelmoneem Ben Anès qui considère qu'Ennahdha «cherche à limiter les indemnisations à ses adhérents exclusivement en profitant des ressources du Fonds en tant que récompenses financières à accorder aux nahdhaouis». En tout état de cause et au-delà de la polémique sur le Fonds d'indemnisation et sur l'identité de ceux qui en profiteront, la grande inconnue reste la réaction de ceux parmi les victimes qui n'accepteront pas les sommes d'argent qui leur seront accordées par la commission de dédommagement relevant de l'IVD. Du côté de l'Instance, on parle d'un barème et de critères qui serviront pour l'évaluation de l'indemnisation à encaisser. Mais allez faire comprendre à une victime que son dossier est évalué à 10 mille dinars alors que celui de son voisin l'est à cent ou deux cent mille dinars.