L'Agence nationale de la promotion de la recherche scientifique (Anpr), en collaboration avec l'Unité de recherche «signaux et système», l'Association «Enit Lamsin» ainsi que l'Association tunisienne pour la promotion de la science, de la technologie et de l'innovation (Taasti), a organisé, les 22 et 23 février, le premier forum tunisien sur la politique de la science, de l'innovation et de la technologie. L'événement a eu lieu au sein du siège de l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) à Tunis. Cette première édition a été l'occasion pour d'éminents chercheurs, experts et spécialistes dans le domaine de la recherche et de l'innovation de se regrouper, non pas autour d'un sujet à discuter, mais d'une priorité à instaurer et à servir. La Tunisie se trouve, en effet, face à un choix d'obligation, celui d'intégrer la recherche dans la politique nationale multisectorielle. Le contexte l'exige : il faut miser, désormais, sur les compétences tunisiennes afin de hisser le rendement de l'écosystème économique et de permettre aux Tunisiens de tirer profit des résultats de la recherche. La recherche fédérée, fondée sur l'interaction évidente et logique entre les résultats d'une avancée technologique et d'une recherche scientifique répondant, parfaitement, aux exigences socio-économiques et allant de pair avec les priorités stratégiques nationales constitue la carte gagnante sur laquelle il convient de parier. La recherche fédérée constitue, en effet, un projet vital, visant la modification salvatrice du système national de l'innovation afin qu'il devienne un vecteur essentiel au développement. Le projet étant établi, en 2002, par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, s'inscrit dans le cadre de l'instauration d'une plateforme de recherche et de formation portant sur l'écosystème de l'innovation mais aussi sur les politiques publiques contextualisées. Rassemblement salutaire Il faut dire que le contexte national est plus qu'épineux, car placé sous le signe de la crise socio-économique, du flou politique, de l'incapacité à planifier des programmes stratégiques à moyen et à long termes, et donc dans l'incapacité de trouver des solutions radicales aux divers problèmes socioéconomiques. A défaut d'une vision prospective et clairvoyante et d'une valorisation du potentiel tunisien en matière de science, de technologie et d'innovation, opter pour la recherche fédérée devient une obligation. L'heure est au rassemblement salutaire de toutes les parties prenantes et de tous les acteurs pour soutenir les compétences tunisiennes et savoir tirer profit de leur travail de pointe pour optimiser au mieux l'écosystème socioéconomique et développemental. Aussi, les académiciens, les responsables des institutions nationales et gouvernementales ainsi que les professionnels de l'industrie sont-ils les principaux acteurs de cette alternative prometteuse. C'est à eux de savoir œuvrer en harmonie afin que la recherche fédérée puisse être, désormais, inhérente à l'écosystème socio-économique. Ouvrant le Forum, M. Khalil Amiri, secrétaire d'Etat chargé de la recherche scientifique, a appelé à l'exploitation bénéfique du potentiel tunisien. Pour lui, s'approprier la recherche fédérée s'avère être essentiel pour que la technologie et l'innovation deviennent, réellement, les vecteurs incontournables au développement. Il a rappelé que la Tunisie se penche, actuellement, sur l'initiation à la spécialisation intelligente, laquelle représente une expérience européenne qui ne cesse de prouver son efficience à travers le monde. Le financement compétitif : une obligation, un défi S'agissant des projets à la fois innovants et répondant aux priorités nationales, il a indiqué que seul le financement compétitif serait adapté auxdits projets. «Il faut apprendre à piloter les projets de financement compétitifs en se basant sur des données actualisées et scientifiques», a-t-il souligné. Le financement compétitif consiste, en effet, à lancer des appels aux projets innovants et à même de garantir la synergie de tout un écosystème tout en s'alignant parmi les stratégies nationales. Créer cette synergie entre les différents acteurs acquiert en complexité d'où la nécessité pour tous les intervenants d'apprendre à travailler et à gérer, ensemble, cette complexité. «C'est un défi que la Tunisie se doit de relever ! Faute d'innovation, de recherche et de technologie, nous ne pourrons jamais atteindre le progrès escompté. D'ailleurs, d'ici 2050, le monde sera divisé en deux clans : les pays hyper-développés et les pays marchant à reculons. Il s'agit, pour, non pas d'un choix aléatoire, mais d'une question vitale», a-t-il souligné. Et d'ajouter que la Tunisie dispose d'un emplacement géographique stratégique en Afrique dont elle doit tirer profit, aussi bien dans le domaine de la santé, de l'industrie, des services que dans le domaine de l'enseignement. «Il faut décrocher notre place et sensibiliser l'opinion publique à cet effet», a-t-il ajouté. 0,66% du PIB destinés à la recherche et à l'innovation ! Prenant la parole à son tour, M. Abderraouf Ben Fekih, directeur des programmes nationaux de recherche au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a parlé du projet de la recherche fédérée. Il a rappelé, d'emblée, que la Tunisie dispose de 607 structures de recherches dont 65% sont des laboratoires de recherche et 35% des unités de recherche. 75% desdites structures sont rattachées aux universités. Le nombre des chercheurs s'élève à 24.100 dont 52% sont des doctorants. Face à ce potentiel, le budget alloué à la recherche n'excède pas les 0,66% du PIB dont 95% sont destinés au secteur public. L'objectif à l'horizon 2022 étant de hisser ce budget à 1% du PIB. Revenant au Projet de recherche fédérée, il a rappelé qu'il figure parmi les principales recommandations, tirées des Assises nationales de mise en œuvre de la réforme de l'enseignement supérieur, lesquelles ont été tenues en 2017. Etablir «un financement public complémentaire sur la base de fonds compétitifs» a été à l'origine de ce projet. Les fonds compétitifs promettent, en effet, un appui aussi bien financier que logistique aux projets de recherche et de développement. D'un autre côté, l'augmentation de la part de financement concurrentiel par rapport au financement récurrent sert, nécessairement, les projets de recherche fédérée. Ces derniers constituent, alors, les mécanismes de financement compétitif des projets de recherche et de développement. Depuis son lancement en 2002, ce projet exige des critères bien définis, dont «la clarté des objectifs, la pertinence des problématiques, le caractère novateur et applicable de la recherche, la faisabilité et la pertinence scientifique, la capacité de répondre aux enjeux de la recherche, la qualité des équipes et de la collaboration, l'implication des partenaires socioéconomiques, l'adéquation moyens/objectifs, l'infaillible impact scientifique et socioéconomique ainsi que la capacité de transfert». Le financement est garanti sur une durée de trois ans. Les projets financés seront soumis à un suivi et une évaluation à trois reprises, notamment à la phase initiale, à mi-parcours et à la phase finale. Recherche fédérée : résultats et continuité L'orateur a passé en revue les différentes étapes du projet. En effet, depuis 2002 et jusqu'à 2013, une vingtaine de projets innovants ont été accomplis. Ils portaient sur sept programmes thématiques. Leur réalisation avait impliqué 106 structures de recherche et mobilisé 53 partenaires socioéconomiques. L'enveloppe ayant été allouée à ces projets était de l'ordre de 10,3MD. En se basant sur les données arrêtées en 2017 et portant sur les projets en cours depuis 2014 lesquels seront parachevés en 2020, l'on note un taux d'acceptation de 10%. Quelque 12 projets ont été acceptés et 100% financés. Le budget total réservé aux années 2018, 2019 et 2020 est de l'ordre de 4,5MD. Depuis, les chiffres sont montés d'un cran : l'on compte 22 projets acceptés et en cours d'exécution, mobilisant 108 structures de recherche et touchant à cinq programmes thématiques. Ils impliquent 55 partenaires socioéconomiques et bénéficient d'un financement total de 12,4MD. Pour la présente année, M. Ben Fekih a indiqué que quelque 85 projets sont soumis à l'évaluation initiale. Ils toucheraient à cinq domaines de priorité, notamment la sécurité alimentaire, énergétique et hydrique ; la santé ; l'économie circulaire ; la transition numérique et industrielle ainsi que la jeunesse, la culture et l'éducation. Ils nécessiteraient l'implication de pas moins de 282 structures de recherches et 167 partenaires socioéconomique. Le financement de ces projets serait aux alentours de 38,5MD. Et d'ajouter que le ministère de tutelle avait signé, en 2018, une convention de partenariat avec l'Inlucc pour la mise en œuvre d'un projet de recherche fédérée ayant pour objectif : «Lutte contre la corruption : causes, expressions et méthodes de prévention 2018/2020». Le coût du projet s'élève à 1MD. Il sera cofinancé par les deux partenaires et géré par l'Anpr.