C'est certainement la plus discrète et la moins visible des organisations des Nations unies. Elle n'a pas de mandat politique précis, pas d'agenda, pas de vocation d'action exclusive. Et pourtant, c'est certainement une des plus actives sur le terrain. L'Unops serait, en quelque sorte, le bras opérationnel des autres agences des Nations unies. A partir de Tunis, où elle a ouvert un bureau en 2006, mais où elle a développé son action depuis la révolution, l'organisation couvre la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, la Libye, l'Egypte. L'Unops a pour rôle initial la mise en œuvre des projets des agences onusiennes. Puis, élargissant son action, l'organisation a eu mandat pour négocier avec les bailleurs de fonds, mais aussi pour travailler directement avec des gouvernements qui avaient des moyens limités et qui sollicitaient son soutien. Ses activités contribuent à soutenir les efforts humanitaires de développement ainsi que la consolidation de la paix et de la sécurité dans le monde. Elle a pour principal objectif la durabilité, objectif qu'elle s'attache à atteindre par la création d'emplois, le développement économique, le partage de connaissances, et la protection de l'environnement. Aujourd'hui, l'action de l'Unops se concentre sur trois pôles, à savoir la réhabilitation physique des infrastructures publiques, les achats publics et la gestion des projets complexes. Arrivé à Tunis en 2006, l'Unops avait pour première mission l'appui au Fida, Fonds international pour le développement agricole. Puis le Fida ayant décidé de son autonomie, l'Unops a choisi de s'investir dans une politique de développement pour la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, la Libye et l'Egypte. Cela dans une dynamique d'appui aux gouvernements, et toujours à leur demande. C'est en 2011, au lendemain de la révolution, que l'action de l'Unops en Tunisie prit de l'ampleur. A la demande du ministère de la Justice, on entama un programme d'appui à la réforme de la justice, le Paru, financé par l'UE. Une réhabilitation physique qui commença par la remise aux normes internationales du tribunal de Sfax, puis de ceux de Gabès et de Nabeul. On travailla également sur la réhabilitation des prisons de Sousse et de Nabeul, car ce n'est qu'à travers une bonne infrastructure que l'on peut assurer le respect des normes du traitement des prisonniers, les Règles Nelson Mandela Rules. La prison n'étant pas conçue comme un lieu de punition, mais de réhabilitation, ayant pour but de rendre les personnes meilleures. On leur permet donc d'avoir accès à des ateliers, des aires de jeux, des zones de prière…. Toujours dans le cadre de cette action, la gestion électronique des données a permis de numériser quelque 40.000 jugements de justice, offrant ainsi préservation et consultation aisée des documents. Autre programme géré par l'Unops, celui de la réforme sécuritaire en accompagnement du ministère de l'Intérieur : un financement de l'UE a permis la réhabilitation de certaines casernes, l'achat de matériels tels des scanners, et pour, la première fois en Tunisie, l'acquisition de laboratoires mobiles pour la police technique et scientifique. Dans un autre secteur, l'Unops soutient la réforme de l'éducation : réhabilitation de 11 écoles en partenariat avec l'Unicef, grâce à un financement italien. Construction de cantines scolaires en partenariat avec le PAM, toujours grâce à un financement italien. Création d'emplois, la priorité pour tous Un intérêt particulier est accordé à l'un des plus grands problèmes de la Tunisie : celui de la création d'emplois. Le PEV, plateforme pour l'emploi vert, finance des initiatives de jeunes créant des entreprises vertes. C'est ainsi qu'on a vu naître, dans la région de Bizerte, des projets de recyclage de plastique, ou encore de biscuits servant de tasse de café comestible. Une dizaine de micro- entreprises ont déjà été sélectionnées et bénéficieront de formations. Un focus particulier est mis sur la région de Sejnane où, depuis la révolution, pas une entreprise ne s'est installée, où l'on ne peut être que potière ou forestier, et où la pauvreté, l'éloignement, la marginalisation font le nid du terrorisme. Grâce à la dynamique de la PEV, des projets ont été présentés, retenus, accompagnés et financés par la BTS. Des success stories ont vu le jour. Celle d'un jeune qui fabrique des réseaux d'irrigation à partir de déchets plastiques. Ou encore de celui qui produit du combustible à partir de déchets forestiers. Et l'on parle de plus en plus de créer une zone industrielle à Sejnane. Une autre région suscite l'intérêt de l'Unops : celle de Mednine Tataouine où le chômage est en hausse, et l'économie informelle en constante progression. L'idée étant d'aider des jeunes à intégrer les structures formelles en créant des start-up. Un processus d'action est mis en place. L'Unops accompagne une idée pour la convertir en projet, puis en étudie la faisabilité. Une fois la sélection faite, elle accompagne l'élaboration du business plan. Le projet est alors soumis à une évaluation. S'il est retenu, on l'accompagne encore dans sa recherche de financements auprès des mécanismes habilités. A la condition sine qua non que le jeune participe au financement. Une trentaine de projets a déjà été agréée à l'issue de ce processus, essentiellement dans le domaine de l'agriculture, de l'agroalimentaire, ou du service. La Tunisie, un laboratoire Le domaine de la santé fait également partie des priorités de l'organisation. Des accords ont été signés avec le Fonds mondial de lutte contre le Sida, et l'Office national de la famille. Ces accords concernent l'équipement d'hôpitaux de jour, dispensaires et centres travaillant sur le VIH. Déléguer les achats à l'Unops assure un processus inattaquable de rigueur et de transparence, loin de toute tentation de corruption ou de malversation. Mais permet, également, grâce à un système d'achats groupés, de bénéficier de meilleures conditions. Dans ce bureau où 90% du personnel sont Tunisiens, où règne une parfaite parité, on privilégie le savoir-faire et les compétences tunisiennes, à condition, bien sûr, qu'elles répondent aux garanties exigées. Mais on sait aussi que c'est en Tunisie que l'organisation est la plus active dans la région. «C'est le pays de la région où nous avons le plus d'échanges et le plus de diversités d'interventions. Peut-être parce que la Tunisie est un laboratoire. Peut-être aussi parce que c'est aussi le pays où il est le plus facile d'avoir des contacts avec les autorités, où elles sont disponibles, connaissent leurs dossiers et ont les idées claires. Il y a beaucoup de potentiel. Bien sûr, c'est une phase transitionnelle qui demande patience et vigilance. Mais il faut être optimiste», conclut Maria Carmen Colliti