Les récentes statistiques de l'Institut tunisien de la statistique concernant le taux élevé de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur ne sont guère rassurantes. Ce taux est de 29,3%, d'après l'enquête réalisée par l'Its au cours du premier trimestre de 2018 Les projets et programmes émanant de parties gouvernementales en partenariat avec la société civile, en vue de créer des passerelles entre l'université et le monde du travail et celui du marché de l'emploi pour absorber, un tant soit peu, le taux de chômage qui ne cesse de grimper dans le milieu des diplômés, n'ont réussi que d'une matière relative à la réduction du hiatus entre ces deux mondes. Aujourd'hui, plusieurs questions inquiètent la quasi-totalité des chômeurs diplômés: A quoi sert un diplôme, quelles sont les alternatives et constitue-t-il encore un élément de l'ascenseur social ? Université et marché de l'emploi, le grand gouffre Les causes de l'échec sont multiples et ce phénomène ne touche pas que la Tunisie. Inadéquation entre la formation et l'emploi et entre l'enseignement et le marché de l'emploi, une conjoncture économique difficile par laquelle passe le pays depuis la révolution, les marchés de l'emploi hors de nos frontières qui offrent des conditions défiant toute concurrence, et surtout un système d'enseignement qui a besoin de réformes de fond en comble. Ceci explique par ailleurs le plan stratégique de la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique 2015-2025, qui a été mise en place et qui vise, entre autres objectifs, le renforcement du partenariat Université/Monde socioéconomique. Les récentes statistiques de l'Institut tunisien de la statistique concernant le taux élevé de chômage des diplômés ne sont guère rassurantes. Ce taux est de 29,3% d'après l'enquête réalisée par l'Its au cours du premier trimestre de 2018. Un grand défi à relever pour les années à venir d'autant plus que les nouveaux étudiants ou diplômés ne veulent plus rester dans le pays pour les raisons que d'aucuns n'ignorent. On préfère continuer ses études dans les pays européens pour accroître ses chances de trouver un travail digne des sacrifices consentis durant tout le cursus universitaire. Avec plus de 15 mille étudiants tunisiens, la France est la première destination des étudiants tunisiens qui souhaitent poursuivre une partie ou toutes leurs études à l'étranger, selon l'organisation Campus France. Mais aujourd'hui, d'autres destinations commencent à concurrencer ce pays, à commencer par l'Allemagne, le Canada et les pays du Golfe. Techniciens supérieurs, informaticiens, enseignants universitaires, médecins spécialistes, ingénieurs et autres diplômés en chômage scrutent désespérément le marché local de l'emploi et consultent de près les rares annonces publiées sur le site officiel de l'Agence tunisienne de coopération technique au profit des pays du Golfe. D'autres ont plus de chances et sont recrutés par les bureaux des chasseurs de tête pour le compte de sociétés installées à l'étranger avec des conditions avantageuses défiant toute concurrence. Ainsi, tout le monde est en train de tirer profit des compétences tunisiennes excepté la Tunisie qui se vide inexorablement de ses compétences en raison de ce grand gouffre qui ne cesse de créer une scission entre les deux mondes de l'université et de l'emploi à telle enseigne que certains nouveaux diplômés se trouvent désorientés au terme de leur cursus universitaire. Tuned, un projet prometteur Mais en dépit de tous ces facteurs, il faut s'inscrire tout d'abord dans la positivité et reconnaître les lacunes d'un système éducatif qui a montré ses limites en termes d'employabilité, d'où cette inéluctable nécessité de le réformer en profondeur en vue d'envisager des passerelles entre le monde de l'enseignement et celui de l'emploi et créer les mécanismes de partenariat entre les universités et l'environnement socioéconomique. C'est dans ce contexte de rapprochement que le projet Tuned (Réseau tunisien pour l'employabilité et le développement des compétences des diplômés) d'une durée de 3 ans, de 2016 à 2019 a été mis au point. Ce projet est cofinancé par le programme Erasmus+ de l'Union européenne et vise le renforcement des capacités tunisiennes en transférant les bonnes pratiques européennes en matière d'employabilité et de suivi des performances universitaires, l'accroissement de la responsabilisation des Universités tunisiennes, le renforcement des liens entre universités et marchés de l'emploi. Parmi les autres objectifs généraux de ce projet c'est d'accompagner le programme de réforme de l'enseignement supérieur 2015-2025 qui ambitionne d'améliorer la qualité de la formation universitaire en fonction des standards internationaux et l'employabilité des diplômés. La question de ce partenariat a été débattue lors d'une conférence organisée à Tunis, mercredi 9 janvier, sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique(Mesrs) sous l'intitulé «formation et employabilité des diplômés de l'enseignement supérieur: quels mécanismes de partenariat entre Universités et environnement socioéconomique» avec la participation de plusieurs représentants du Mesrs, de différentes entreprises et sociétés, ainsi que des présidents et des vice-présidents des universités, des membres du bureau exécutif de la Conect. Un grand moment de rencontre entre les entreprises et les universités pour établir le lien entre l'offre et la demande de façon à booster l'employabilité des diplômés en Tunisie, selon le coordinateur du projet Tuned, Enrico Dongiovanni. Des universités tunisiennes (Monastir, Jendouba, Gabès, Gafsa, Tunis, Sfax, Carthage, Kairouan,Sousse) et étrangères (Consortium Inter-universitaire AlmaLaurea en tant que coordinateur de ce projet, université de Grenade en Espagne, université de Chypre, université de Naples Federico II, Union des universités de la Méditerranée) sont associées à ce projet avec l'appui du Mesrs. Rompre le cloisonnement De son côté, Samir Srairi, directeur du Bureau des études de la planification et de la programmation au sein du Mesrs, nous a déclaré que ce projet a mis en place une plate-forme web (www.tuned.rnu.tn) qui va établir le lien entre les demandes des étudiants et l'offre des entreprises. Les étudiants sont appelés à s'enregistrer dans cette plate-forme et les CV sont certifiés et validés par les universités d'appartenance des diplômés. Par ailleurs, plus de 22.000 étudiants et 71 entreprises se sont enregistrés jusqu'à ce jour dans la base de données de la plateforme. L'objectif est d'aller encore plus vers les entreprises en vue de raffermir les liens entre l'université et le monde professionnel avant et après la diplomation et voir de plus près les expériences des entreprises dans le cadre de cet échange entreprise-Université dans le but de disséminer cette culture de coopération et rompre le cloisonnement entre ces deux sphères par le biais de mécanismes sophistiquées de partenariat. Le projet Tuned ne concerne, pour le moment, que les universités publiques, a révélé Samir Srairi, directeur du Bureau des études de la planification et de la programmation au sein du Mesrs. Il a souligné, toutefois, que ce projet pourrait éventuellement impliquer les universités du secteur privé dans le cadre des objectifs du plan stratégique de la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. S'il est vrai que ce projet est prometteur à plus d'un titre, la totale adhésion des entreprises à ces efforts d'inclusion dans le monde socioprofessionnel n'est pas garantie pour autant. Ce projet a débuté en 2014 sous une autre appellation Projet-Islah avec seulement quatre universités et s'est terminé en 2015 par une réussite, selon M. Samir Srairi, qui n'a pas hésité à signaler le manque d'inscription des entreprises dans le cadre du projet Islah. «Aujourd'hui, le nombre des universités tunisiennes s'élève à dix, la plateforme existe déjà et bientôt on va procéder à l'enquête d'évaluation de ce projet», selon le représentant du Mesrs.