La gouvernance définie comme étant une nouvelle conception du processus de décision accordant toute sa place à la concertation entre les parties prenantes et basée sur la transparence demeure un concept mal compris du fait que renvoyant à plusieurs modèles et à plusieurs concepts. «Cependant il désigne avant tout un mouvement de décentrement de la réflexion, de la prise de décision, de l'évaluation avec une multiplication des lieux et des acteurs impliqués dans la décision ou la co-construction d'un projet elle renvoie à la mise en place de nouveaux modes de pilotage ou de régulation plus souples et éthiques fondés sur un partenariat ouvert entre différents acteurs et parties prenantes», telle est la définition du concept de gouvernance. Fait qui donne à ce concept toute sa légitimité et toute son importance en tant que facteur essentiel pour inscrire l'entreprise dans la pérennité et la doter des éléments nécessaires pour relever tous les défis autant internes qu'externes liés aussi bien à la concurrence accrue qu'aux nouvelles exigences économiques et à la prospérité sociale. Les Journées de l'entreprise, qui ont choisi pour leur 25e édition de parler de «l'entreprise face à ses défis», ne pouvaient passer outre cette notion hautement importante et reconnue comme telle par les spécialistes. Ainsi les Journées de l'entreprise ont-elles consacré un panel pour parler de la question de gouvernance et du rapport étroit qu'elle a avec la notion de confiance. C'est en présence de M.Ridha Ben Mosbah, ministre du Commerce et de l'Artisanat, que des spécialistes du management, des universitaires et des chefs d'entreprise ont, tour à tour, pris la parole pour évoquer la notion de gouvernance. On citera, notamment, MM.Karim Ben Kahla, Mohamed Frioui et Faysal Derbel ( universitaires), Abdelwaheb Ben Ayed, président du groupe Poulina, Souleimane Chihoumi, secrétaire du comité de direction de la Bourse Libyenne des Valeurs et Mme Leïla Mohamed Bouamatou, directrice au département du Trésor général de la Banque de Mauritanie(GBM). M.Mohamed Frioui s'est penché, dans son intervention, sur le contexte des affaires caractérisé par la globalisation, l'ouverture des frontières, la large libéralisation des domaines d'activité, la difficulté de défendre le marché local, le recours massif à l'emploi des TIC, le risque croissant de crise et la consécration par la «Glocalisation». Le conférencier a, en outre, relevé que les ambitions de l'entreprise consistent, surtout, à la création de valeur économique, sociale, institutionnelle et instrumentale, la satisfaction des intérêts des stakeholders( les parties prenantes), la concrétisation des axes d'orientation stratégique et la quête de la viabilité. Pour ce qui est des contraintes qui se posent, il cite les contraintes matérielles liées à la rareté des ressources, les contraintes institutionnelles liées à la concurrence et à la réglementation, les contraintes internationales et les contraintes technologiques inhérentes au rythme du progrès et au rétrécissement de la durée de vie de la technologie. M.Frioui a, en outre, relevé que les défis du management sont de trois sortes: économiques, sociologiques et technologiques Il a, par ailleurs, présenté les perspectives de l'entreprise de demain à la lumière d'une analyse comparative des études et des enquêtes sur le plan international et en Tunisie. La superposition des études effectuées par des institutions et des organismes internationaux aux avis de dirigeants tunisiens permet d'identifier un certain nombre de caractéristiques pour l'entreprise de demain. Il s'agit, notamment, d'une entreprise qui investit dans l'innovation, flexible pour s'adapter aux changements dans le métier et le marché, génératrice de valeur différentielle aux stakeholders, qui envisage le développement durable à la fois authentique et responsable. Le conférencier relève, par ailleurs, que l'entreprise de demain veillera à consolider sa position sur le marché national tout en s'ouvrant sur l'international et sera innovatrice autant au niveau de sa production, de son organisation que de la commercialisation. «Cette entreprise sera internationale et locale à la fois (glocale), ouverte pour intéresser les différents partenaires ( stakeholders), spécialisée dans son cœur de métier et valorisatrice des activités connexes et alliant son développement à sa responsabilité écologique», conclut, enfin, le conférencier. M.Karim Ben Kahla a, pour sa part, traité la question de «confiance et gouvernance : défis d'entreprise, projet de société». Il a rappelé, à ce propos, que la gouvernance serait un art, une science et des pratiques de rationalisation et de légitimation de l'exercice du pouvoir par les dirigeants et précisant qu'il y a autant de gouvernances que de modalités et de manières d'exercer le pouvoir ajoutant que la gouvernance est une approche qualitative. Le conférencier a articulé son intervention autour de trois axes principaux, à savoir les constats et les symptômes, les défis à relever en matière de gouvernance et le binôme gouvernance-confiance comme étant un projet d'entreprise et de société. Pour dresser un état des lieux de la situation, le conférencier a évoqué sept constats et symptômes qui entraveraient la concrétisation de la bonne gouvernance, notamment un problème au niveau des marchés caractérisés par de faibles interconnexions, des droits des actionnaires souvent méconnus et négligés, des conseils d'administration souvent peu efficaces, des dirigeants souvent omnipotents et omniscients , des flous, des ambiguïtés et des problèmes de transparence des parties liées souvent négligées et une succession souvent mal préparée. Pour ce qui est des défis de la gouvernance, le spécialiste identifie trois groupes de défi qui permettraient d'agir sur les causes profondes des symptômes. Il s'agit, surtout, de se donner les prérequis et les moyens techniques de la bonne gouvernance, de rénover la culture de la gouvernance et de produire de la confiance. S'agissant du troisième défis et relatif à la production de la confiance, M.Ben Kahla relève que le gouvernance n'est pas une fin en soi et qu'elle a un coût que la confiance permet de minimiser. Il note, en outre, que trop de gouvernance tue la gouvernance créant par la même occasion méfiance et opportunisme. Il précise qu'il est essentiel de prendre en compte les interactions entre la forme et le fond, le formel et l'informel, la gouvernance et la confiance. Il note, enfin, que la confiance est une construction sociale inscrite dans une histoire longue et que les responsabilités du dirigeant consistent, à ce niveau, à penser et actionner la dialectique de la confiance et de la gouvernance, à être crédible afin de dépasser les peurs, les crispations, la méfiance, à produire une société et une entreprise de la confiance et à promouvoir une éthique de la bonne gouvernance.