La jeunesse tunisienne semble de plus en plus confrontée aux difficultés de l'heure et apeurée par l'incertitude de l'avenir, notamment avec la montée du chômage chez les jeunes diplômés de l'université et l'absence de perspectives à même de pouvoir sécuriser leur avenir. Un topo guère reluisant qui explique, à bien des égards, tous les dérapages de nos jeunes et surtout leur volonté de quitter le pays, quitte à mourir en pleine mer ou à partir en guerre. On n'évoquera plus les multiples cas de suicide que l'on a enregistrés dans toutes les régions du pays. La plupart de nos jeunes ont tourné le dos à l'Etat et estiment qu'ils n'ont plus rien attendre de lui. La vie est devenue tellement difficile que seul un départ à l'étranger pourrait bien les tranquilliser un tant soit peu. Du coup c'est soit la radicalisation, soit l'intégration des circuits du banditisme ou de la contrebande qui deviennent de plus en plus tentants pour nos jeunes, au demeurant déçus par le changement de décor dans le pays lequel, selon nombre d'entre eux, n'a profité qu'à une frange réduite de cette catégorie de la société, qu'il s'agisse d'étudiants appliqués et studieux , de jeunes médecins généralistes ou d'ingénieurs issus de nos meilleures écoles . Tous rechignent à rester dans le pays et ceux qui l'auront quitté ne reviendront jamais ou rarement au pays, excepté quelques jeunes diplômés en pharmacie envoyés dans certains pays comme la Roumanie par leurs parents eux-mêmes dans la profession et voulant passer le relais à leur progéniture Routine, chômage et monotonie Amir et deux de ses camarades de classe du lycée pilote du Kef, bacheliers en section technique en 2015, ont quitté le pays pour des études en Allemagne et juré de ne plus retourner au bercail, d'autant plus qu'ils se sont bien intégrés dans le pays d'accueil quelque temps après leur arrivée dans ces pays, jugés «des paradis» en comparaison avec ce qu'ils qualifient d'enfer national . Cette inquiétude est encore plus forte dans d'autres régions de l'intérieur, notamment dans les zones frontalières où l'emploi et les loisirs font défaut entraînant les jeunes dans la sphère de la routine et la monotonie moribonde qui revient dans l'expression quotidienne choquante : «Bistrot, dodo et pas de boulot», et poussant encore certains au suicide, à l'image d'un jeune diplômé de Sakiet Sidi Youssef qui s'est pendu, il y a quelque mois, après avoir désespéré de trouver un travail à même de lui garantir sa dignité , d'autant plus que les autorités lui ont promis un petit job provisoire qu'il n'aura jamais effectué sa vie durant. Il est mort pendu à un arbre, le jour du marché hebdomadaire de la ville. Le cas du journaliste- reporter d'une chaîne de télévision privée, Abderrazek Zorgui, mort immolé par le feu au cours de la semaine écoulée est aussi édifiant. Il a refusé l'injustice et la misère de la vie que la population endure à Kasserine et a trouvé la mort après avoir laissé un message dans lequel il dénonce l'inaction du gouvernement et les écarts de développement entre les régions. Au regard des disparités énormes qui caractérisent le paysage social et économique entre les régions côtières et les régions de l'intérieur, la grogne des jeunes issus de l'intérieur du pays est d'autant plus compréhensible qu'ils se sentent le plus souvent inférieurs à ceux qui vivent dans des régions où les opportunités d'emploi sont plus importantes. Le parcours du combattant Autre bémol : les jeunes désireux de monter des projets pour leur compte personnel rencontrent plusieurs obstacles d'ordre administratif. Ils sont obligés de fournir un tas de paperasses pour prétendre à un crédit auprès des banques ou des associations. Ces dernières exigent désormais des garanties ou un tuteur garant d'où les difficultés de réaliser un projet pour le compte personnel. Souvent les dossiers sont refusés pour des motifs inexpliqués ou pour manque de consistance et de fiabilité du projet, ce qui pousse de nombreux jeunes au désespoir et à l'addiction à l'alcool et aux drogues, mais aussi au recours à des pratiques illicites pour assurer un gain d'argent y compris le trafic de drogue ou autre. Il est temps que ces cris de détresse parviennent au gouvernement qui doit être conscient des risques de dérapage de notre jeunesse et de l'importance qu'il y a de mettre en place des mécanismes d'insertion pour les jeunes afin de faciliter leur intégration dans les circuits socioéconomiques en les encourageant notamment à se lancer dans l'initiative privée qui est encore timide chez la plupart de nos jeunes.