• Les actes du colloque organisé à Kairouan du 20 au 25 avril 2009, autour de ce thème, viennent d'être publiés et rendus publics. Témoin impuissant des affres qu'a connus sa ville, Kairouan, incontestable pôle de rayonnement culturel, scientifique et intellectuel universel, Ibn Rachiq, éminent poète kairouanais, résumait cette déchéance dans ce vers : «Esprits pondérés pesant des montagnes, votre mérite indéniable est un soleil jamais absent». Cette implacable logique a justifié, en partie, le colloque organisé à Kairouan du 20 au 25 avril 2009 sous l'égide de Beït Al-Hikma autour du thème : «Le rayonnement de Kairouan à travers l'histoire». D'éminentes personnalités arabes et européennes, exerçant une influence notable par la qualité et la profondeur de leurs réflexions, étaient présentes à ce colloque qu'elles ont enrichi par la valeur et le mérite de leurs contributions. Elles ont notamment revu et étudié l'étonnant foisonnement de la culture et de la créativité au sein de trois écoles : la spirituelle (fiqh), la littéraire et la médicale qui s'est particulièrement dispersée en Europe pour former de nouvelles écoles en y implantant les branches de la médecine arabe kairouanaise. Kairouan, intarissable source d'inspiration Parmi les actes du colloque, nous avons relevé le témoignage de l'historienne Mounira Chapoutot qui était remarquable par la diversité de ses sources (ibadhites, fatimides et sunnites du Maghreb et d'Orient) et par l'étude pointilleuse d'ouvrages de géographes et autres voyageurs arabes. L'étude portait sur le rôle joué par la capitale aghlabide dans le rayonnement de la civilisation arabo-musulmane à une époque de l'histoire où l'Occident judéo-chrétien se débattait et se démenait pour se libérer du carcan de l'obscurantisme et sortir du Moyen-Age. Mounira Chapoutot s'est tout particulièrement intéressée aux multiples séditions qui menaçaient l'existence de Kairouan en tant que centre et tête de pont de la conquête arabe de l'Ifriqiya. Elle a eu à subir bien des assauts et bien des occupations d'autres chefs berbères ou arabes. La révolte d'Abû Yazid Al-Nukkari fut sans nul doute l'une des plus grandes menaces et pour la ville et pour le califat fatimide qui dominait alors l'Ifriqiya. L'historienne a rappelé tout d'abord les soulèvements kharijites et chiites précédant la révolte d'Abû Yazid, l'Homme à l'âne ou Sahib al-himar, avant de retracer ses origines et de tenter de cerner sa personnalité. Elle a également examiné les péripéties de sa rébellion et analysé ses répercussions sur l'histoire de l'Ifriqiya, celle des Fatimides et celle du Kharijisme. Dans un tout autre contexte, la contribution du psychiatre Adel Omrani autour du Traité de la Mélancolie d'Izhaq Ibn Imran et de la transmission du savoir médical, a été concluante. Il nous a révélé qu'en 877 Ibrahim II, l'émir, passionné de mathématiques et d'astronomie, fit venir Izhaq à Kairouan pour le nommer médecin personnel. La ville était alors florossante et comptait un hammam pour quatre-vingts habitants. «C'est avec lui que la médecine et la philosophie firent réellement leur apparition au Maghreb», disait Abi Oussaïbia. C'est ainsi qu'Ibn Imran fut considéré comme le véritable fondateur de l'Ecole médicale de Kairouan qui compta plusieurs médecins célèbres dont Ibn Suleyman ou Isaac Judeus et Ibn Jazzar, l'auteur du magnifique Viatique. Le penseur et poète libanais, Salah Stétié a concentré son exposé sur le sujet de «Kairouan, capitale en poésie» et sur le séjour des peintres Paul Klee, August Macke et Louis Moilliet à Kairouan, trois obsédés de la lumière de la steppe au même titre que le musicien hongrois Bela Bartok ou des écrivains Alexandre Dumas, Flaubert ou Rilke. «Format et coût des livres» est l'intitulé du sujet sur les manuscrits coraniques de la Grande mosquée de Kairouan et leurs enseignements des professeurs Mourad Rammah et François Déroche. L'ouvrage contient également une somme d'actes des professeurs Jeronimo Paez, François Terré, Giulia Annalinda Neglia, Ridha Tlili, Virgilio Martinez Enamorado et Raphaël Aznor. La préface est du professeur Abdelwahab Bouhdiba, président de Beït Al-Hikma. ––––––––––––––––––– * Actes du colloque organisé à Kairouan sur «Le rayonnement de Kairouan à travers l'histoire» en avril 2009. Editions Beït Al-Hikma, octobre 2010.