Deux causes valent mieux qu'une. Surtout quand il s'agit d'enfants défavorisés qui voient deux bienfaiteurs se réunir pour eux, le temps d'un spectacle : l'un dans le domaine artistique, plus précisément la danse, l'autre dans le social. Une devinette ? On en est loin. L'association «L'enfant d'abord», qui œuvre pour l'amélioration du cadre de vie d'enfants tunisiens défavorisés, a opté pour le spectacle, La feuille de l'olivier, de Nawel Skandrani, donné jeudi dernier au Théâtre municipal, pour recueillir des fonds pour son action dans ce sens. Un choix adéquat, dans la mesure où Skandrani a elle-même écrit La feuille de l'olivier pour soutenir, à sa manière, la cause d'un «arbre millénaire, symbole de la Méditerranée», comme elle le qualifie. Une heure vingt pour raconter le parcours de l'olivier, au fil des siècles de part et d'autre de sa mer préférée. Elle a dû en résumer des choses. Le parti pris de Nawel Skandrani est avant tout celui de l'olivier en tant qu'élément identitaire commun à plusieurs pays et perçu en même temps différemment par chacun d'eux. Tout dépend de l'histoire du peuple, et de la terre dans laquelle poussent ces « pieds verts » ornés de noir. Ce sont les danseurs qui se muent en arbres, portent dans la continuité de leurs membres ses branches filiformes pour le pénétrer, telle la sève, dans l'âme, ressortir ses murmures, ses rires et ses cris. Marion, celle qui vient de la rive nord de la Méditerranée, raconte son histoire d'amour avec cet arbre. Elle lui rend un hommage en gestes, images, paroles, poésie et musique. Nathalie, la Libanaise, en fait de même, mais le ton change et les mots sont autres… L'olivier de Nathalie est celui qui la protège, auquel elle confie sa joie en temps de paix, sa peine et ses peurs en temps de guerre. Elle est une feuille parmi d'autres dans le grand arbre qui forme son petit pays. L'olivier est le témoin, maintes fois impuissant de ce qui s'y passe. Il l'est surtout en terre de Palestine où des images d'Al Jazeera le montrent en train d'être déraciné par les chars des colons. Sa détresse est portée par les commentaires de la correspondante de la chaîne, les vers de Mahmoud Darwich et la voix d'Anouar Brahem. Maher, le danseur tunisien, préfère prendre la place de l'olivier. Il se perche en haut d'une colline à Mhamdia seul, sauf lors des moments où les oiseaux lui tiennent compagnie. Il est tantôt dérangé, tantôt ravi par ces visiteurs humains, à la recherche de l'ombre ou d'un coin loin des regards indiscrets. Dans tous les cas, ils semblent oublier qu'il est là, inanimé mais bien vivant, il garde un œil sur eux et scrute la menace de l'urbanisation qu'il voit approcher de plus en plus. La quatrième danseuse, Amira, s'est voulue un arbre à la rencontre de tous. Ses costumes inspirés de différentes cultures, sa corpulence qui contraste avec les autres danseurs, sa danse allant du contemporain à l'oriental et son chant aux airs universels semblent bien l'indiquer. La feuille de l'olivier arpente ainsi les dimensions d'un spectacle aux diverses expressions, où la danse est complétée par la vidéo et la musique. C'est aussi un moyen de présenter l'olivier, non seulement comme élément essentiel à la vie —, chose qui lui a valu d'être un enjeu politique —, mais aussi comme élément culturel qui a inspiré les artistes de par sa beauté et sa générosité. Dans ce spectacle, l'olivier est plus que jamais lié à un sentiment d'appartenance. Et comme disaient les anciens : «Ne extra oleas» (ne vous éloignez pas des oliviers).