La ville — et le gouvernorat— de Tozeur ont fini l'année sur les notes gaies des festivités qui ont marqué la quarantième édition du Festival des oasis comme en écho aux détonations du bouquet de feux d'artifice qui, la première semaine de ce mois de décembre, a clôturé la première édition du Festival international du cinéma de Tozeur (Toiff). Mais —paradoxe qui reflète l'incohérence prévalant dans la gestion des affaires du pays— ces mêmes notes ont sonné comme un tocsin annonçant une tempête du désert soulevant vents de sable et de phosphate. Dans cette première partie, la lueur d'espoir émise par l'initiative de l'Association des amis du Jérid en vue de faire retrouver à la région sa vocation dans l'industrie cinématographique. Les événements, qui, ces jours derniers, secouent nombre de régions du pays, démontrent, une fois de plus, la singularité de la population du Jérid dans la manière de faire face aux aléas de la conjoncture économique et sociale. Ici, malgré la rudesse des conditions de la vie au quotidien, illustrée, entre autres, par la fermeture de plus des deux tiers du parc hôtelier de la région et ses répercutions désastreuses sur une chaîne d'activités liées au tourisme, unique «industrie» locale, pas de manifestations illégales, pas de pneus en flammes ni d'attaques des services publics. Le Toiff, un mirage ? Passifs, les Jéridis ? Pas du tout, répondent les connaisseurs de l'histoire de ce territoire par le passé ensanglanté par des jacqueries qui ont mis aux prises populations et autorités centrales iniques. Tout simplement, les gens, ici, préfèrent s'inscrire dans la proposition plutôt que dans la contestation. Et c'est à ce titre que l'Association des amis du Jérid (Amajd) a organisé la tenue, du 3 au 8 décembre dernier, de la première édition du Festival international du film de Tozeur (Toiff), dernier d'une série d'initiatives qu'elle a lancées ces dernières années pour promouvoir la région auprès de divers opérateurs économiques nationaux et étrangers. Le déroulement du Toiff et sa clôture n'ont eu droit qu'à quelques flashs dans certains médias qui ne semblent pas prendre très au sérieux l'ambition des organisateurs de la manifestation à vouloir faire du Jérid un futur rendez-vous international de grande envergure et pôle de développement pour l'industrie cinématographique. Rêve insensé que celui que caressent les promoteurs de cette entreprise? Mais Aboulkacem Chebbi n'exalte-t-il pas dans plus d'un poème les défis et les élans conquérants ? Certes, la participation étrangère à cette session a été moindre que ce qui avait été annoncé par suite de divers contretemps ; certes, les films projetés ne l'étaient pas en première vision ; certes, les prix ont été modiques. Mais, et en dépit de la modestie des moyens et des résultats, les organisateurs ont posé au cours de cette édition les jalons de l'évolution future. Les premiers jalons Ils ont réanimé parmi la population l'engouement pour le septième art et une vive curiosité pour le film tunisien. Par centaines, ils se sont pressés dans des espaces qui se sont révélés trop exigus pour assister par, exemple, à la projection de «Regarde-moi» (Fi aïnaya) ou «Weldi». Et, face à l'absence totale de salles de cinéma dans la région (les projections ont été effectuées dans les salles de conférences des hôtels encore en activité), les organisateurs se sont fixé pour objectif l'aménagement de la première salle dans un délai d'un ou deux ans. Ils ont semé les graines pour l'enracinement de la pratique cinématographique dans la région par l'organisation de masters class à l'intention des cinéastes amateurs animés par des professionnels venus de la capitale. Il s'agit de créer une pépinière locale pour les métiers du cinéma car, en direction de l'étranger, le Toiff se pose aussi en conquérant. Grâce à des complicités externes, une dizaine de prospecteurs de sites et de potentiels humains pour le tournage de grandes productions étrangères, les organisateurs se sont assuré la présence parmi les invités d'une dizaine d'agents de la célèbre agence Location Guide qui, une semaine durant, ont passé en revue les paysages et rencontré des professionnels du cinéma tunisien : cinéastes, acteurs et techniciens dans diverses branches. Venus d'Angleterre, d'Amérique et même d'Australie, de retour chez eux, ils vont inscrire tous les atouts qu'ils ont relevés pour les inscrire dans leurs bases de données qui sont LA référence pour tous les professionnels du cinéma à travers le monde. On devine les retombées que peut recueillir notre pays d'une telle présence sur cette plateforme. Et qui dit campagne de tournage dit toute une infrastructure qui va des figurants en passant les personnels artistiques et techniques ainsi que la logistique en matière d'accessoires, de séjours et de déplacement. En un mot, on parle d'un studio aux normes internationales, comme celui annoncé à la cérémonie de clôture du Toiff par Ridha Turki, pionnier de la production cinématographique en Tunisie. Sur une quarantaine d'hectares, du côté de la célèbre oasis de montagne de Chébika, à une cinquantaine de kilomètres au nord du chef-lieu, surgira une «ville cinématographique» comportant studios de tournage, résidences touristiques, parc d'attraction, etc. L'étude de ce projet ayant été finalisée, le promoteur s'attellera cette année au tour de table qui en assurera le financement et le lancement des premiers chantiers. Décor de tournage pour de nombreuses productions depuis le début du vingtième siècle, le Jérid est en voie de retrouver cette vocation grâce à l'opiniâtreté de la poignée de rêveurs impénitents qui ont osé se lancer ce défi et qui, de ce seul fait, méritent respect et encouragements. (A suivre)