Ce colloque, tenu à Carthage le 20 janvier 2010, a jeté la lumière sur Beït Al-Hikma, une académie dont le rôle essentiel et de promouvoir la science, les lettres et les arts, et de comparer par la suite la mission qu'a jouée cette institution à l'échelle irakienne d'abord et kairouanaise ensuite dans le souci de se conformer à une norme idéale et de s'opposer aux emprunts étrangers (persans, indiens, latins, byzantins et hébreux). Beït Al-Hikma de Bagdad à Kairouan est un condensé des actes de la communication culturelle organisée à l'occasion de la célébration de Kairouan, capitale de la culture islamique en 2009. Les six chercheurs, tous tunisiens, qui y ont participé, se sont tous intéressés à deux axes de recherche endogènes et complémentaires : l'institution kairouanaise de Beït Al-Hikma; la médecine kairouanaise et Ibn Al-Jazzar (898-980). Point n'est besoin de revenir sur le passé d'une ville qui fut pour des siècles le fleuron de la civilisation musulmane et qui a remarquablement contribué à l'enrichissement du fiqh selon l'école malékite, ainsi que la langue arabe, la poésie, les sciences et la médecine. Faut-il rappeler également son passé riche en événements historiques dont la conquête de l'Espagne, par Tarak Ibn Ziad, qui demeura sous domination musulmane de 712 à 1492 date de la chute de Grenade ainsi que la conquête de la Sicile par Assad Ibn Fourat qui se poursuivit de 827 à 1090? En 909, les Fatimides chiites, sous la conduite d'Abu Abdallah, dit le chiite, s'emparent de l'Ifriqiya et font de Kairouan leur résidence. Mais la ville perd son statut avec la fondation de Mahdia et sa proclamation comme capitale du califat chiite fatimide. Après le retrait définitif des Fatimides, Moïz Ibn Badis (1016-1062) prend le pouvoir et mène une politique en faveur des populations sunnites. Kairouan connaît alors la dernière période d'épanouissement de son histoire jusqu'à l'arrivée des Hilaliens. Les promoteurs de la grandeur de Kairouan Aux côtés d'Ibrahim Ibn Al-Aghlab, le fondateur de la dynastie des Aghlabides, Ibn Rachiq, le plus prestigieux homme de lettres arabe du IIe siècle en matière de grammaire, de poétique, de linguistique et de rhétorique, mort en 1071 et enterré à Marsale, en Sicile; Ibn Charaf, poète et homme de lettres, né à Kairouan en l'an 1000 et décédé et enterré à Séville en 1067, aux côtés d'Oqba Ibn Nafi, le grand chef militaire qui a dirigé la conquête islamique du Maghreb et qui a succombé à de profondes blessures que lui a infligées le chef berbère Koceïla, dans une embuscade près de Biskra en 683, aux côtés de Zyriab, le célèbre maître de musique, venu d'Orient pour l'Andalousie et qui a séjourné à Kairouan avant de décéder à Séville en 821, le colloque s'est tout particulièrement intéressé et l'étude du cas de Ahmed Ibn El Jazzar (898-980). Médecin réputé en Ifriqiya, mais également en Europe, il est formé à bonne école par son oncle Abubaker et son père Ibrahim. Ibn El Jazzar est aussi pharmacien, botaniste, poète et historien. Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont le célèbre Viatique, La puériculture et l'éducation des enfants qui fera de lui un précurseur de la pédiatrie. Son œuvre ainsi que celles de ses deux prédécesseurs, Ibn Omran et Ibn Soliman, ont été traduites en latin et transmises en Europe par le moine Constantin l'Africain, mort en 1087, qui s'installe définitivement en Italie pour traduire en latin les œuvres de scientifiques et médecins kairouanais. Le controverse Parmi les sujets étudiés, il y a lieu de relever «Beït Al-Hikma depuis les Aghlabides jusqu'aux Zirides» par un spécialiste de l'époque médiévale de Kairouan, le Pr Ahmed Touili, «Beït Al- Hikma et ses relations avec les milieux sunnite et chiites», par Mohamed Taoufik Enneïfer et «Beït Al-Hikma au troisième siècle de l'Hégire», par Taoufik Labidi. Le Pr Sihem Debbabi Missaoui s'est intéressée à «La médecine depuis Bagdad jusqu'à Kairouan» avec en sus, les traités d'aliments et d'hygiène. Quant aux professeurs Farouk Amor Asli et Dr Radhi Jazi, ils ont traité du rayonnement d'Ibn Al Jazzar en Andalousie. Il appert, à travers les interventions, que l'épineuse controverse à propos de l'existence réelle de l'Académie Beït Al-Hikma, suscitée par la polémique engagée par Hassen Hosni Abdelwahab, a été résolue en s'appuyant sur différentes sources. Seules demeurent des questions d'ordre chronologique ou de lieu. Quoique les interventions se soient concentrées sur l'école médicale kairouanaise, les chercheurs ont, de même, insisté sur la variété des études menées à l'institution, des études qui ont englobé les différentes branches du savoir de l'époque et notamment la science du «Kalam», illustrée par une école spécifique en Ifriqiya. Par ailleurs, les interventions ont traité et étudié les influences exercées, de part et d'autre, entre Bagdad et Kairouan, notamment en médecine. Il est donc indéniable que ce patrimoine ait joué un grand rôle dans le rayonnement de la civilisation arabo-musulmane en Andalousie et, partant, en Europe. —————— * Beït Al-Hikma de Bagdad à Kairouan - Actes du colloque du 20 janvier 2010‑- Beït Al-Hikma, mai 2011