• Hommage et loyauté pour feu Abdelhamid Ben Algia Avec un nouveau comité directeur qui affiche ouvertement des ambitions à la mesure des moyens qui lui ont été octroyés, la Rachidia, qui a vu son budget doublé, peut, désormais, envisager l'avenir avec beaucoup plus de sérénité. Nantie de plusieurs missions dont la formation et la collecte du patrimoine musical national, sa compilation et sa sauvegarde, l'aînée de nos institutions est surtout tenue de présenter une production de qualité qui constitue la partie émergeante de l'ensemble du travail entrepris et l'illustration palpable de ce qui est réalisé dans les autres secteurs. Certes, il est encore tôt, très tôt même pour parler d'évaluation ou discuter le programme de relance, mais la présence de Zied Gharsa à la tête de la direction artistique est en soi, sinon un gage de réussite, du moins une promesse sérieuse. C'est qu'en plus de son talent, connu et reconnu, il a accumulé assez d'expérience au sein de la Rachidia où il a gravi tous les échelons (soliste, responsable de la chorale et chef d'orchestre depuis près de cinq ans), pour savoir le niveau sur lequel on doit intervenir, la manière et les moyens pour le faire. Variations dans la continuité En tout cas, le concert inaugural de la saison 2010-2011, donné vendredi dernier, au Théâtre municipal, en présence d'un public fort nombreux, a laissé entrevoir quelques signes de changement, sans pour autant marquer de rupture, ni de fond ni de forme, avec la Rachidia de ces dernières années. Orchestre allégé mais toujours imposant, absence de deux ou trois choristes-solistes, partis, peut-être, chercher une carrière autonome, qui ont été relevés par une invitée de marque qui fait l'unanimité quant à ses immenses possibilités vocales. Nous avons nommé Rihab Essghaïer. Cette cantatrice s'est produite en milieu de programme, interprétant deux airs de Mohamed Triki, «Lou kan taâref» (si tu savais) et «Rabbi aâtani koll chay» (Dieu m'a tout donné). Peu à l'aise dans le premier, elle s'est éclatée dans le second, étalant tout son savoir-chanter, sa sensibilité et son réel talent. «Hal kammoun m'nin?» (approximatif : quel charme !), interprété dans sa version originale, a apporté une «aération» à laquelle le public a adhéré en la suivant en chœur. Pour le reste du menu, il aura surtout été marqué par le vibrant hommage que la Rachidia a rendu à l'un des maîtres qui l'ont marquée de leur empreinte : feu Abdelhamid Ben Algia. Outre les interventions de Zied Gharsa marquées par une loyauté et une reconnaissance évidentes envers ce monument de la musique tunisienne, Gharsa a entamé le récital par une «wassla» (suite) dans le mode «rast edh'dhil» que le défunt appréciait particulièrement et qui contenait notamment un «mouwachah» que son aîné lui avait appris et qui était présenté pour la première fois, dans son intégralité. Il s'agit de «Ya âdhouli» (approximatif : toi qui m'envies). Une suite ficelée, haut en couleur, relevée par une exécution sobre, épurée et combien harmonieuse. Un moment de vraie délectation. Idem pour la deuxième suite, clôturée par «Bi domouî» (avec mes larmes) de feu Tahar Gharsa qui a préparé le terrain à un cocktail de chansons du patrimoine dont «Kwatni kwatek», «Mridh fani», «Yalli boôdek», «Ana at'targui oueld at'targuia»… Le public, en communion avec l'orchestre, s'en est donné à cœur joie en secondant la chorale. Une performance dirigée par une main de maître et qui laisse supposer que le meilleur reste encore à venir.