Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi reprennent les choses en main. Ils sauvent pour le moment Habib Essid et la coalition quadripartite Quand Béji Caïd Essebsi, président de la République et président fondateur de Nida Tounès, le parti vainqueur des législatives du 26 octobre 2014, et Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, le parti qui occupe la première place au sein du palais du Bardo (à la suite de l'éclatement de Nida en deux partis distincts) se rencontrent, il faut s'attendre à ce que la donne change sur la scène politique nationale, marquée tout au long de cette semaine par ce débat passionné et passionnant se résumant à la question suivante : Habib Essid va-t-il rester à la tête du gouvernement et la coalition à quatre têtes qui le soutient va-t-elle préserver sa composition ou se dirige-t-on vers une alliance se limitant à Nida Tounès et à Ennahdha ? La rencontre Essebsi-Ghannouchi du samedi 16 avril continue encore à faire couler beaucoup d'encre et à susciter les commentaires des analystes et des leaders des partis de l'opposition, plus particulièrement à propos de l'appel lancé par le président du parti nahdhaoui plaidant pour une amnistie générale et la création d'un fonds national d'indemnisation des victimes de la dictature. En plus clair, c'est le retour du projet de loi présidentiel relatif à la réconciliation économique relégué depuis quelques mois dans les tiroirs de l'Assemblée des représentants du peuple. La nouveauté, cette fois, est que les anciens hommes d'affaires accusés de corruption rendront à l'Etat son argent et reprendront leurs activités et, en même temps, les victimes de la dictature qui n'ont pas été indemnisées le seront comme ce fut le cas pour leurs camarades sous les deux gouvernements de la Troïka. Ghannouchi pouvait-il lancer son initiative sans recevoir auparavant l'aval du président Béji Caïd Essebsi ? Si pour le moment, personne ne peut donner la réponse idoine à cette question, l'analyse du déroulement des événements du côté des rapports gouvernement - Instance vérité et dignité montre que quelque chose est en train de se tramer dans le sens de faciliter la voie à la réconciliation économique comme le veut le président Caïd Essebsi, et à la réconciliation politique ainsi que le veut Rached Ghannouchi. Changement dans les relations gouvernement - IVD Hatem Euchi, ministre des Domaines de l'Etat à travers et des Affaires foncières, déclare: «L'Etat accepte que l'IVD, à travers sa commission d'arbitrage et de réconciliation, traite les dossiers des personnes suspectées de corruption financière». Pour le moment, la présidente de l'Instance vérité et dignité garde le silence. Un silence que Mongi Rahoui, député du Front populaire, trouve troublant et n'hésite pas à souligner que «Ben Sedrine ne va pas à contre-courant lorsqu'elle trouve son compte». Reste une nouvelle donne à laquelle personne n'accorde l'importance qu'elle mérite. Il s'agit du retour, par la force de la loi, de Zouheïr Makhlouf à son poste au sein de l'Instance vérité et dignité. Et Zouheïr Makhlouf de se faire remarquer dès le premier jour de son retour à l'IVD en annonçant que son remplacement par une autre personnalité en tant que vice-président de l'Instance «est non avenu» puisque décidé avant que le Tribunal administratif ne rende son jugement définitif. Sans extrapoler, on peut affirmer que Makhlouf ne restera pas les bras croisés et remuera ciel et terre pour recouvrer son poste de vice-président de l'Instance, ajoutant ainsi aux difficultés que rencontre l'IVD dans ses relations avec les associations de la société civile spécialisées en matière de justice transitionnelle. Jeudi dernier, dans un communiqué public, le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt), dirigé par le Dr Kamel Gharbi, candidat malheureux au conseil directoire de l'Instance nationale pour la prévention de la torture, «dénonce la décision de l'Instance de boycotter les activités du Réseau en signe de sanction à sa réaction stigmatisant le retard pris dans le processus de justice transitionnelle». Le Réseau ne s'est pas, en outre, contenté de déclarations dans la mesure où il a organisé un mouvement de protestation devant le siège de l'IVD. La rupture étant consommée entre l'IVD et le Rtjt, le Dr Kamel Gharbi réclame maintenant «l'association des ayants droit et des associations de la société civile à la mise en œuvre du processus de justice transitionnelle et un traitement rapide des dossiers des victimes». On revient ainsi à la case départ puisqu'on ne reconnaît plus au niveau de la société civile, à l'IVD l'exclusivité de traiter les dossiers des victimes. S'agit-il d'une tentative de couper l'herbe sous les pieds de Sihem Ben Sedrine et de l'obliger à s'aligner sur la nouvelle stratégie d'Ennahdha soutenu par son «allié Nida Tounès» ? Il est permis de poser cette question quand on sait que plusieurs associations de la société civile se proclamant indépendantes agissent généralement quand elles reçoivent «les ordres ou les conseils».