Par Khaled TEBOURBI « Nouba talent's », sur« Carthage +», se distingue, à notre avis, de toutes les productions musicales proposées par nos télés. Ces productions sont d'abord rares, très rares. Depuis la révolution, la musique n'est plus traitée comme une matière en soi. Quand on la montre ou quand on la diffuse, c'est souvent pour souligner autre chose : des mœurs nouvelles, des modes ou des figures récentes, des sons et des phrasés qui tranchent. Ecouter, apprécier, savourer se relèguent à une autre époque…peu à peu . Ces qualités « perdues », on les retrouve, précisément, dans la « Nouba talent's » de « Carthage+ ». Et cela se remarque d'autant plus que c'est supposé être un concours pour débutants, une sorte de « star Academy » ou de « vedettes de demain ». La vérité est que l'émission est musicale en tous points. On y rencontre de jeunes chanteurs dignes d'être écoutés, presque jamais des débutants. Des novices ? En aucun cas ! On n'a pas retenu de noms, peut être parce qu'il est bien difficile d'y faire son choix. Les voix « natures », en premier, « telles quelles », déjà après deux à trois diffusions , étaient, quasiment toutes , dotées de l'essentiel requis : diverses et porteuses en timbres, suffisamment modulées, justes surtout , ce qui impressionne le plus de la part de simples candidats au chant. Le chant, lui-même, ensuite. Pas simple, les spécialistes le savent, le reste, hélas, beaucoup moins .C'est le chant du mezoued et de la zokra, typique des répertoires populaires, mystiques ou profanes, ceux des quartiers et des régions. Un chant à part, avec ses styles et ses accents propres, ses tonalités spéciales, ses postures fières ou enjouées. Tout cela était de la partie. Certains y ont ajouté jusqu'aux modes (toubous et autres maqams) et leurs « interactions » !!. Un enchantement ! Mais encore, une prise de conscience de ce qu'est la musique populaire tunisienne, de ce qu'elle représente pour le pays, pour ses générations. Les candidats de « Nouba Talent's » sont venus « armés », outre d'un talent naturel, d'un savoir-faire, d'un background et d'une histoire. D'un Art, pour tout dire, riche de son présent et de son passé. L'avantage de les suivre, de les voir à l'œuvre dans l'émission, réside principalement en cela. En ce que nous reconnaissons une musique nôtre à sa source et à son prolongement. Il fut un temps, pas lointain, où le mezoued et la zokra étaient boutés hors des villes, reniés par le « palais » et les « gens de palais ». Par les musiciens eux-mêmes. Ils regorgeaient,pourtant, d'illustres maîtres et de formidables créateurs, les trilliati, Khatoui Bouokkaz, Smaiel Hattab, Ben Romdhane et autres pionniers. Et ils en regorgent toujours, de Habbouba à Salah Farzit, à Tlili Gafsi, à Charni et Bouguenna, aux stars d'aujourd'hui, Samir Loussif ,Walid Ettounssi, Noureddine Kahlaoui, Lotfi Jormana, etc. Des écoles du «chaabi » se succèdent chez nous voilà plus de 70 ans. L'émission « Nouba Talent's » y rappelle, et en prend, en quelque sorte, le relais. La « récolte » est bonne, on l'a dit. Mais de vrais spécialistes y veillent en plus, un beau trio : le poète Hatem Guizani, le compositeur et co-créateur de « Nouba » et « Hadhra » en 90 et 93, Samir Agrebi, et le fin musicologue et praticien Hichem Kdhiri. Depuis les fameux jurys des premières « vedettes de demain », celles de Salah El Mehdi, Sriti et de Abdelahmid Ben Algia, on n'a probablement pas eu plus sérieux !