«Catharsis», une exposition regroupant l'ensemble des photographies de l'artiste photographe Kais Ben Farhat qui vient de décrocher le prix de l'association Chokri-Belaïd pour l'art et la créativité. Les images s'égrènent sur les murs de la Galerie Aire Libre d'El Teatro, construisant des ambiances intimes et mystérieuses. Elles fonctionnent comme les pages d'un journal intime visuel, construit au fur et à mesure des expériences vécues, des émotions ressenties et des bouleversements expérimentés par l'artiste-photographe Kais Ben Farhat qui vient récemment de décrocher le prix de l'association Chokri-Belaïd pour l'art et la créativité. Diplômé en photo (Académie d'Art de Carthage 2009), le jeune photographe multipliait les stages et les workshops avec de grands professionnels consolidant sa formation, ce qui lui permettait d'exercer le travail de reporter freelance et de collaborer avec plusieurs magazines et entreprises. Il a été primé dans plusieurs concours photo (Canon 2008 — 2e prix —, Beit El Bennani 2017 — 3e prix — , Art Chok 2019 — 1er prix). Ben Farhat a pris part dans plusieurs expositions de groupe et des rencontres depuis 2008. Le photographe est aussi poète et participe régulièrement au Club de Poésie francophone de l'Espace Carmen, nous apprend Mahmoud Chalbi, Mach, l'artiste et directeur de la Galerie Aire Libre d'El Teatro dans son texte de présentation. L'œuvre photographique de Kais peut se lire à la lumière d'un vécu personnel marqué par la complexité et le mystère de son mal-être, de sa sensibilité poussée aux extrêmes, de sa détresse psychique. D'après son psychothérapeute Dr Houssem Louiz, «Dans Catharsis, Kais revient sur les traumatismes de sa maladie, l'angoisse, le vide, la mélancolie et l'isolement. Oui la souffrance est traumatisante. Mais Kais réécrit cette histoire à travers un nouveau regard. Il réinvite ses états d'âme morbides dans un champ qu'il apprend à maîtriser, celui ô combien magique, de la créativité. Induisant un nouveau rapport au temps, aux souvenirs et à l'histoire». Depuis quelques années, l'artiste développe, en effet, un travail dans lequel la fragilité du médium argentique reflète celle de son être et de son environnement. Le photographe mène des expérimentations comparables à celles d'un alchimiste, faisant de la photographie un outil d'exploration et de transformation de la matière et de la lumière mais également son champ de bataille, son purgatoire. Alors que ce médium est profondément lié au réel, permettant de renvoyer l'exacte image physique de soi ou de l'autre, il est aussi celui qui permet au photographe de purger son âme et tout son être dans un processus cathartique réussi et salvateur. Chaque prise est en relation avec la perception du photographe et de sa réalité environnante en ce qu'elle a de particulier. Le photographe fait ainsi preuve d'une technique fulgurante, résumée, essentiellement, par un noir et blanc ahurissant, qui semble fouiller la nuit. Il a axé ses efforts sur le jeu de lumière, le blanc, le noir et les tons de gris, essayant de transposer encore davantage le sujet. En renvoyant le sens de chaque geste du corps, de chaque mouvement, de chaque expression, ce qui ajoute à la photo une dimension supplémentaire, une beauté profonde, spirituelle et émotionnelle ou parfois même un sens philosophique. Il représente des morceaux de sa réalité, qu'il s'agisse de son portrait ou de portraits d'artistes en pleine exécution de leur art, de fragments de son corps ou d'autres corps, de moments intimes ou d'objets qu'il met en scène de manière théâtrale. On se trouve face à un va-et-vient constant entre la représentation réaliste du sujet et la prospection et entre l'introspection et l'intuition, bien renvoyé par toute une technique du savoir-capter, du cadrage et des tons d'éclairage. Un travail beau et exceptionnel à découvrir absolument jusqu'au 4 mars.