Le centre du Croissant Rouge de Médenine a ouvert ses portes suite à la décision de l'Unhcr de fermer le camp de Choucha en juin 2013 et dans le but de répondre dans l'urgence à la forte augmentation de migrants traversant la frontière libyenne. La ville de Médenine est située à une centaine de kilomètres de la frontière libyenne et a accueilli un grand nombre de migrants déplacés suite à la fermeture du camp sus-cité. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), se considérant interpellé par la reconnaissance des droits de ces migrants du fait de sa mission pour le respect des droits de l'Homme en Tunisie, a jugé important d'instruire ce rapport. Rédigé en janvier 2019 sur les conditions de vie des migrants dans le centre ainsi que sur le contexte migratoire qui a amené ces êtres humains à vivre les drames dont ils ont pu témoigner. Le Ftdes espère ainsi mettre à disposition de la société civile tunisienne et internationale une source d'information directe et un support pour les revendications visant à reconsidérer les droits et les conditions de vie des migrants et des réfugiés en Tunisie. Situation difficile Alerté par des informations d'arrivée de réfugiés presque hebdomadaires pendant un mois, le Ftdes a décidé de se rendre sur place pour analyser la situation dans cette ville du sud tunisien. Ce document fait le bilan des recommandations retenues par le Ftdes à la suite d'une enquête et d'entrevues réalisées avec des personnes hébergées dans le centre en novembre 2018. Le centre du Croissant Rouge de Médenine, référence pour les personnes qui traversent les frontières, accueille aujourd'hui la majorité des migrants dans le gouvernorat. Du fait d'une intervention de l'Unhcr le 21 octobre 2018 lors d'une tentative de refoulement à la frontière tuniso-libyenne d'un groupe de demandeurs d'asile par les autorités tunisiennes, ceux-ci ont été finalement admis à y être hébergés. Les exemples se succèdent. Le 9 décembre 2018, un des demandeurs d'asile du centre a adressé au Ftdes des photos de cinq nouveaux arrivants n'ayant pas été hébergé et n'ayant obtenu ni eau ni nourriture de la part de l'Unhcr ou du Croissant Rouge Tunisien. Deux jours plus tard, les cinq personnes n'avaient toujours pas été accueillies et prises en charge. Le 8 janvier 2019, un contact du Ftdes a affirmé que les coupons alimentaires au sein du centre n'avaient pas été fournis depuis près de deux semaines. Cela lui fait dire que, selon lui, les conditions d'accueil du centre ne sont plus acceptables et que certaines personnes seront amenées à le quitter. Le même scénario s'était déjà passé en Août 2018 quand une vingtaine de personnes avaient quitté le centre car ils ne pouvaient plus tenir dans des conditions de vie inhumaines. Sur place, l'équipe a pu réaliser des interviews avec six personnes, hommes et femmes, mineur(e)s et majeur(e)s, dont les identités ne seront pas révélées et qui ont confirmé de nombreuses similitudes. L'hygiène et la santé Les six personnes ont rapporté que les conditions d'hygiène du centre étaient déplorables. Il y a un nombre insuffisant de douches et de toilettes, partagées par toutes les personnes du centre (adultes comme enfants) très rarement nettoyées, une rare disponibilité d'eau chaude et parfois même des ruptures d'eau dans les toilettes. Les femmes déplorent un manque d'intimité et certaines rapportent qu'elles ont même subi des agressions sexuelles dans les douches. L'état de la cuisine est aussi dénoncé. La cuisine est trop petite, ils sont obligés de manger dans la salle télé ou même dans leur chambre. Elle est souvent sale et ils ne disposent de qu'un seul frigo pour près de cent personnes. De nouveaux arrivants ont parfois attendu plus de deux semaines pour obtenir le kit d'hygiène normalement distribué à l'arrivée (une brosse à dent, un savon, du dentifrice…) Les couvertures et vêtements chauds pour l'hiver ne sont pas distribués à temps ni en quantités suffisantes malgré le froid dans le centre. L'hygiène au-dessous des normes En conclusion, le respect des normes d'hygiène et les conditions de santé montrent des défaillances importantes. Quant aux conditions alimentaires, les personnes interrogées ont beaucoup insisté sur l'insuffisance des 20 dinars tunisiens alloués hebdomadairement par personne pour l'alimentation moyennant un bon d'achat auprès d'un fournisseur imposé et qui doivent également couvrir l'achat des besoins en eau potable absente au centre et sur l'absence de couverture de certains frais de déplacement ou de transport. Cette situation a amené le constat de vol de nourriture, perturbant la sécurité et la sérénité des lieux. Les témoignages sont unanimes pour considérer que la somme de 20dt ne couvre pas les besoins en produits de première nécessité. Les interviewés ont rapporté le manque de personnel, ainsi que beaucoup de réserves quant à leurs comportements envers eux. Il y aurait entre 7 et 9 employés pour le centre entre agents de sécurité, femme de ménage et chauffeur pour plus de 100 personnes qui ne parviennent pas à gérer toutes les demandes. Le chauffeur n'est que rarement disponible pour les urgences devant rallier l'hôpital alors qu'il n'y a pas de personnel médical qualifié d'où le recours à des rendez-vous très éloignés pour des consultations à l'hôpital malgré les souffrances. Le Ftdes s'inquiète de l'absence de restriction d'accès au centre et son ouverture totale qui pose le problème de la sécurité des résidents. De plus, le personnel leur a demandé de ne pas communiquer avec des journalistes ou des personnes intervenantes de l'extérieur et ne leur offre que très peu d'opportunités de télécommunication avec leurs proches ce qui renforce le sentiment d'isolement et d'insécurité. Les personnes écoutées ont aussi dénoncé le comportement désagréable et parfois irrespectueux du personnel qui n'a aucune qualification pour leur encadrement et l'assistance nécessaire pour un retour volontaire, des demandes d'asile ou même sur la vie en Tunisie.