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«Ce que je sais d'elle d'un simple regard*»
Entretien du lundi avec Jalila Baccar (Comédienne et auteure)
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 02 - 2019

Toujours la même fouge, toujours la même passion qui l'habite, ce même regard pétillant et ce large sourire aux lèvres qui cache aussi toute la sensibilité de l'artiste qu'elle est depuis plus de 40 ans et peut-être même plus. Jalila Baccar, la comédienne, l'auteure, a porté les rêves et les espoirs de plus d'une génération. Un parcours théâtral qui la distingue de tous par ses choix, une trajectoire qui a fait d'elle une muse, une complice, une figure et un totem d'un nouveau théâtre qui creusait un sentier dans les voies de la création. Rencontrer Jalila Baccar, est une immersion dans sa pensée, dans sa vision du monde, sa manière de voir les choses, de s'indigner et de dénoncer… Entretien.
Madame M., mise en scène par Essia Jaïbi, c'est bien une première pour vous de jouer sans Fadhel Jaïbi ?
Oui, tout à fait, , sauf un seul travail El Jazia al Hylalia à la Troupe de Gafsa. Je peux aussi dire «A la recherche de Aïda» que j'avais commencée seule mais très vite je me suis rendu compte que j'avais besoin d'un regard extérieur et j'ai fait appel à lui. Sinon, jamais sans Fadhel, c'est une complicité qui s'est créée au fil du temps, du travail et de la vie. Entre la scène et l'écriture est une manière de travailler et de fonctionner ensemble.
Voici donc une première, de plus, sous la direction de votre fille…
J'ai toujours su que Essia avait un monde particulier et que, artistiquement, ça bouillonnait d'idées. Je la voyais commencer à toucher un univers qui lui est propre avec «la nuit des étoiles», «Ephémères», «Moi plusieurs» avec Majd Mastoura, des performances dans le cadre de «Choftouhonna». Je savais qu'elle avait une idée intéressante et j'étais partante. Elle a choisi son groupe, moi y comprise, et je me suis lancée dans son monde.
Maintenant que la première en a été donnée, quel regard posez-vous sur cette aventure ?
J'ai vécu «Madame M.» pas du tout comme un défi mais plutôt comme un bain de jouvence. Déjà, avec Essia, je n'avais que la responsabilité de mon rôle, le reste on le portait tous ensemble et on allait vite vers l'essentiel, sans fioritures. J'avais peur de la bi-frontalité mais Essia y tenait. Mais je me suis rendu compte que c'était des angoisses inutiles et je me suis laissée aller à cet imaginaire qui est le sien.
Il n'y a pas eu de moments de doute où vous vous n'êtes pas sentie dans votre élément ?
Les moments de doute sont légitimes mais on se les partageait ensemble. Vous savez, avec plus de 40 ans de métier, j'ai mes références, mes tics, mes repères mais le rapport avec ces jeunes comédiens était tellement enrichissant, ils apportaient une dynamique différente, une telle fraîcheur qui remettait tout en question. Pour la mise en scène, la vision était claire et précise…Essia je l'ai découverte ou plutôt, ce que je connaissais d'elle était devenu concret devant moi. Le spectacle était quelque chose de très fort et j'étais heureuse de voir du bonheur dans les yeux des spectateurs.
N'avez-vous pas eu peur de la transposition du thème de la pièce sur votre relation avec votre fille ?
Le thème du spectacle est la mère castratrice, dure et autoritaire, tous les jeunes (y compris les comédiens) avaient besoin, tous, de faire ce procès de la famille, de la matrice, du père absent… Essia a su ramasser tout cela, partager le ressenti de ces comédiens et elle a fait preuve de générosité en partageant l'histoire, la scène et sa maman.
Le contact avec de jeunes comédiens, que vous procure-t-il ?
La nouvelle génération a une vision différente et très intéressante et cela se voit dans les travaux qui nous ont réunis avec plus d'une génération dans le renouveau d'une forme de continuité sereine. Me concernant, je suis tout le temps entourée de jeunes depuis «Les amoureux du café désert» même si le décalage n'était pas énorme à l'époque. Et à chaque nouvelle expérience, une nouvelle équipe jeune intègre le groupe et avec elle un souffle nouveau et une manière de voir les choses. Nous, de l'intérieur, nous voyons le processus, la dynamique qui s'installe, l'idée qui prend forme. Et même si, sommairement, les problèmes de la vingtaine sont plus au moins les mêmes, à chaque époque, s'y ajoute une nouvelle donne. Mais selon ma vision, il y a une constante : ils veulent tous s'accrocher à quelque chose, à un rêve. Etre jeune, c'est avoir le temps de se projeter dans l'avenir et aspirer à réaliser ses rêves
L'artiste, pour vous, a-t-il su garder son rôle d'éclaireur ?
Les sujets s'imposent à nous, rien qu'en s'asseyant dans un café et voir les gens passer, le déplacement dans la rue, la posture, la manière de se tenir, de se parler, de se regarder… tout cela raconte des choses sur notre malaise, notre relation avec l'autre, avec soi, avec la différence, le handicap… mais je pense que nous avons oublié de regarder les choses en face. Ce regard critique, c'est le théâtre qui nous l'apprend d'une manière forte, et je trouve pitoyable que les politiciens et les responsables n'accordent pas de temps pour regarder les choses en face. Eux qui n'arrêtent pas de ruer dans les brancards, à balancer des discours et à courir les plateaux télé pour nous vendre de la parlotte, comment peuvent-ils trouver le temps de poser un regard sur la société, sur la rue, sur les souffrances réelles, sur les enfants… s'ils avaient le temps pour regarder, ils se seraient rendu compte que toute une génération est, hélas, perdue et que seuls les enfants restent à sauver pour reconstruire le pays.
Vous en faites un amer constat ?
Plein de choses m'exaspèrent qui peuvent être insignifiantes au regard des autres mais, pour moi, il n'y rien de plus insultant pour notre métier que quand, par exemple, les médias utilisent des expressions relatives au théâtre pour décrire des choses négatives dans la vie politique du genre «une mauvaise mise en scène» ou «une mauvaise prestation théâtrale». C'est à se demander pourquoi on rabaisse les arts en les associant à ce qui est faux, mauvais et minable.
Et je me demande : Qui fait les grilles des programmes? Qui décide de la tendance? Qui décide du contenu ? Qui décide de ce qui est du goût du public et de ce qui ne l'est pas ? comme s'il n'y avait qu'un seul public… quelles valeurs véhicule-t-on dans les télés, du matin au soir, sans aucune vision, sans contrôle, sans filtre, sans sens de la responsabilité. Le «Wahabisme» n'est pas que politique et religieux, pour moi il est profondément culturel, un projet qui vise la standardisation des esprits, qui vide les peuples du sens critique, qui fragilise les âmes, qui encourage le suivisme et détruit des valeurs universelles comme l'acceptation de l'autre dans sa différence, la critique et le débat.
Pensez-vous que la culture pourrait-elle offrir un contre projet ?
Un film comme «Subitex» de Nasereddine Shili est pour moi un film qui démasque l'hypocrisie sociale, rompt avec cette devise qui dit «vertu publique, vice caché», et donne un coup de pied dans la fourmilière. C'est dans la détresse la plus totale qu'il va vers l'humain. Ce genre d'œuvre me donne un coup de poing comme c'était le cas pour moi, avec le livre de Nejia Zemni pour «Jounoun». Ce genre de regard posé sur le monde et sur l'humain me rassure qu'encore tout est possible. Et je me demande pourquoi le service public ne diffuse pas ce genre d'œuvre, pourquoi un seul son de cloche persiste et conditionne le paysage dans lequel nous vivons.
Quel espoir portez-vous malgré tout ?
Quand j'étais gamine, après l'indépendance, les choses ressemblaient un peu à ce que nous vivons aujourd'hui, mais j'ai assisté à une réelle volonté de construire que je ne vois pas aujourd'hui. Ma génération avait un rêve magnifique pour ce pays que je croyais pouvoir vivre. Aujourd'hui, je suis convaincue que je ne verrai pas la Tunisie dont j'ai rêvé mais j'ai espoir que ce rêve sera réalisé, vu et vécu par nos enfants, peut-être même par nos petits-enfants.
*Titre emprunté du film de Rodrigo Garcia


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