Le rédacteur en chef monde de Le Point le rappelle sans ambages : "Delenda Carthago : il faut détruire Carthage. Au IIe siècle avant Jésus-Christ, Caton l'Ancien terminait tous ses discours au Sénat par cette exhortation à rayer de la carte la grande rivale de Rome. Ce qui fut fait avec la troisième guerre punique et après la mort du grand imprécateur. Les conflits sont toujours précédés d'une campagne psychologique pour préparer les opinions à une éventuelle conflagration. La crise iranienne n'échappe pas à la loi du genre". Et précisément Le Point retourne dans tous les sens la question de la guerre contre l'Iran. Comme s'il s'agissait d'une évidence. La mise en perspective débouche sur des interrogations majeures. Comme celle instruisant que l'action militaire contre l'Iran entraînerait des séismes en cascade dans toute la région. Et pour cause. Plus de quarante pour cent de la production mondiale de pétrole transite par le Golfe. Plus précisément par le détroit d'Ormuz. C'est à dire à un jet de pierre des forces iraniennes. Sans parler de la Syrie, du Liban et de la bande de Gaza qu'Israël et ses alliés impliqueront inévitablement dans leur guerre menée contre Téhéran. Un océan sépare l'Europe de l'Amérique. Cela n'empêche pas leurs puissants Etats respectifs de nourrir les mêmes obsessions. Dans sa dernière livraison, le magazine américain Newsweek étale en Une un collimateur visant des installations iraniennes. Le titre est on ne peut plus significatif : L'Iran dans le collimateur. Assassinats, cyber-attaques, sabotage, la guerre contre Téhéran a-t-elle déjà commencé ?" De bien avertis experts y parlent des bombardements de l'Iran et de leur relative efficacité présumée. On y rapporte volontiers les propos des spécialistes. A l'instar de l'article de Le Point qui révèle les propos d'un spécialiste israélien : "On ne bombarde pas les cerveaux". En fait, les cerveaux, on les liquide plutôt. Les révélations sont assez sinistres : "Les services israéliens ont en réalité déjà engagé des opérations contre le programme nucléaire iranien. Par l'assassinat ciblé de scientifiques, l'introduction de virus sournois dans les systèmes informatiques et le sabotage en amont des matériels sensibles". Inutile de rappeler que tant aux Etats-Unis d'Amérique qu'en Europe les sphères médiatiques sont des relais privilégiés des hommes politiques et de leurs états-majors. Ce qui est clinquant y est souvent le résultat de compromis, compromissions et grenouillages. Et il arrive souvent que des fuites savamment orchestrées et autres dérapages contrôlés y prennent la forme de révélations indépendantes, exclusives et souveraines. Les observateurs, comme les fins exégètes, s'en tiennent aux faisceaux d'indices. Et ceux-ci suggèrent que l'action militaire contre l'Iran est à l'ordre du jour. Israël et l'Amérique la veulent cette guerre. L'Europe suivra. Encore une fois. Tout au plus esquisserait-elle quelque moue désapprobatrice. Ce qui n'empêchera d'honorer à tout le moins le statut de l'intendance. Depuis l'irruption il y a dix ans des armées américaines dans la région à la faveur des guerres d'Irak et d'Afghanistan, la donne a considérablement changé. En empirant bien évidemment. Car là où l'Amérique cale –tant en Irak qu'en Afghanistan- d'autres mouvances nationalistes ou extrémistes prennent racine, se renforcent. Et l'on est en droit de se demander si, après les fiascos d'Irak et d'Afghanistan, les Américains oseraient acheminer un nouveau corps expéditionnaire contre un troisième pays musulman, en l'occurrence l'Iran. L'interrogation est légitime. Mais le doute subsiste sur les vraies intentions de ceux qui tiennent les rênes. Celui qui règne gouverne. Une évidence. La sagesse populaire instruit quant à elle que "jamais deux sans trois". Les gens s'apprêtent à piquer dans les fêtes de fin d'année. Quelque part, à l'abri des yeux indiscrets, on mijote le pire. A petit feu. En vue d'une déflagration dont personne ne sera à l'abri en fait. Les mijoteurs en prime.